Je n’ai pas épousé la bonne personne
Par Jeremy Favreau
Pourquoi la bonne nouvelle, et non la bonne personne, est à la base d’un mariage selon Dieu.
Alors que je songeais à ce que je pouvais écrire dans cet article, j’ai lu quelque chose qui m’a fait repenser à un événement marquant de ma propre histoire… un moment décisif qui a façonné plus que toute autre chose ce dont ma vie a l’air aujourd’hui. Sans la révélation qui me fût accordée lors de ce service à l’église Redeemer Presbyterian de New York, je ne serais sûrement pas marié à l’heure où je vous parle.
Seulement deux mois avant mes 29 ans, je fréquentais depuis près d’un an une jeune femme du nom de Selene. En fait, je ne la fréquentais pas vraiment puisque notre relation était en « pause », selon mon souhait, parce que je n’arrivais pas à me décider par rapport à « nous ». C’était déjà la troisième pause dans notre relation, et cette fois Selene avait été très claire : « Si tu veux que nous reprenions, cette fois il va falloir que ce soit sérieux ». Je voyais sa détermination et aussi la douleur que mon inconstance lui causait, et c’est avec un dégoût immense de mon incapacité relationnelle que j’acquiesçai et fit mon bout de chemin.
Le mois qui suivit fut l’un des plus difficiles de ma vie. Je savais que j’étais sur le bord de quelque chose de précieux, d’une valeur incalculable même, mais que je ne savais pas comment l’apprécier. J’avais une crainte immense de perdre ce que nous avions construit pendant ces derniers mois. Mais d’un autre côté, j’avais également peur de perdre tout ce que je pourrais trouver, si je continuais ma recherche d’une partenaire qui incarnerait encore davantage ma description de la femme idéale.
C’est alors que je visitai New York pendant quelques jours avec deux bons amis, la tête remplie des questions suivantes : Comment savoir si j’ai trouvé la bonne personne à épouser ? Serait-elle suffisante pour me rendre heureux ? En m’engageant envers elle, ferais-je une erreur que je regretterais pour le reste de mes jours ?
Je sais que je ne suis pas seul à m’être posé ces questions. Beaucoup de gens non mariés, qu’ils soient en relation ou non, laissent ces questions façonner la manière dont ils vivent leurs fréquentations et la conception qu’ils se font du mariage. Si nous considérons le mariage comme étant l’union de deux personnes en mesure de satisfaire parfaitement les désirs de l’autre, ce serait alors une erreur de se contenter de moins. Nous nous lançons donc dans une recherche constante, poursuivant cet idéal, qui n’existe peut-être pas.
Cette même sorte de questions existe aussi chez beaucoup de personnes mariées. Dans certains cas, elles ne viennent à la surface qu’après que l’amour fou des premiers jours se soit dissipé dans le train-train quotidien. Dans d’autres cas, ces questions surviennent avant le mariage, mais les époux réussissent à refouler leurs craintes et leurs doutes en espérant que tout se réglera automatiquement de l’autre côté de l’autel. Mais ces questions sont trop fondamentales pour pouvoir être réglées sans intervention profonde. S’ils persistent, ces doutes empoisonneront la relation et mèneront soit au divorce, soit à une relation où les partenaires se voient avec mépris, se considérant mutuellement prisonniers d’une relation où leurs désirs et besoins ne peuvent être comblés.
Dans son livre Le mariage, Tim Keller expose l’erreur qui se trouve derrière une approche du mariage centré sur le « moi ». Plus nous faisons une liste détaillée des critères les plus minutieux que nous recherchons chez un partenaire de vie, plus nous nous accrochons à un idéal que nous ne pourrons jamais trouver. Mais le problème n’est pas seulement causé par notre égoïsme et notre idéalisme. Le problème au fond, c’est que nous ne comprenons pas le but du mariage.
Pour comprendre, ne serait-ce qu’un aspect de tout ce Dieu souhaite à travers le mariage, il faut se rappeler que nous sommes créés pour Lui et non pour nous-mêmes (Col. 1.16). Au commencement, Dieu réunit Adam et Ève pour leur bonheur et le bien de toute la création qu’Il plaça sous leur charge. Mais leur raison d’être fondamentale, individuellement et une fois unis, était d’être l’image de Dieu sur la terre. Et leur capacité à remplir ce rôle dépendait de la communion ininterrompue qu’ils entretenaient avec Dieu lui-même. Lorsqu’ils se détournèrent de Dieu, ils commencèrent à chercher un sens et un épanouissement ailleurs. Ils commencèrent à idéaliser les bonnes choses que Dieu avait créées qui devinrent alors corrompues, étant détachées de leur Source.
De même aujourd’hui, l’amour romantique est souvent perçu comme le plus grand objectif à atteindre. Nous cherchons à remplir notre vide intérieur à travers ce que peut nous apporter une autre personne. Ce raisonnement sous-tend l’absence de Dieu dans nos vies. En contraste, le mariage est créé par Dieu et sous-tend deux vies qui sont en communion avec Lui grâce à l’évangile. Jésus n’est pas venu nous sauver parce qu’Il a trouvé en nous de quoi combler chacun de ses désirs. Il est venu donner Sa vie par amour pour son Père et pour nous. Aimer une autre personne implique de donner sa vie pour elle, non de trouver en l’autre de quoi s’autosatisfaire. Si nous examinons les raisonnements cités plus haut à la lumière de l’évangile,nous réalisons que la question pertinente n’est pas « Ai-je trouvé l’amour ? », mais « Suis-je prêt à aimer ? »
Et donc me voilà, assis dans l’auditorium à Manhattan au milieu de centaines d’autres personnes, écoutant Tim Keller m’exhorter à voir le mariage comme l’une des plus belles, des plus difficiles, mais des plus percutantes expressions de l’évangile dans notre monde. Je fus touché en plein cœur. Je réalisai que je ne trouverais jamais la « bonne personne » en poursuivant cette lignée de pensée, puisque cette recherche ne me porterait jamais à aimer une autre personne, mais seulement à trouver chez elle des défauts. Aujourd’hui, je sais que je ne me suis pas marié avec la bonne personne. Mais quelle joie de vivre chaque jour avec une personne qui m’aime et me pardonne en dépit de toutes mes imperfections, et de pouvoir chercher en Dieu l’amour qu’il me faut pour lui rendre la pareille.
Jeremy Favreau est auteur et leader créatif chez Pouvoir de Changer – Étudiants. Passionné des grandes questions, il est toujours prêt à dialoguer sur l’évangile, la culture et leurs innombrables points de rencontre. Lui et son épouse Selene résident à Montréal et sont parents de trois garçons.
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