Aimer son prochain – Entretien avec Rosaria Champagne Butterfield

Par Karla Dial

Dans cet extrait d’entretien pour le magazine Citizen, Rosaria, une ancienne lesbienne, nous explique comment construire des relations authentiques avec nos voisins homosexuels ou, plus généralement, avec ceux qui sont différents de nous.

Rosaria s’y connait quelque peu en communication efficace. En effet, avant de donner sa vie à Jésus en 1999, elle était professeure d’anglais récemment titularisée à l’université de Syracuse, dans l’état de New York, aux É.-U. Elle était aussi lesbienne.

C’est à travers une amitié improbable avec Ken Smith, le pasteur âgé d’une petite église locale, que la vie de Rosaria a commencé à changer. Sur une période de deux ans, elle a questionné son nouvel ami sur la foi chrétienne, pour finalement trouver elle-même LA réponse. Voici notre échange avec elle :

CITIZEN : Selon vous, qu’est-ce qui empêche certains chrétiens de manifester de l’amour à leurs prochains, tout en restant fidèles à la vérité ?

Si vous souhaitez réellement mettre la main de celui qui souffre et qui est perdu dans la main de notre Sauveur, il vous faut vous approcher suffisamment de cette personne pour courir le risque d’être blessé par elle. Je pense que nous avons perdu cette notion. Nous avons perdu ce sens de l’intimité.

C’est aussi pour cette raison que le message de l’Évangile est si dur à entendre : il s’agit d’une invitation à l’intime dans une réalité très sanglante. Si nous voulons devenir plus efficaces en ce qui concerne le partage de la vérité dans l’amour, nous devons acquérir un réel sens de la perte, que nous ne pouvons pas atteindre si nous ne connaissons pas de manière intime des personnes différentes de nous. Si nous restons parfaitement isolés dans notre petite bulle magique, nous passons à côté du fait que nous sommes en train de sacrifier nos enfants à une culture que nous ne comprenons pas. Ainsi, tout se résume aux relations. La grâce, tout comme la vérité, se trouvent toutes deux dans la personne de Jésus ; ce sont des concepts relationnels. Si nous essayons d‘aseptiser cet aspect, malheur à nous. […]

Le message de l’Évangile nous montre exactement où nous nous situons. Quand nous prions pour devenir un pont entre nos amis perdus et l’Évangile, nous devons nous montrer très précis. Il ne s’agit pas de ratisser large. Avant ma conversion, quand on me disait « Jésus est la réponse », je répondais « À quelle question ? » En réagissant ainsi, c’était assez facile de faire fuir les chrétiens évangéliques. Les dépendances sexuelles ne sont pas un sujet plaisant, ceux qui luttent avec le savent bien. Lorsque vous êtes esclave de quelque chose, cela n’a rien de plaisant. Ce que dit réellement le message de l’Évangile est : « Vous n’avez plus à en être esclave, vous êtes un fils/une fille du roi. » C’est réellement merveilleux. On ne peut probablement pas le voir immédiatement, au milieu des affres de la dépendance, mais une fois que l’on a dépassé ce stade, l’invitation à sortir du chemin de nos compulsions addictives est vraiment magnifique.

CITIZEN : Comment vous a-t-on le mieux manifesté l’amour de Dieu lorsque vous meniez une vie homosexuelle ?

L’église dans laquelle Dieu m’avait soigneusement placée était remplie de grâce et de vérité. Ces chrétiens étaient des croyants humbles et honnêtes. Ils n’avaient pas peur de moi, ni de me présenter à leurs enfants. Ils m’ont traitée comme un être humain. Ils ont répondu à mes questions. Je cherchais à connaitre les schémas de péché des autres. Les miens étaient plutôt évidents, ou du moins, l’un d’entre eux l’était. Ne partez pas du principe que le plus gros problème de votre voisin gay est son homosexualité. Mon péché principal à moi était l’incrédulité ! J’avais le sentiment d’être entourée de personnes qui prenaient la Bible suffisamment au sérieux pour examiner leur propre vie à sa lumière.

La base même de la vie chrétienne est la repentance. Dieu m’a entourée de chrétiens qui partageaient réellement leur repentance et qui prenaient l’hospitalité au sérieux. Leur porte était toujours ouverte. Ce n’était pas juste : « On se retrouve une fois par mois et untel ou untel est chargé d’apporter un plat, souvent bien trop gras ou trop sucré. » Ça se faisait naturellement. La Bible n’est pas un article de musée. Elle n’a pas à rester derrière une vitrine. Elle est là pour que nous l’étudiions en profondeur et c’est ce qu’ils m’ont démontré.

L’autre aspect que je trouvais particulièrement intrigant en tant que professeure d’anglais était la manière dont ils parlaient des sermons et de la Bible, ainsi que leur façon de les appliquer à leur vie. L’idée qu’il était possible de vivre sa vie à travers la Bible et la Bible à travers sa vie était une parfaite application des nombreuses compétences essentielles que j’avais apprises en tant qu’amoureuse des livres. Cela m’avait fascinée de constater qu’il existait une conversation bien plus large sur ce sujet !

Chacun a des besoins particuliers quand on en vient à l’église. Il n’y a pas de solution unique. Chacun a ses propres questions, auxquelles la Bible offre des réponses percutantes. […]

Nous ne sommes pas appelés à vivre des vies efficaces mais à abandonner nos vies à Dieu, qui rendra lui-même les vérités de l’Évangile efficaces à travers nous.

CITIZEN : Que conseillez-vous à nos lecteurs pour construire des relations authentiques avec les personnes homosexuelles ou avec ceux qui sont différents d’eux en général ?

C’est là que la notion d’hospitalité devient essentielle. Je ne pense pas qu’on puisse réellement savoir quel est notre impact en termes d’Évangile par rapport à un autre être humain si nous ne lui ouvrons jamais les portes de notre maison. Nous sommes devenus une société particulièrement renfermée et douillette. J’aime le livre écrit par Dave Runyon : The Art of Neighboring[1]. Si vous ne connaissez même pas le nom de vos voisins, vous avez probablement des progrès à faire dans le domaine de l’hospitalité. Il existe des outils et des idées pour créer des liens avec vos voisins, d’abord de manière superficielle, puis progressivement, de les connaître de manière plus intime. Mon mari et moi y travaillons depuis un moment dans notre voisinage. Nous avons maintenant une liste d’au moins quarante de nos voisins, avec leur noms, numéros de téléphone, adresses courriel, … Nous avons instauré des « calendriers de soins » pour les personnes malades, âgées ou isolées (organisant des visites chez eux à tour de rôle, etc.)

L’Évangile se répand à travers ces petits actes d’amour. Par ce biais, nous avons pu rencontrer des voisins gays et lesbiennes. Nous avons également pu constater combien chacun de nous chemine de manière similaire. Nous faisons face au même désarroi quand nous perdons un animal domestique, aux mêmes peurs quand un enfant est malade, …

Dans le fond, c’est de cette manière que Ken avait procédé avec moi. Un des anciens de son église lui a apporté un article que j’avais écrit dans le journal local en lui disant : « Il faut la faire taire ! Cette femme est dangereuse. » Ken lui a répondu : « Je pense que ma femme et moi devrions l’inviter à souper. » C’est ainsi que notre amitié est née. La communauté gay et lesbienne est très ouverte et prompte à l’hospitalité. J’étais donc très à l’aise dans ce cadre de conversations autour d’un bon repas, alors que je ne l’aurais pas du tout été si on m’avait dit : « Viens donc à l’église et laisse-moi t’expliquer tout ce qui ne va pas avec toi. » Ce soir-là, il a enfreint les deux règles de la vie chrétienne : il ne m’a pas parlé de l’Évangile, et il ne m’a pas invitée à l’église. C’est comme ça que j’ai su que je pouvais nouer une amitié avec lui en toute sécurité.

Épouse d’un pasteur depuis 13 ans, Rosaria Champagne Butterfield sert dans une église presbytérienne réformée. Elle est aussi mère de quatre enfants adoptés, dont deux qu’elle scolarise à la maison. Elle partage régulièrement son témoignage avec des étudiants, dans des universités chrétiennes ou non.

© 2019 Focus on the Family. Tous droits réservés. Utilisation autorisée. Publié initialement en anglais sur FocusOnTheFamily.com.

[1] L’Art de connaître ses voisins. Livre uniquement disponible en anglais.

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

Livre Les pensées secrètes d’une convertie insolite, par Rosaria Champagne Butterfield

De l’homosexualité à la découverte de la foi chrétienne

Les pensées secrètes d'une convertie insolite

Extrait : « À l’âge de vingt-huit ans, je me déclarais ouvertement lesbienne. Je venais de terminer un doctorat de littérature et d’études culturelles. Des universités m’enrôlaient pour faire progresser des idéologies de la gauche radicale dans le domaine administratif et dans le domaine de l’enseignement. J’étais persuadée que j’aidais à améliorer le monde. Mon intérêt pour la foi était purement intellectuel, et je n’avais pas l’intention de changer.

Je n’ai pas demandé à me convertir au christianisme. Comment tout cela a-t-il pu arriver à une fille futée comme moi ? »

Avec un style direct et percutant, Rosaria Champagne Butterfield relate sa conversion improbable à la foi chrétienne et les défis, autant internes qu’externes, qu’elle a rencontrés sur son chemin.

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