Pourquoi une femme maltraitée reste-t-elle avec son conjoint ?

Par Brenda Branson

Dans les années 20, on répondait à cette question en expliquant que les femmes battues étaient des attardées mentales, des personnes de faible intelligence. Dans les années 40, la tendance voulait plutôt que ce soit par masochisme que les femmes restent dans une telle situation.

À partir des années 70, les experts ont commencé à affirmer que si une femme restait auprès d’un conjoint abusif, c’était parce qu’elle était isolée de ses amis et voisins, qu’elle manquait de ressources économiques et qu’elle était réduite à un état de terreur et d’impuissance à force d’abus répétés.

Nous avons dépensé beaucoup de temps, d’énergie et d’argent public afin d’étudier ces femmes et leurs problèmes. En posant des questions telles que « Pourquoi les femmes restent-elles ? », nous avons réussi à placer la faute sur les victimes plutôt que d’agir pour mettre un terme aux comportements violents de certains hommes.

On pose beaucoup plus rarement la question : « Qu’est-ce qui ne va pas chez cet homme ? Pourquoi n’est-il pas en prison ? Cette femme reçoit-elle la protection policière nécessaire ? A-t-elle besoin d’aide médicale, financière ou légale ? A-t-elle un endroit où vivre si elle quitte son foyer ? Les enfants reçoivent-ils des soins ? » Plutôt que d’accuser les victimes, demandons-nous plutôt : « Pourquoi de telles violences continuent-elles aujourd’hui ? Que pouvons-nous faire pour y mettre un terme ? La personne violente a-t-elle été mise face à ses responsabilités et dirigée vers un programme spécialisé ? »

Malheureusement, la première question qui vient à l’esprit de la plupart d’entre nous est : « Pourquoi ne le quitte-t-elle pas, tout simplement ? » Quand nous abordons la situation par cette question, nous perdons de vue le crime et le vrai responsable et plaçons la faute sur le dos de la victime.

Le fait est que de nombreuses femmes quittent effectivement leur foyer et qu’elles risquent leur vie en prenant une telle décision. Cependant, une femme qui reste le fait généralement pour les raisons suivantes :

  • La confusion

Un jour il l’adore et la place sur un piédestal. Le lendemain, elle n’est pas à la hauteur de ses attentes et tout s’écroule. Elle fait face à un comportement irrationnel et n’arrive pas à comprendre comment son mari est passé d’un homme aimant et généreux à une personne agressive et maniaque qui prend plaisir à la punir. Un ou deux jours plus tard, il la couvre à nouveau de compliments et la remet sur son piédestal. Cette stratégie de l’ascenseur émotionnel garde la femme dans un état de déséquilibre et de confusion constant.

  • La peur !

Et elle a toutes les raisons d’avoir peur. Il l’a menacée de lui prendre les enfants si elle part et elle sait qu’il tiendra parole. Il est tout à fait capable de mentir devant un tribunal et d’expliquer à quel point elle est une mauvaise mère. Elle sait que s’il n’arrive pas à obtenir la garde, il les kidnappera. Dans certains cas extrêmes, c’est la vie même de la femme et des enfants qui est en danger : « Si je ne peux pas vous garder toi et les enfants, je vais m’assurer que personne d’autre ne vous ait. »

Si elle part, elle craint également les réactions condescendantes et pleines de jugement de la part de ceux qui la considèreront comme responsable d’avoir brisé son mariage et sa famille. Il se peut aussi qu’elle ait peur de désobéir à Dieu si on lui a enseigné que Dieu hait le divorce. Elle ignore souvent que Dieu hait également la violence et qu’il fait preuve d’une immense compassion envers ceux qui sont victimes d’abus.

  • La culpabilité

Elle se sent responsable de la situation de sa famille et de la manière d’agir de son conjoint. Il lui a répété à de multiples reprises que c’est de sa faute s’il s’énerve, alors elle a fini par le croire.

  • La honte

Elle ne veut pas parler de ses difficultés à qui que ce soit parce qu’il est gênant de reconnaître qu’elle s’est retrouvée dans cette situation ou qu’elle l’a laissée s’installer. Elle a honte d’avoir pris de mauvaises décisions et de ne pas avoir réussi à sauver son mariage.

  • Elle ressent le besoin de protéger son agresseur

Certaines femmes ont le sentiment de trahir leur agresseur et s’en sentent coupables. Elles croient souvent qu’il a besoin de plus d’amour et de soins à cause des blessures qu’il aurait subies par le passé. Elles estiment qu’il est de leur responsabilité d’épouse de l’aider à aller bien.

  • Elle se dissocie de la souffrance

Son conjoint cherche toujours à la convaincre que les violences n’étaient pas aussi graves que ce qu’elle dit ou même qu’elles n’ont pas eu lieu du tout. Parfois, il l’accuse d’avoir été violente envers lui, même si c’est elle qui est couverte de bleus. Elle ressent la douleur dans son corps et elle sait qu’elle a été blessée, mais son esprit lui répète : « Ce n’est pas si grave, n’y fais pas attention. Il ne recommencera pas, il a promis de changer » ou encore « Si seulement « je » pouvais changer. »

  • Elle nie la possibilité que l’homme qu’elle aime soit capable de la blesser gravement, voire de la tuer

Même si elle sait qu’il l’a déjà blessée par le passé, elle n’arrive pas à croire qu’il soit réellement mauvais, car elle n’aurait jamais choisi de faire sa vie avec une telle personne. Pour elle, le fait qu’elle l’aime encore en est la preuve.

  • Il est parfois plus facile de nier l’abus que de faire face à des choix difficiles et à un avenir incertain

La plupart des femmes subissent d’énormes difficultés financières, sociales et émotionnelles lorsqu’elles rompent la relation. Elles trouvent souvent peu ou pas de ressources pour les aider. Le système judiciaire tel qu’il existe aujourd’hui n’offre souvent aucun espoir aux victimes de violences conjugales et les néglige de manière récurrente.

  • Elle connaît mal les réalités et les conséquences de la violence conjugale

Elle pense que les violences sont de sa faute et non de celle de son conjoint. Elle pense que c’est un problème temporaire, lié à des circonstances extérieures (le stress au travail par exemple). Elle se dit : « Lorsque le niveau de stress diminuera, la violence cessera » ou « Si je perds du poids, il m’aimera plus. »

  • Elle croit que les enfants ont besoin de leur père et ne veut pas qu’ils souffrent d’un divorce

Les femmes qui restent pour ce motif ne savent pas qu’en réalité, les enfants subissent des traumatismes beaucoup plus profonds en vivant dans un foyer violent qu’avec un parent célibataire.

  • On l’accuse d’être à l’origine de sa situation ou de choisir d’y rester, alors qu’on l’abandonne lorsqu’elle prend la décision de partir

De nombreux médecins, thérapeutes et pasteurs ne prennent pas les violences conjugales au sérieux et renvoient les victimes chez elles. Certains estiment qu’elle s’est elle-même mise dans cette situation alors que d’autres se demandent : « Pourquoi ne part-elle pas si c’est si horrible que ça ? »

  • Elle maintient de faux espoirs

Elle espère que si elle fait encore un peu plus d’efforts ou attend un peu plus longtemps, les choses changeront.

  • Elle risque la mort !

Les risques de violence envers une femme augmentent de 75% lorsqu’elle quitte son agresseur.

 

Ce sont ici quelques-unes des raisons pour lesquelles les femmes restent. La vraie question est : « Que pouvons-nous faire pour les aider ? » et « Comment faire cesser ces violences ? »

Arrêtons d’accuser les victimes et commençons à mettre les agresseurs face à leurs responsabilités.

 

© 2004 FOCUS Ministries, Inc. Tous droits réservés. Copyright international. Utilisation autorisée. Publié initialement en anglais sur le site Focusministries1.org, sous le titre “Why won’t she leave”.