Contrer la tendance du « tout m’est dû »

Écrit par Juli Slattery

Mon fils Michaël me demande souvent de lui offrir un téléphone cellulaire. Et chaque fois que le sujet revient sur le tapis, il insiste sur le fait qu’il est le seul enfant de sa classe à ne pas en avoir. J’ai toujours supposé que Michaël exagérait. Jusqu’à ce que je parle à ses amis.

Je leur ai demandé : « Qui parmi vous a un téléphone cellulaire ? » Ils ont tous levé la main.

Michaël m’a regardée, l’air de dire : « Tu vois, maman ? » Je leur ai ensuite demandé : « Combien d’entre vous payez la facture ? » Cette fois, aucune main ne s’est levée.

À mon tour j’ai regardé mon fils, l’air de dire : « Tu vois, Michaël ? » Ces pressions auxquelles ils sont exposés au début du secondaire ne font qu’augmenter quand ils entament le second cycle. Ils ne veulent plus seulement un téléphone cellulaire, mais également une voiture, un ordinateur et un bal de fin d’année à 500 $.

En tant que parents, nous luttons contre les pressions culturelles comme le manque de respect généralisé envers l’autorité ou comme les messages malsains sur la sexualité et la violence transmis à travers les médias. Cependant, la menace la plus insidieuse pour nos adolescents, c’est probablement le fait qu’ils croient que tout leur est dû.

Sociologues et psychologues ont en effet constaté cette tendance chez les jeunes adultes qui entrent sur le marché du travail. Ces derniers ont la vingtaine et s’attendent à avoir un immense bureau, un salaire exorbitant et le respect du directeur général dès leur premier jour. Pourquoi ? Parce que lorsqu’ils étaient enfants et adolescents, on leur a dit et démontré qu’ils méritaient ces avantages. De ce fait, il n’est pas vraiment surprenant que l’on parle des jeunes adultes d’aujourd’hui comme de « la génération à qui tout est dû ».

Les parents ne rendent pas service à leurs adolescents en cultivant cette mentalité à la maison. Au contraire, quand ils sont couverts d’éloges et de cadeaux qu’ils n’ont rien fait pour mériter, les adolescents ne sont plus équipés pour affronter les réalités futures : un patron peu amical, une mauvaise évaluation au travail, les conflits dans le mariage ou encore les sacrifices à faire pour fonder une famille. Des études récentes démontrent même que cette nouvelle génération connaît un taux sans précédent de dépression et autres maladies mentales, de solitude et d’échec en début de mariage.

Afin de vous assurer que l’éducation que vous donnez à vos enfants va à l’encontre de cette tendance, voici quelques conseils pratiques :

Enseignez à vos adolescents la valeur du travail et de l’argent

Il peut être tentant de donner à vos adolescents tout ce qu’ils veulent. Toutefois, votre générosité peut rapidement les amener à penser que tout leur est dû. En revanche, en ne leur donnant pas systématiquement tout ce qu’ils demandent vous leur enseignez à apprécier et se satisfaire de ce qu’ils ont déjà.

Au lieu de leur donner des choses, offrez à vos adolescents la chance de travailler, de gagner de l’argent et de faire des économies pour se procurer ce qu’ils veulent. Participer plus aux tâches ménagères afin de pouvoir s’acheter un jeu vidéo ou un vêtement dernier cri leur apprend ce qu’est la satisfaction différée, la discipline et la valeur de l’argent.

Laissez vos adolescents développer leur confiance à travers l’adversité

En tant que parents, l’un de nos instincts primaires est de protéger nos enfants. Même si fondamentalement, cet instinct est bon, il peut aussi leur nuire. Protéger nos enfants du danger, c’est une chose. Mais de nos jours, trop de parents protègent leurs enfants contre toutes les formes d’adversité. Et il existe une grande différence entre les deux.

Un vieux proverbe anglais va comme suit : « une mer calme n’a jamais fait un bon marin ». Seules les tempêtes auxquelles ils font face peuvent préparer les adolescents à naviguer sur la mer de l’âge adulte. La vie est remplie de contretemps, d’épreuves et de difficultés. Plutôt que de protéger vos enfants de l’adversité, équipez-les pour qu’ils persévèrent.

Encouragez une juste perception d’eux-mêmes

La tendance du « tout m’est dû » se caractérise également par une surestime de soi. Les parents croient encourager l’amour-propre de leurs adolescents en leur disant qu’ils peuvent devenir tout ce qu’ils veulent. Il s’agit d’un mensonge qui les mènera à l’échec. Ces attentes irréalistes se retrouvent d’ailleurs dans des émissions de télé comme Canadian Idol quand certains jeunes sans aucun don musical se mettent à chanter avec l’assurance de Pavarotti.

Il est bien sûr important d’encourager vos adolescents à se fixer des objectifs et à les atteindre. Mais aidez-les à définir des objectifs qui soient basés sur une évaluation honnête des capacités que Dieu leur a données et sur leur enthousiasme à travailler.

Cultivez l’empathie

Le trait de caractère qui manque le plus à la génération du « tout m’est dû » est probablement l’empathie, ou l’aptitude à ressentir la douleur des autres. Lorsque la vie s’articule autour de moi, je suis le personnage principal de l’histoire. Les autres jouent seulement un second rôle. Cette attitude est courante chez les jeunes adolescents, mais la maturité devrait les amener à comprendre autrui et à se soucier de lui.

L’empathie n’est pas seulement essentielle pour pouvoir partager l’amour du Christ avec le monde, elle joue aussi un rôle fondamental dans les relations entre adultes. Pour pouvoir pardonner, se donner, et communiquer de manière profonde, il faut savoir faire preuve d’empathie.

Vous pouvez montrer à votre adolescent combien c’est important en faisant du bénévolat avec lui ou en l’invitant régulièrement à se mettre à la place des autres dans les situations qu’il rencontre.

En tant que parents, vous avez l’opportunité d’influencer la manière dont vos adolescents se perçoivent par rapport à Dieu et au reste du monde. Alors que les médias et la culture ambiante poussent les ados à croire que tout leur est dû, repoussez cette idée. En leur accordant des privilèges sans responsabilités, vous ne développez pas leur estime de soi, vous nourrissez en eux des attentes irréalistes.

Juli Slattery est mariée depuis 20 ans et a trois enfants. Psychologue clinique, auteure et conférencière, elle a aussi cofondé le site web authenticintimacy.com et présente une émission de radio dans laquelle elle répond aux questions difficiles sur les relations, le mariage, la spiritualité et l’intimité émotionnelle et sexuelle.

Cet article a été publié dans le numéro de novembre/décembre 2009 du magazine Thriving Family sous le titre « Bucking the Entitlement Trend ». Tous droits réservés © 2009. Utilisation autorisée.