Tenir ferme

Écrit par Pam Woody et Sheila Seifert

NOUS RESTERONS ENSEMBLE

Même si les Chapman continuent d’avancer, certains jours sont difficiles et pleins de confusion. Mary Beth raconte : « Ça a été un peu comme un saut dans le vide de la foi. Mais quand j’ai enfin osé affronter les questions existentielles toutes simples qui se bousculaient dans ma tête, j’ai atterri sur une fondation solide. »

Bien qu’au départ, elle craignait de voir où ces questions la feraient atterrir, Mary Beth a réalisé que la foi est assez solide pour porter toutes les questions sans réponses et les douleurs auxquelles fait face sa famille. Comme la plupart de ces jours qui changent la vie de quelqu’un pour toujours, le 21 mai 2008 a commencé comme n’importe quel autre jour. Rien ne laissait soupçonner que cette journée mettrait à l’épreuve les liens unissant la famille Chapman, et que ce jour révélerait la profondeur de leur foi.

Steven et Mary Beth Chapman étaient dans leur maison, tandis que leurs trois plus jeunes filles, Shaohannah Hope (Shaoey), Stevey Joy et Maria Sue, jouaient dans la cour. Leur fils Will, âgé de 17 ans, arriva dans l’allée au volant de sa vieille Land Cruiser. Jusque-là, rien d’inhabituel.

Maria, qui avait fêté ses 5 ans la semaine précédente, était ravie de voir arriver son frère. Impatiente de jouer avec lui, elle s’est mise à courir dans sa direction. Shaoey demanda à sa petite sœur d’arrêter de courir, mais Maria continua, bien décidée à arriver jusqu’à son frère au plus vite. Derrière son volant, Will ne vit pas la petite fille courir dans l’allée.

Shaoey et Stevey Joy n’ont rien pu faire d’autre que de regarder la voiture percuter la petite Maria. Tout arriva en même temps… Les bruits. Les cris. La douleur. Une cacophonie de questions envahit l’atmosphère, sans trouver de réponse, avant d’être remplacée par les sirènes des véhicules d’urgence.

Dans un élan désespéré, l’équipe paramédicale emmena Maria à bord de l’hélicoptère vers l’hôpital, mais Mary Beth savait au fond de son cœur que son enfant était déjà partie. Elle espérait malgré tout que les sauveteurs arriveraient à ressusciter sa petite fille. Quand ils sont entrés dans le service de traumatologie où reposait Maria, Steven et Mary Beth espéraient que Dieu redonnerait vie à son petit corps inanimé. Ils savaient que Dieu était capable de la guérir. Mais ils acceptaient aussi que cette guérison prenne la tournure que Dieu avait déterminée selon Sa volonté.

Mary Beth se souvient : « Étrangement, au cœur de ce moment inconcevable, il est devenu évident pour Steven comme pour moi que nous nous tenions aux portes des cieux, remettant délicatement notre petite fille dans les bras de Jésus, croyant de toutes nos forces qu’elle serait là en sécurité. Nous avons doucement embrassé le front de Maria. Ma main tremblait pendant que je caressais sa petite joue, remettant ses cheveux derrière ses oreilles pour la dernière fois. Après ça, nous sommes sortis rejoindre nos amis et avons commencé notre long chemin de deuil. »

Sept années se sont écoulées depuis l’accident mortel de Maria. La famille Chapman en a été profondément secouée, mais leur foi en Dieu et leur amour mutuel demeurent solides. Steven et Mary Beth se sont montrés particulièrement conscients de la nécessité de guider leurs enfants à travers leur peine et leur confusion. Et c’est ce qu’ils ont fait, en étant simplement vrais avec eux, en partageant ouvertement et sans tabous, même alors qu’ils luttaient avec leurs propres douleurs et questions sans réponses.

« On n’a franchement aucune idée de ce qu’on a pu faire de bien en tant que parents ces dernières années », avoue Steven. « Je pense que tout ce qu’on a fait, c’est d’être honnête avec eux. C’est la seule chose qu’on a peut-être réussie en tant que parents. »

Même au cœur de leur deuil, Steve et Mary Beth sont restés focalisés sur les besoins spécifiques de chacun de leurs enfants. Leur fille Emily qui était en pleine préparation de son mariage ; leur fils Caleb qui terminait ses études secondaires ; la jeune Shaoey qui avait simplement besoin de leur réconfort et Stevey Joy qui allait bientôt entrer en maternelle. Et puis il y avait Will.

Will et Maria étaient particulièrement proches, et il voyait en elle un véritable cadeau dans sa vie. Mais c’est lui qui s’était retrouvé au volant de la Land Cruiser et après l’accident, il a été aux prises avec de la culpabilité et un profond chagrin. À l’époque, Steven et Mary Beth réalisaient que tout l’avenir de leur fils tenait à un fil.

« Comment peut-on en même temps faire le deuil de l’un de ses enfants, tout en essayant littéralement de sauver la vie d’un autre ? » s’interrogeait Mary Beth. Son mari et elle ont beaucoup lutté pour savoir quoi faire.

ÊTRE VRAIS

Dès le début de leur vie de famille, Steve et Mary Beth avaient fait le choix de parler ouvertement à leurs enfants de toutes les grandes questions de l’existence. Il s’agissait pour eux de donner à leurs enfants des points de repère dans tout ce à quoi ils pourraient avoir à faire face. Et c’est parce qu’ils étaient habitués à communiquer comme cela en famille qu’ils ont pu se confier librement les uns aux autres durant cette saison de choc et de deuil. Même si des sentiments de colère et de peur ont pu être exprimés, aucun des membres de la famille n’a jamais accusé personne. Au lieu de ça, Dieu a donné à Steven, à Mary Beth et à chacun de leurs enfants, un amour immense les uns pour les autres.

Bien sûr, ils restaient une famille en souffrance, avec un trou de la taille de Maria dans chacun de leurs cœurs. Leur guérison ne s’est pas faite en un jour ; mais plutôt au fil du temps et un jour après l’autre. Avec le soutien de sa famille et le suivi de son thérapeute, et même à travers les questions innocentes de ses petites sœurs, Will a avancé dans sa guérison personnelle. Après l’accident, Mary Beth était impressionnée par le seul fait de voir son fils poser chaque jour les deux pieds au sol et avancer.

« C’est une épreuve qui peut être utile », avait alors dit Mary Beth à Will. « Et tu peux faire le choix de le refuser ou tu peux t’en servir pour essayer d’aider autant de gens que possible. » Will avait répondu à sa mère qu’il s’accrochait à Dieu et à sa famille. Il est resté profondément persuadé que Dieu prend soin de lui, à chaque chapitre de sa vie, dans tout ce qu’il peut traverser.

QUESTIONS DIFFICILES

Après la mort de Maria, Shaoey est un jour allée voir sa mère en pleurant : « C’est dur…. Pourquoi on doit vivre ça ? » Plutôt que de prétendre qu’elle savait pourquoi Maria était partie, Mary Beth a reconnu qu’elle n’avait pas de réponse, si ce n’est le fait que Dieu leur demandait de traverser ce temps d’épreuve ensemble.

Batailler avec les « pourquoi » de la vie n’était pas vraiment nouveau pour Mary Beth. On lui a diagnostiqué une dépression clinique en 1991 et elle a toujours parlé ouvertement de son combat avec cette maladie et des difficultés qu’elle a connues à cause de cela, aussi bien au niveau de sa foi que dans sa vie de famille.

Dans son livre Choosing to See (Choisir de voir), elle a écrit : « Je vis encore parfois des moments très sombres, je prends encore des médicaments et je vois toujours un thérapeute. Je voudrais que Dieu m’enlève ma dépression. Mais pour l’instant, Il ne le fait pas, et peut-être que c’est parce qu’Il utilise cela comme un moyen pour me rappeler ma dépendance vis-à-vis de Lui. »

Mary Beth a vu au cours des années comment l’espérance que Dieu a semée en elle, à travers sa dépression, a grandi pour devenir une foi solide. Elle explique que cette espérance et cette foi profonde l’ont préparée à affronter la terrible tempête qui a dévasté sa famille en 2008.

À travers tout cela, elle a appris à se poser les grandes questions existentielles sans crainte : « Pourquoi Dieu permet la souffrance ? », « Pourquoi est-ce que ça nous arrive à nous ? », « Comment suis-je censée réagir ? » Du coup, ses enfants sont eux aussi à l’aise avec leurs propres questionnements. Plutôt que de prétendre avoir toutes les réponses, Mary Beth partage à ses enfants son expérience avec Dieu alors qu’ils apprennent et grandissent ensemble.

Aujourd’hui, elle admet qu’elle sort petit à petit la tête de l’eau. Chaque nouveau jour qui passe permet à Steven et Mary Beth de réaliser un peu plus la force qu’ils tirent de leur foi et de leur famille. Les paroles de la chanson à succès écrite par Steven « I Will Be Here » (« Je serai là ») trouvent tout leur sens dans l’épreuve qu’ont traversée les Chapman. Se soutenant les uns les autres, ils ont trouvé leur sécurité dans le fait que : « À travers les victoires, les défaites, les tâtonnements, nous resterons ensemble. »

« Ensemble », c’est ainsi qu’ils traversent chaque journée. Ils ont appris à s’aimer encore plus et à vivre la joie de voir leur foi les unir toujours plus. Quelques jours seulement après l’accident, Emily, son fiancé Tanner, Caleb et leurs plus proches amis, ont entouré Will, pour l’aider à porter le poids de son chagrin.

Mary Beth raconte : « Emily et Tanner se sont éclipsés et quand ils sont revenus ils portaient une bassine d’eau et des serviettes, et alors que nous autres entourions Will, ils se sont agenouillés pour lui laver les pieds, priant pour que l’ennemi ne puisse pas avoir la moindre prise sur son âme, priant que Dieu lui donne paix et repos. »

UNE FOI SOLIDE COMME LE ROC

Mary Beth conclut : « Notre but n’est pas de vivre une vie parfaite, mais de vivre en faisant face à nos problèmes, de vivre en se battant, et finalement de réussir à ne pas laisser l’ennemi déchirer cette famille. »

Quand tout le reste s’effondre, les enfants voient ce qui est vrai, et dans ce temps où leur cœur est mis à nu, les Chapman ont trouvé une foi solide comme le roc, une foi qui est vraie. Grâce à cette authenticité, ils se sont rapproché les uns des autres et de Dieu.

Peut-être que leurs filles jouent encore à se déguiser et à danser comme des princesses, mais au lieu de croire au  « ils vécurent heureux et eurent plein d’enfants » des contes de fée d’ici-bas, toute la famille est centrée sur la réalité de l’éternité en Dieu.

Dieu est souverain, et Il connaît le nombre de nos jours » affirme Mary Beth. « Maria n’a pas vécu une vie courte ; elle a vécu une vie pleine » et les Chapman sont reconnaissants d’avoir pu en faire partie. Ils choisissent aujourd’hui de vivre leur histoire de la meilleure manière qu’ils connaissent : ensemble.

 


Mary Beth Chapman a raconté son parcours de vie et de deuil dans son livre : Choosing to See (Choisir de voir), disponible en anglais aux éditions Revell. Steven Curtis s’est lui tourné vers la musique pour l’aider à traverser sa peine, et les paroles brutes et profondes de son album Beauty Will Rise sont un réconfort pour beaucoup. En début de 2014 il était en tournée canadienne pour son dernier album, The Glorious Unfolding. Steven et Mary Beth ont célébré leur 30e anniversaire de mariage.

Cet article a été publié pour la première fois dans le numéro d’été 2011 du magazine Thriving Family sous le titre « Holding Tight. » Tous droits réservés © 2011 par Focus on the Family. Utilisation autorisée.