D’une simple maison à un vrai chez-soi : l’art de bien habiter
Par Jenny Schroedel
Ce qui compte n’est pas tant l’endroit où nous vivons, mais plutôt la manière dont nous vivons.
Il y a quelques années, j’ai développé une obsession pour le catalogue de Pottery Barn. Je passais des soirées entières à le parcourir, à mémoriser les images, rêvant au jour où je pourrais me payer l’un de leurs canapés couleur taupe à 2000 dollars pour remplacer nos fauteuils dépareillés, achetés d’occasion. Une part de moi croyait que l’argent était synonyme de confort, que je pouvais m’acheter le chez-moi dont je rêvais.
Apparemment, je ne suis pas la seule. Selon l’auteur Daniel Pink, l’« ambiance » est une denrée de plus en plus populaire. Prenez-en pour preuve l’éclairage. L’électricité ne coute pas très cher et elle est accessible au plus grand nombre. Pourtant, chaque année, les Américains dépensent plus de 2,4 milliards de dollars en bougies. Daniel Pink pense que si le marché des bougies est aussi énorme c’est « pour des raisons qui, au-delà du besoin d’éclairage, touchent au désir non satisfait de beauté et de transcendance d’une nation prospère. »
Ce désir produit aussi un déluge d’informations. Je suis récemment tombée sur le livre de Sheryl Mendelson intitulé Home Comforts (Le confort à la maison) qui commence par cette confession : « Je suis une femme active qui a un travail, mais je mène une vie parallèle : je m’occupe de ma maison. » Elle détaille ensuite chaque dilemme rencontré quand l’on s’occupe de sa maison, allant de la température idéale pour laver ses draps jusqu’au traitement des microbes.
Sur la question de la tenue d’une maison, je ne fais pas partie du même camp que Mendelson. Lors de notre premier déménagement, j’ai oublié de vider le filtre de notre cafetière et quand nous sommes arrivés à Portland, le marc de café s’était transformé en un amas verdâtre et puant. Au moment de quitter l’Oregon quatre ans plus tard, nous avions accumulé un placard entier de vieux journaux. La nuit avant notre départ, nous étions devant chez nous jusqu’à minuit pour déverser les tonnes de journaux dans la benne de recyclage.
De manière générale, le travail domestique ne me vient pas naturellement, ce qui explique peut-être pourquoi le livre de Victoria Moran, A Shelter for the Spirit (Un abri pour l’Esprit) m’a tellement intéressée. L’auteure ne se laisse pas avoir par le mythe du « toujours plus » : elle croit que se faire un chez-soi, c’est apprendre à vivre fidèlement dans son espace, en organisant son environnement de manière sereine et accueillante. Elle explore les dimensions spirituelles du fait de tenir d’une maison. Dimensions spirituelles qui se manifestent dans les détails concrets du quotidien, comme le ménage, la cuisine et les loisirs. Le livre n’est pas explicitement chrétien, mais cet ouvrage a été pour moi une révélation.
Selon Moran, il n’est pas nécessaire d’attendre d’avoir une maison pour commencer à s’occuper de son chez-soi. « C’est chez vous », écrit-elle, « Que vous soyez propriétaire, locataire, ou que vous y soyez né. Votre chez vous c’est l’endroit où vous rentrez vous ressourcer – physiquement, émotionnellement et spirituellement. Tout comme vous n’avez pas besoin d’être propriétaire de la station-service pour pouvoir y faire le plein, vous n’avez pas non plus besoin que l’endroit où vous vivez vous appartienne pour vous y ressourcer. »
Voici quelques conseils de base pour transformer l’endroit qui vous sert d’habitation – qu’il s’agisse d’un appartement dans un gratte-ciel, d’une caravane ou d’un bungalow – en un endroit que vous pourrez appeler votre « chez-vous ».
Voir ce qu’il y a déjà
Je suis toujours tentée de voir ce qu’il me manque plutôt que ce que j’ai. Je pense que cette tentation est commune, et que nous la vivons sur le plan matériel aussi bien que relationnel. Nous pensons : « Je construirai un chez-moi quand je serai marié ou quand j’aurai un enfant, ou encore quand je deviendrai enfin propriétaire. »
Victoria Moran écrit avec sagesse : « Entre un désir et son accomplissement, il peut se passer des jours, voire des années de vie. Si vous croyez qu’avoir “un vrai chez-soi” dépend du fait d’avoir quelqu’un ou quelque chose qui vous manque, vous vous privez de la joie pourtant disponible dès aujourd’hui d’un chez vous. »
Se faire un chez-soi commence tout simplement en apprenant à voir ce que vous avez déjà. Demandez à Dieu de vous ouvrir les yeux sur les bénédictions uniques de votre espace d’habitation, que cela soit la jolie lumière de l’après-midi qui se pose sur votre fauteuil préféré, l’agréable brise qui vous parvient de la fenêtre de votre chambre ou l’odeur du café qui se répand dans toutes les pièces au petit matin. Toutes ces choses font partie de la grâce de votre espace de vie.
Garder votre environnement propre
Il est impossible de voir clairement ce que vous avez quand votre évier déborde de vaisselle sale. Il y a des années, un ami à moi m’a fait connaitre le concept de « ménage suffisant ». C’est ce qui m’a sauvé de la recherche épuisante de la perfection. Je me fixe des objectifs plutôt modestes associés à des récompenses. Par exemple, avant de m’installer à mon ordinateur, je mets en marche la machine à café. Pendant que la machine prépare mon café, je parcours rapidement la maison pour ramasser ce qui traine. Je le fais uniquement jusqu’à ce que ce que la machine sonne pour m’annoncer que mon café est prêt. Ensuite, je m’installe à mon bureau dans un environnement rangé, avec une tasse de café bien chaud.
Je n’aurai jamais pensé dire cela (et ma mère écrira peut-être à l’éditeur pour contester ce que je vais dire), mais je commence à prendre plaisir à faire des tâches simples comme nettoyer le comptoir, remplir le lave-vaisselle ou faire les lits. Ces corvées qui ne me demandent pas de réfléchir se révèlent apaisantes et propices à la prière. Je comprends mieux maintenant pourquoi les moines et les sœurs ne passent pas tout leur temps à prier dans l’église. S’ils arrachent les mauvaises herbes et épluchent les carottes en cuisine, ce n’est pas seulement pour se nourrir physiquement, mais c’est aussi pour se nourrir spirituellement. Comme l’a écrit Emerson « Même dans la boue et l’écume des choses, il y a toujours quelque chose qui chante.
Repenser la lumière
L’un des moyens les plus économiques pour rendre un espace plus agréable, c’est d’y ajuster la lumière (d’où la folie des bougies). Les lampes sont souvent plus apaisantes que les plafonniers, et les néons blancs et agressifs rendent n’importe quelle pièce aussi accueillante qu’un laboratoire scientifique. Je préfèrerais avancer chez moi à tâtons plutôt que de m’éclairer avec un néon.
Si vous n’aimez pas une pièce, essayez de remplacer le plafonnier par plusieurs lampes. Expérimentez différentes sources lumineuses, différentes ampoules ou lampes pour trouver ce qui convient le mieux à votre intérieur. Un peu de lumière peut faire beaucoup pour rendre un espace plus accueillant.
S’amuser
Quand j’étais petite, j’aimais m’endormir en écoutant les rires de mes parents jouant au Scrabble avec leurs amis au rez-de-chaussée. Aujourd’hui encore, quand mon mari et moi rangeons la cuisine après avoir reçu des invités, j’ai souvent le sentiment qu’une grâce particulière flotte dans notre maison, comme si les conversations nourrissantes s’attardaient encore dans l’air avec l’odeur des restes d’un bon repas.
Ce qui me rappelle l’un des éléments les plus marquants du livre de Moran : pour bien vivre chez soi, explique-t-elle, il est important de manger souvent à la maison. Elle donne ce conseil étrange, que j’applique maintenant fidèlement : allez faire vos courses dans un endroit que vous aimez. Chaque semaine, je traverse tout Chicago pour aller faire mes courses dans un marché agricole bio. Je rentre à la maison avec des pêches juteuses, des tomates si fraiches et gouteuses qu’on les croque comme des pommes et un gros bouquet de basilic odorant. À chaque fois que je pose mes sacs dans la cuisine, j’ai l’impression de faire rentrer de la vie et de la fraicheur dans notre maison, vie que nous pouvons cuisiner et servir à nos invités.
Dedans dehors
Quand nous habitions à Portland, il y avait un centre d’accueil pour les ados sans domicile qui s’appelait « Dehors-dedans ». J’aimais ce nom qui montrait que c’était un refuge pour fuir l’extérieur. Mais le mouvement de nos foyers doit être du dedans vers le dehors.
Nous commençons par voir ce que nous avons déjà, par mettre de l’ordre et illuminer l’espace, et par faire rentrer de la bonne nourriture, des amis et des étrangers chez nous. Cependant, ce travail qui commence entre quatre murs se répand ensuite dans le monde qui nous entoure. « Notre maison peut devenir un lieu remarquable pour l’action guérissante de l’amour » écrit Moran, « mais elle peut aussi devenir un endroit d’où l’amour est généré pour se répandre à l’extérieur… cet amour peut alors s’étendre pour toucher notre voisinage, notre communauté et le monde. »
Il ne faut qu’un peu de levain pour faire lever toute la pâte. Cependant, le pétrissage commence à la maison.
Tous droits réservés © 2005 par Jenny Schroedel. Utilisation autorisée.