Ne laissez pas votre conjoint vous mettre en colère
Prendre la responsabilité de ses émotions ouvre la porte à une relation équilibrée et constructive
Écrit par Mike Bechtle
« Je pense qu’on devrait se prendre un peu de vacances et partir quelque part. Pourquoi pas la fin de semaine prochaine ? », ai-je demandé à ma femme, Diane. Nous avions passé quelques mois difficiles, je pensais donc qu’une petite pause serait la bienvenue. J’étais sûr qu’elle serait ravie. Je me trompais.
Sa réponse a tardé : « Oui, peut-être… »
« On dirait que tu n’es pas très enthousiaste à cette idée », ai-je répondu.
« Je le suis », a-t-elle réagi avec un léger agacement dans la voix. « C’est juste que j’aimerais bien qu’on termine enfin la terrasse. » J’avais commencé à rénover la grande terrasse en bois derrière la maison l’été précédent. C’était une tâche bien plus complexe que ce que je pensais et j’avais eu peu de temps pour y travailler. Plusieurs mois après, la terrasse était toujours en chantier.
Quelle fut ma première réaction face au rejet de mon idée de fin de semaine ? J’étais énervé et je voulais la punir par mon silence ou mon sarcasme car elle m’avait blessé et contrarié. Mais dans le fond, je savais bien que ce n’était pas elle qui me mettait en colère. L’irritation que je ressentais venait de la manière dont je choisissais de réagir.
Nous avons tous déjà lancé un : « Tu m’énerves tellement ! » Cependant, lorsque nous tenons l’autre pour responsable de ce que l’on ressent, c’est comme s’il devenait propriétaire de nos émotions. Il devient alors maitre de ce que l’on ressent et nous pensons qu’il peut aussi faire en sorte que nous allions mieux.
Il est plus facile d’être locataire que propriétaire de sa maison. Mais un locataire ne s’investit pas autant pour réparer et entretenir le lieu où il habite. Il est limité dans ses possibilités d’amélioration. Lorsque quelqu’un est propriétaire, il peut imaginer et rêver à loisir et faire les changements qu’il veut. Tout est possible, mais cela implique souvent de devoir faire le travail soi-même.
Un mariage ne peut pas prospérer quand les conjoints sont locataires de la relation, s’attendant à ce que leur partenaire s’occupe de remédier à leurs émotions négatives. Si nous devenons propriétaires de nos émotions, nous pouvons réellement investir dans la relation. On se donne ainsi la possibilité de construire quelque chose de vraiment solide à deux.
Par où commencer ? Voici trois étapes simples et pratiques :
Changer de perspective
Si nous partons du principe que nos ressentis sont la faute de notre conjoint, nous nous plaçons dans une position de victime. Voici le schéma typique :
- Je me sentais bien.
- Tu as dit ou fait quelque chose et je ne me sens plus bien.
- C’est de ta faute si je me sens mal.
- Je suis la victime donc tu es le problème.
La réalité est que personne ne peut nous forcer à nous sentir d’une certaine manière. Bien sûr, notre conjoint peut agir d’une manière qui nous met en colère, nous frustre ou nous décourage. Ce n’est pas quelque chose que nous anticipons, ça se produit, c’est tout. C’est ce que nous faisons ensuite qui est de notre ressort et non de celui de notre conjoint. Il s’agit de la différence entre une réaction et une réponse.
Une réaction n’est rien d’autre qu’une émotion. Elle n’est ni bonne ni mauvaise. Quelqu’un dit ou fait quelque chose et une émotion émerge. Il ou elle n’a pas mis cette émotion en nous ; elle nous appartient.
Nous nous considérons souvent comme prisonniers d’une émotion, comme si nous ne pouvions rien y faire alors qu’en fait, nous pouvons choisir notre réponse. Une réponse consiste à reconnaitre la réalité de l’émotion ressentie tout en nous laissant le choix de ce que nous allons en faire. Si nous restons coincés, c’est que nous attendons que le propriétaire fasse quelque chose. Lorsque nous prenons en charge nos émotions, nous sommes libres de trouver une solution saine.
Deux personnes peuvent être dans la même voiture, coincées dans le même bouchon, en retard pour le même rendez-vous, mais l’une d’entre elles sera exaspérée alors que l’autre restera calme. Qu’est-ce qui les différencie ? L’une accuse tout le monde de ses difficultés et laisse ses émotions prendre le dessus alors que l’autre sait qu’elle ne peut pas contrôler la situation et choisit de maitriser son approche.
Dans son livre En quête d’une raison d’être[1], Viktor Frankl a écrit : « Lorsque nous ne pouvons pas changer la situation, le défi devient de nous changer nous-mêmes. » Comment donc apprendre à remplacer nos réactions par des réponses ? En changeant de perspective. Lorsque nous ressentons une émotion forte (réaction), c’est un signal qu’il est temps de ralentir et de choisir ce que nous allons en faire (réponse).
Se concentrer sur ce que l’on peut changer
Vous est-il déjà arrivé de mettre des glaçons dans un grand verre d’eau bien froide ? Les glaçons fondent un peu puis s’agglutinent en un seul bloc de glace. Lorsque vous voulez boire, la glace glisse vers vous, renversant sur vous la moitié de votre verre.
Au début de notre mariage, nous sommes souvent émerveillés par tous les bons côtés de notre conjoint et espérons qu’il ou elle ne changera jamais. Quelques années plus tard, les petites irritations se sont agglomérées en un iceberg de frustrations et nous nous demandons s’il y aura un jour du changement.
Oui, les gens peuvent changer. Cependant, quand notre bonheur tient au fait que quelqu’un change, c’est la frustration garantie. Ce n’est plus nous qui sommes maitres de ce que nous ressentons, c’est notre partenaire. Pour avoir des relations saines, il faut que les deux partis soient responsables de leurs propres choix. C’est comme un match de tennis : je suis responsable de ce qui se passe de mon côté du court et de la manière dont je vais jouer le service qui m’est envoyé. Si je commence à aller du côté de Diane pour changer ce qu’elle fait, cela est déplacé de ma part et très irritant pour elle.
Bien que nous ne puissions pas forcer notre conjoint à changer, les choix que nous faisons auront une influence. Il n’y a aucune garantie, mais il y a toujours de l’espoir. Lorsque nous passons notre temps à examiner les problèmes des autres, nous n’avons pas le temps de travailler sur les nôtres.
L’apôtre Paul offre des conseils étonnamment pratiques au sujet des émotions. Il nous dit de ne nous inquiéter de rien et de simplement prier. C’est un bon conseil, qui peut pourtant paraître banal quand nous sommes en plein conflit, submergés par nos émotions. Même si nous prions, notre émotion a tendance à rester collée à nous. C’est pourquoi Paul rajoute quelques versets, nous conseillant de remplacer nos émotions négatives par ce qui est vrai, honorable, pur : « Portez vos pensées sur tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, … » (Philippiens 4.4-8)
Choisir ses mots avec soin
Lorsque nous vivons des émotions fortes, nos paroles révèlent qui en est responsable :
- « Tu m’énerves. » ou « Je suis énervé. »
- « Tu m’as menti. » ou « Je me sens dupé. »
- « Tu me blesses quand tu te renfermes » ou « Quand tu te renfermes, je me sens blessé. »
Rendre notre conjoint responsable de la manière dont nous nous sentons se transforme souvent en critique. Après tout, si c’est de sa faute, c’est normal que je sois irrité, non ? Lorsque notre mari ou notre femme ne se repent pas, cela ne fait qu’augmenter nos sentiments négatifs. Nos paroles deviennent alors souvent sarcastiques ou méchantes.
Voici le filtre que l’Écriture nous propose d’appliquer : « Qu’aucune parole malsaine ne sorte de votre bouche, mais seulement de bonnes paroles qui, en fonction des besoins, servent à l’édification et transmettent une grâce à ceux qui les entendent » (Éphésiens 4.29). La première partie suggère qu’il est souvent mieux de ne rien dire et d’écouter ; la seconde partie nous appelle à prendre les rênes de nos émotions et de la manière dont nous les exprimons. Lorsqu’un couple a pris l’habitude d’être locataire de ses émotions, il peut paraître impossible de reprendre le dessus. C’est vrai que réussir à régler les difficultés profondes qui se sont installées dans un mariage peut demander du temps, voire même une aide professionnelle. Mais cela peut aussi passer par quelques changements personnels simples qui ne dépendent pas des réactions de l’autre, puisqu’il s’agit de la responsabilité personnelle de chacun.
Lorsque nous redevenons propriétaires de nos émotions et que nous arrêtons d’accuser notre conjoint, nous cessons de le considérer comme le problème. Nous pouvons alors le voir comme un partenaire précieux et unique dans cette grande aventure et à poser les bases d’une relation de première classe.
Si vous vous posez la question quant à notre fin de semaine, nous ne sommes pas partis. En revanche, nous avons bien avancé les travaux de la terrasse, au point que nous avons décidé, à l’unisson, de prendre quelques jours de vacances.
Le Dr Mike Bechtle est écrivain, orateur et conseiller senior chez FranklinCovey. Il est l’auteur de cinq livres, dont Dealing with the Elephant in the Room [Faire face à l’éléphant dans la pièce].
© 2020 Focus on the Family. Tous droits réservés. Utilisation autorisée. Écrit par Dr Mike Bechtle. Publié initialement en anglais sur FocusOnTheFamily.com.
[1] Livre en anglais intitulé Man’s Search for Meaning.