Être parent au foyer : une mission en soi

Trouver joie et raison d’être au milieu des couches à changer

Par Jodi McIsaac Martens

Se lever. Changer les couches. Préparer le petit déjeuner. Faire les lits. Changer les couches. Préparer le diner. Passer l’aspirateur. Changer les couches. Préparer le souper. Faire la vaisselle.

Et recommencer pendant les années à venir.

Quand j’ai fait le choix de ne pas reprendre mon travail après la naissance de notre deuxième enfant, je savais que ça me demanderait un temps d’adaptation. Après tout, je quittais un poste de cadre que j’aimais beaucoup pour passer mon temps avec « Elmo et ses amis ». Ce que je n’avais pas réalisé, c’est que cela allait être bien plus qu’un simple ajustement pour moi : je m’apprêtais à faire face à une crise totale d’identité.

Du jour au lendemain, j’ai eu l’impression de passer du statut de professionnelle accomplie à celui de bonne à tout faire. Mes journées consistaient à faire à manger (pour voir le tout être dévoré sous mes yeux), à désespérément essayer de ne pas prendre de retard dans la vaisselle et à faire au moins une lessive par jour pour lutter contre la bave et le vomi. Je travaillais dur, du premier biberon du matin jusqu’à l’histoire du soir au coucher, avec pour seule perspective de devoir recommencer le lendemain. Et le jour d’après, et le jour d’après.

Voilà tout ce que je pouvais espérer de mon avenir proche. L’idée me terrifiait.

Une nouvelle quête

Ne voulant pas passer les dix-huit prochaines années de ma vie à redouter chaque nouveau jour, j’ai décidé de partir à la recherche de réponses.

À ma grande surprise, c’est l’œuvre d’un moine du 17e siècle qui m’a le plus parlé. Le frère Laurent a travaillé dans les cuisines d’un monastère carmélite pendant plus de 40 ans. Pour lui, chacune de ses journées était un précieux cadeau de Dieu. Il considérait le terre-à-terre du quotidien comme un moyen que Dieu utilisait pour lui exprimer son amour. Son regard était constamment fixé sur Dieu alors qu’il cuisinait, nettoyait ou se consacrait à d’autres corvées pour son ordre.

Chacune de ses tâches, si minime soit-elle, avait une grande portée sur le plan spirituel. Son travail était son adoration, car il l’offrait à Dieu. Il a écrit : « Il est possible de faire des petites choses pour Dieu. Je retourne la crêpe qui cuit dans la poêle par amour pour lui. Une fois cela fait, si rien d’autre ne nécessite mon attention, je me prosterne en louange devant celui qui m’a donné la grâce de travailler. Ensuite, je me relève plus heureux qu’un roi. Même ramasser la plus petite brindille à terre pour l’amour de mon Dieu me suffit. »

En lisant son histoire, je me suis demandé si les tâches que j’accomplissais à la maison tenaient une place importante dans ma vie spirituelle. La réponse, je l’admets, était un non clair et définitif. C’est alors qu’a démarré ma quête pour trouver du sens spirituel à mon quotidien très banal de mère au foyer.

La véritable spiritualité 

Soyons honnêtes, la plupart de ceux qui restent à la maison avec les enfants ont rarement le temps de partir pour de longues retraites spirituelles ou d’escalader des montagnes pour être en communion avec Dieu. En fait, une idée trop idéalisée de ce qu’est la vraie spiritualité peut nous empêcher de voir et de vivre la présence de Dieu au milieu de ce que nous sommes en train de traverser.

Simon Carey Holt, théologien à l’université de Melbourne, explique : « La spiritualité touche à tous les aspects de la vie et transparait dans tout ce que nous sommes. Elle inclut nos moments de retraite spirituelle et les minutes passées dans les bouchons ; elle est dans le silence et dans les cris des enfants, dans le calme feutré du culte du dimanche et dans les repas de famille animés. La promesse “Dieu est avec nous” n’est pas limitée aux grands sommets. »

Edith Schaeffer, femme du célèbre théologien et philosophe Francis Schaeffer, est aussi devenue un modèle pour moi. Lorsque son mari et elle ont ouvert leur maison en Suisse pour en faire un centre de retraite spirituelle, Edith assumait tout l’entretien de la maison et faisait à manger pour le flot constant des visiteurs qu’ils recevaient. Elle prenait également soin de leurs quatre enfants, dont deux avaient des problèmes de santé.

Elle écrit : « Au moins, il y a un côté dramatique quand on parle des martyrs qui sont torturés pour leur foi. Préparer à manger et devoir faire plusieurs services sans même pouvoir s’asseoir et manger soi-même entretemps, devoir constamment nettoyer et ramasser derrière les autres, vider des tonnes de poubelle, récurer la cuisinière parce que le lait a débordé et frotter le four où les résidus se sont accumulés en croûte noire, tout cela n’a rien de très séduisant ! » Pourtant, ses actes de service simples ont participé à lancer un mouvement qui a changé des milliers de vies dans le monde.

Le sacré et le séculier

Aussi difficile que cela soit à imaginer, les tâches que nous avons tendance à mépriser parce qu’elles ont une apparence peu glorieuse peuvent s’avérer être une forme de louange. La plupart d’entre nous divisons notre vie entre le « sacré » et le « séculier ». Puisque nous avons pour habitude de considérer les tâches ménagères et l’éducation des enfants comme des domaines purement séculiers, nous échouons à y voir la présence de Dieu et ce qu’il veut faire à travers ces moments. Au lieu de cela, nous essayons souvent de nous débarrasser au plus vite de ces basses besognes pour avoir le temps ensuite de nous consacrer à nos activités « sacrées », telles que l’église, l’étude de la Bible ou la prière.

Cependant, l’acte de préparer un repas, de trier les déchets ou de moucher votre enfant malade est tout aussi spirituel que n’importe quelle autre activité « religieuse » lorsqu’on l’accomplit avec le bon état d’esprit. Jean-Pierre de Caussade, un moine du 16e siècle, parle de « sacrement du moment présent » ou comment la présence et les actions de Dieu imprègnent toutes choses, même les plus triviales. Il nous encourage à ne jamais nous attacher « à la sainteté des choses, mais plutôt à la sainteté dans les choses ».

David Collins, président de Paradigm Ministries en Colombie-Britannique, a élevé ce type d’approche d’un cran. Selon lui, les tâches triviales sont des occasions d’être transformés à l’image de Dieu. « Le service est toujours tourné vers l’autre, explique-t-il. Cela vous donne une opportunité d’être une lumière pour votre famille, de soumettre vos désirs, vos droits et vos libertés à la souveraineté de Dieu, comme un acte de service. C’est alors que vous entrez dans un terrain particulièrement fertile où Dieu peut vous transformer et vous façonner à son image. »

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En toute honnêteté, il y a encore des jours où j’ai l’impression que la profonde banalité de mon quotidien me rendra folle. Mais je m’exerce à prendre le temps de réfléchir à une réalité plus large et à l’importance de ce que j’accomplis. Je me rends compte que cela fait une immense différence.

Rien n’a changé si ce n’est mon attitude. La vaisselle s’accumule toujours, le bébé a encore besoin d’être changé et les repas que je prends tant de temps à cuisiner seront probablement bien vite oubliés. Mais je suis une personne plus épanouie. Notre foyer est maintenant imprégné de la joie et de la paix qu’une maman y apporte lorsqu’elle est heureuse.

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