Parle-moi : l’art de bâtir des relations authentiques

Écrit par Janel Breitenstein

Comment entretenir des relations où votre entourage se sent suffisamment à l’aise pour se montrer vulnérable ?

Je passe pas mal de temps sur mon blogue et sur Facebook. Je me livre dans ce monde virtuel, à des amis que je n’ai pas vus parfois depuis l’école primaire. Toutefois, je sais bien qu’on peut se montrer « authentique » sur Facebook, et toujours avoir de gros progrès à faire pour développer des relations intimes en face à face.

Même dans l’Église, nous pouvons avoir de la difficulté à nous livrer. Nous employons facilement les termes vrai et vulnérable au sein de nos petits groupes, mais sommes-nous pour autant capables de relations plus profondes ? Peut-être que nous employons un langage qui parait en révéler plus, mais que nos cœurs restent plongés dans l’insécurité, l’orgueil, les expériences douloureuses ou l’atrophie.

Là où je vis, près de la savane africaine, les membres solitaires du troupeau se font éliminer les premiers par les prédateurs. En tant que missionnaire, j’ai dans ce pays moins de confort matériel et de racines culturelles, et je ressens très fortement cette réalité. Quand je ne permets pas aux autres de prier pour moi, et de « porter les fardeaux les uns des autres et accomplir ainsi la loi de Christ1 », les conséquences sont dévastatrices. À l’inverse, je m’épanouis quand j’expérimente la sécurité d’être connue, acceptée, soutenue et encouragée par le reste de mon « troupeau ».

Des relations honnêtes ne transmettent rien de moins que l’Évangile : Viens exactement tel que tu es. Tu trouveras du repos pour ton âme. Tu seras entouré de grâce. Ton fardeau, quel qu’il ait été ou quel qu’il soit aujourd’hui, peut être levé. Nous sommes tous égaux devant la croix. Et nous avons besoin d’un Sauveur.

Si vous avez le désir profond d’aimer vraiment et d’être vraiment aimé – démarrons la conversation :

  1. Soyez conscients de vos propres péchés. Une conversation à cœur ouvert commence par une bonne dose d’humilité. Il n’y a rien de plus rebutant que quelqu’un qui ne se met jamais à votre place ou ne cherche pas à vous comprendre. Se placer en position de supériorité et en donneur de leçons, même inconsciemment, ne crée jamais une atmosphère d’intimité, de grâce et d’encouragement. Cela provoque le retrait de l’autre et crée chez lui un sentiment d’infériorité2.

Prendre conscience de notre propre péché – que ce soit les mêmes luttes que l’autre ou pas – est crucial pour comprendre que nous avons besoin de Dieu et de son peuple.

Quand « une femme pécheresse » a lavé les pieds de Jésus, il dit que « ses nombreux péchés ont été pardonnés, puisqu’elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui l’on pardonne peu aime peu3. » Les pharisiens scandalisés étaient-ils de moins grands pécheurs ? C’est discutable. Il semble y avoir en revanche une corrélation directe entre la conscience de notre besoin de Dieu, et la profondeur de notre amour pour lui. Une reconnaissance réelle de ce qui habite notre propre cœur nous pousse à la compassion. Et cela nous rend avides de le voir, lui et les autres, marcher à nos côtés.

  1. Soyez gracieux. En tout temps.Les gens blessés sont particulièrement attentifs à la manière dont nous réagissons quand d’autres tombent. Comment vos amis vous voient-ils réagir envers ceux qui ne sont pas présents, envers ceux qui vous ont blessé ou qui ne sont pas d’accord avec vous ? Et si un ami qui lutte avec des désirs homosexuels vous entendait critiquer un collègue homosexuel – ou proférer une opinion très tranchée sur un sujet moins clair ? Il pourrait se dire : s’il dit de telles choses à propos de ces personnes-là – je n’imagine même pas ce qu’il dirait des tentations auxquelles je fais face.

Bien sûr, Dieu ne veut pas que nous diluions la vérité. Mais Éphésiens 4.29 s’applique aussi à notre manière de parler des autres : « Qu’aucune parole malsaine ne sorte de votre bouche, mais seulement de bonnes paroles qui, en fonction des besoins, servent à l’édification et transmettent une grâce à ceux qui les entendent4. » Quand nous diffamons quelqu’un ou une catégorie de personnes, ou que nous posons un jugement hâtif sur les motivations d’une personne, nos paroles peuvent devenir une source de lutte pour les autres. Nous créons sans réfléchir une séparation « nous versus eux » et cela peut avoir des conséquences bien plus profondes que ce que nous pensons. Les mots sont puissants.

La peur que nos paroles soient mal interprétées ne doit pas nous empêcher d’avoir des interactions sur la base de nos réactions réelles dans la vie. Mais échouer à dire la vérité avec amour5 , en cherchant à nous rassurer auprès des gens « qui pensent comme nous », peut révéler que nous pensons que les autres ne méritent pas pleinement la grâce.

  1. Montrez vos cartes. Vraiment. Pas juste les combats qui n’existent plus, ou ceux qui s’expliquent facilement par des passages bibliques, ou ceux qui sont se défendent bien devant vos amis.

Trop souvent, j’ai partagé tout juste ce qu’il fallait pour donner une impression de vulnérabilité. Ou pour maintenir une position respectable, pour ne pas être jugée. Mais pas assez pour permettre au Corps de Christ de sonder la source de cette douleur qui me dévorait de l’intérieur. Je ne me montrais pas entièrement honnête. Pas comme je voulais que les gens soient avec moi : « C’est pourquoi, vous débarrassant du mensonge, dites chacun la vérité à votre prochain, car nous sommes membres les uns des autres6. »

Même si ça peut paraître étrange, laissez savoir aux autres comment vous voudriez qu’ils vous aident : Je souffre et j’ai juste besoin que quelqu’un m’écoute. Ou bien, Je lutte avec certaines pensées en ce moment et j’ai besoin que quelqu’un m’aide à comprendre ce qui ne va pas. Ou même J’ai peur. J’ai besoin de savoir que d’autres peuvent s’identifier à ce que je vis sans me juger. (Cela marche aussi dans l’autre sens : vous pouvez demander à un ami qui souffre ce dont il a le plus besoin.)

Cela vous met mal à l’aise ? Ce n’est pas grave, continuez à essayer, ne serait-ce que pour obéir au commandement de Dieu d’être un membre fonctionnel de son corps. Même si vous êtes rejetés ou mal compris par vos amis, vous êtes acceptés par Dieu – qui a bien connu le rejet7.

  1. Libérez du temps. Les meilleures relations sont le résultat de beaucoup d’investissement en temps, en échanges, en création de liens… L’organisme chrétien Peacemakers8parle même du fait « d’obtenir son passeport » pour entrer dans la vie des autres : il nous faut « gagner » le droit de poser aux autres des questions profondes sur leur vie, de partager leurs peines et leurs victoires, de cheminer avec eux. Lorsque les gens entendent un oui en réponse à ces trois questions : Puis-je te faire confiance ? Est-ce que tu te préoccupes vraiment de moi ? Peux-tu réellement m’aider ? C’est gagné !

Personne ne souhaite gaspiller son temps. Je suis moi-même coupable de planifier mon ministère et mes actes d’amour tellement en détail, que je finis par perdre toute marge de manœuvre pour simplement être disponible. Et les gens le remarquent rapidement : « Hey, j’aimerais vraiment discuter avec toi… mais j’ai l’impression que tu es déjà en train de faire quelque chose… » (Comme d’habitude.)

  1. Écoutez.Les Proverbes nous offrent ce conseil : « Des pommes en or décorées d’argent, voilà ce que sont des paroles dites à propos9. » Quand il vient d’un bon ami au moment opportun, un passage biblique peut nous transformer. Mais la Bible peut aussi être utilisée comme une matraque. Quand on parle avant d’avoir écouté, on peut faire voler en éclat l’équilibre très délicat de ceux qui sont en pleine lutte.

L’organisme Peacemakers désigne comme « une terre sainte » le moment où les gens exposent leurs cœurs. Nos cœurs sont le centre de nos désirs les plus profonds, ce qui nous fait saigner ou danser. C’est aussi là que nous gardons nos idoles les plus sacrées.

Parfois, comme Jésus, nous devons aimer assez pour confronter. Toutefois, le cœur n’est pas le genre de lieu où l’on se pointe avec des clichés mal placés, une réponse toute faite ou des conseils donnés si vite que la personne n’a pas le temps de réaliser qu’elle est plus importante que son problème.

Croyez-en une personne qui aime parler. Mon manque d’écoute transparait quand j’interromps quelqu’un ou que je finis sa phrase pour lui. Attendez donc cinq secondes de plus pour voir ce que votre ami dira réellement. Pendant ce temps, priez pour que ce soit les mots de Dieu qui sortent de votre bouche10. Demandez-lui de veiller sur la porte de vos lèvres11 et de vous aider à montrer à votre ami la grâce dont il a besoin.

Quelques conseils rapides pour bien écouter :

  • Répétez ce que vous avez compris de ce que la personne a dit : C’est bien cela que tu veux dire ?
    • Faire preuve de compassion ne veut pas dire se laisser submerger. Ne nourrissez pas sa colère ou sa souffrance. Entendez votre ami et puis posez-lui la question qui l’aidera à voir les choses d’un tout autre point de vue : Y a-t-il d’autres raisons que cela ? Ça parait vraiment très dur. Comment penses-tu que Dieu t’appelle à répondre ?
    • Si 70 % de la conversation est non-verbale, prêtez attention au ton de sa voix et à sa posture. À quel moment la personne se ferme-t-elle ?
    • Évitez la surenchère : Oh, il m’est arrivé la même chose, mais en nettement pire/mieux.
    • La colère est une émotion secondaire. Cache-t-elle une blessure ? De la honte ? Du rejet ? De la peur ?
  1. Posez les bonnes questions. Je suis fascinée par les moments où Dieu est venu à la rencontre de pèlerins au cours de leur cheminement spirituel. Ses questions puissantes et omniscientes vont au fond de leur cœur, et révèlent son intérêt profond pour ce qu’ils vivent, pensent ou souffrent.

Dans le désert, il demande à Agar : D’où viens-tu et où vas-tu ? Lorsqu’Élie est profondément découragé, il lui offre une occasion d’être entendu : Que fais-tu là ? À la femme au puits, il offre acceptation et échange : Peux-tu me donner à boire ? Il répondit calmement aux questions de cette femme, arrivant ainsi à parler de ce qui la préoccupait vraiment.

Personnellement, lorsque mes amis me mènent à trouver mes propres réponses, m’offrant quelques remarques ici et là, c’est là que leur aide m’est le plus utile. Faites-vous une liste de questions qui peuvent aider vos amis à comprendre leurs vraies difficultés, avec douceur et respect : Que s’est-il passé ? Qu’as-tu peur de voir arriver ? Que cherches-tu le plus à éviter ? J’entends bien que… est très important pour toi. Penses-tu que ça a pu devenir trop important ? Que voudrais-tu faire ? De quoi penses-tu avoir besoin ?

Demandez à Dieu sa sagesse et son intelligence12 — pas pour que vous puissiez devenir le héros de vos amis, mais pour que lui le devienne.

[1] Galates 6.2

[2] Voir Romains 2 pour plus d’informations intéressantes sur ce sujet.

[3] Luc 7.47

[4] Italiques rajoutés

[5] Éphésiens 4.15

[6]  Éphésiens 4.25, italiques rajoutés

[7] 1 Pierre 2.4-5

[8] Peacemakers est un organisme qui aide les églises à faire face aux conflits de manière biblique.

[9] Proverbes 25.11

[10] 1 Pierre 4.11

[11] Psaume 141.3

[12] Jacques 1.5

Article publié pour la première fois sur le site Boundless.org. Tous droits réservés © 2013 par Janel Breitenstein. Utilisation autorisée.