Parler de la santé mentale et émotionnelle

Comment entretenir des conversations continuelles avec vos enfants

Écrit par Focus on the Family Canada

Imaginez que vous soyez en train d’assister à un grand repas de famille. Une personne à table renverse sans le faire exprès un verre par terre et il éclate en morceaux. Personne ne semble y prêter attention, mais pour une raison ou une autre, l’humeur de votre mère change de manière notable. Pendant tout le reste de la soirée, vous entendez dans sa voix qu’elle est nerveuse, tendue. Elle finit même par se montrer distante avec votre enfant, qui a du mal à comprendre pourquoi grand-mère est de si mauvaise humeur. Vous sentez que l’objet qui a été brisé était peut-être plus important qu’il n’y paraissait, mais vous n’en êtes pas certain. Tout ce que vous savez, c’est que cet événement a eu un impact important sur votre mère et qu’elle l’a laissé affecter sa manière de se comporter avec la famille au cours du reste de la soirée.

En rentrant chez vous, imaginons que votre enfant en reparle en disant : « Grand-mère est comme cela ! » Peut-être que vous avez l’habitude de ses sautes d’humeur, sachant qu’elle ne reste pas très longtemps fâchée. Ou peut-être que vous pensez que tout cela est trop compliqué et que cela prendrait trop de temps à expliquer à votre enfant.

Les enfants sont comme des éponges et il est tout à fait possible que le vôtre ait tout enregistré : le brusque changement d’humeur de sa grand-mère et votre tendance à ne rien dire. Il est aussi possible que l’enfant en conclue que certaines réactions émotionnelles négatives chez les adultes sont normales, que ce sont des comportements acceptables, tout comme le fait de ne pas les relever.

La culture d’aujourd’hui a beau être ouverte aux questions de santé mentale et émotionnelle, à la thérapie, aux traumatismes et à la guérison de ces éléments, cela n’a pas toujours été le cas. Dans les générations passées, la honte ressentie par de nombreuses personnes qui rencontraient des difficultés a abouti à des mécanismes de défense malsains et les amis et la famille ne pouvaient que regarder les comportements étranges de la personne en gardant un silence gêné.

Alors comment les parents peuvent-ils continuer à honorer leurs propres parents et grands-parents tout en montrant à leurs enfants de meilleures manières de gérer leurs émotions ?

Et comment les parents qui ont eux-mêmes rencontré des difficultés sur le plan mental peuvent-ils partager leur cheminement de manière à la fois authentique et adéquate avec leurs enfants ?

Luke Campbell, l’un des conseillers agrées de Focus on the Family Canada, discute régulièrement avec des parents de la création d’un environnement sain et sûr pour permettre des conversations autour de la santé mentale et émotionnelle avec leurs enfants.

Parler des comportements qui ne sont pas sains

Le simple fait de reconnaitre et de parler des comportements que ne sont pas idéaux, comme celui en exemple de la grand-mère, peut s’avérer d’une grande aide pour vos enfants, explique Campbell.

« Lorsque les émotions se bousculent de manière inappropriée et inutile, en tant que parent, vous ne rendez pas forcément service à votre famille en refusant d’aborder la situation », explique monsieur Campbell. « Surtout lorsqu’un événement particulièrement clair se déroule, comme une personne qui s’emporte et parle mal. Il vaut mieux en discuter. » Parfois, il est nécessaire d’avoir une conversation directe avec la personne responsable, de la mettre face à ses responsabilités ou d’établir des limites pour vous et votre famille. On ne peut pas contrôler le comportement des autres, mais on peut gérer la manière dont on interagit avec nos enfants par rapport à la situation ainsi les aidant à interpréter les situations de la manière la plus saine possible.

Si vos enfants vivent une expérience similaire, il est important de discuter de ce dont ils ont été témoins pour ne pas contribuer à la normalisation de mauvais exemples de gestion émotionnelle. Que ce soit dans la voiture en rentrant à la maison ou lorsque vous vous trouvez dans un endroit où vous pouvez parler librement, voici les étapes que vous pouvez suivre :

  1. Mettre des mots: qu’as-tu ressenti quand grand-mère s’est montrée impatiente ? Penses-tu que c’était une bonne manière de réagir à la situation ?
  2. Aller un peu plus en profondeur : Grand-mère n’a pas su comment gérer ses émotions et parfois, quand on ne sait pas quoi faire de nos émotions, on se met en colère ou on devient impatient.
  3. Personnaliser la discussion : Quand tu es en colère, quels sont les sentiments réels qui se cachent sous la surface ? De la tristesse ? Du stress ? De la peur ?
  4. Proposer un nouveau comportement : Qu’aurait pu faire grand-mère pour réagir différemment ? Si tu étais à sa place, qu’aurais-tu fait ? Qu’est-ce qui aurait pu être utile dans cette situation ?

Vous pouvez guider votre enfant à travers ces étapes chaque fois qu’il est témoin d’un mauvais comportement ou d’emportement de la part d’adultes, d’autres enfants ou même dans des films ou des émissions de télévision. En attirant l’attention sur les comportements qui ne sont pas acceptables, et ceux qui sont bons, vous leur enseignez à repérer les manières saines et celles qui ne le sont pas de gérer ses émotions fortes.

Se guérir soi-même

Lorsqu’un enfant est témoin d’un comportement clairement malsain, c’est une occasion qui se présente à vous pour lui enseigner de précieuses leçons. Or, beaucoup d’entre nous ont internalisé des comportements et des mécanismes de défense venus de nos parents qui n’étaient ni sains ni acceptables. Alors comment pouvons-nous agir pour briser un tel cycle de schémas intergénérationnel et aider nos enfants à vivre une vie plus saine ?

« Le meilleur moyen de briser un cycle est de prendre conscience de ses propres comportements malsains et de s’assurer de guérir soi-même», explique monsieur Campbell. Il faut vous dire “D’accord, il y a de fortes chances pour que j’aie moi-même adopté certains de ces comportements, alors il faut que je m’assure de me demander si je suis susceptible de les répéter.” »

C’est pour cela qu’il est si important que les parents prennent en main leur propre guérison mentale et émotionnelle. Le counseling peut être un excellent outil, surtout lorsqu’il y a eu des traumatismes ou qu’on éprouve des difficultés à contrôler ses émotions, mais parler avec un pasteur ou même se confier à un groupe d’amis de confiance peut être très utile pour mieux se connaitre et guérir.

Cependant, cela ne veut pas du tout dire qu’il faut que vous soyez parfait pour pouvoir parler à vos enfants de la santé mentale et émotionnelle. La question n’est pas de savoir si vous avez un problème de colère ou d’anxiété, c’est de savoir comment vous gérez ces luttes. Vos enfants doivent être à même de voir que vous faites un effort clair et quotidien pour aller mieux et rechercher la victoire sur vos émotions pour qu’ils sachent qu’eux aussi peuvent obtenir une telle victoire.

Monsieur Campbell nous précise : « Vous ne pouvez pas avoir une conversation ouverte sur ce sujet si vous-même ne cherchez pas à gérer vos émotions. Cela peut même se révéler plus destructeur, car les enfants auront tendance à penser, papa et maman ne font pas ce qu’ils me demandent de faire. Et de ce fait, ils ne prendront peut-être pas au sérieux les vérités que vous voulez leur inculquer. »

Personne n’est parfait, mais en cherchant à être un modèle en termes de gestion saine des émotions et en demandant de l’aide lorsque vous en avez besoin, vos enfants seront mieux préparés à faire de même quand ils rencontreront des difficultés.

Se montrer sincère tout en s’adaptant à l’âge de l’enfant

Si vous effectuez régulièrement ce travail sur vous-même et que vous prenez conscience de vos propres difficultés, vous serez mieux placés pour parler de ces sujets avec vos enfants. C’est un peu comme la fameuse conversation sur la sexualité qu’on est censé avoir avec eux, c’est bien plus efficace d’ouvrir un dialogue régulier et continu que de balancer tout ce qu’on sait sur la santé mentale et émotionnelle en une seule discussion.

Une des manières de faire cela est de partager avec eux votre propre parcours ou celui d’autres membres plus âgés de la famille, mais attention, cela peut être délicat.

Prenons l’exemple d’Angela*. Elle désire lancer une conversation avec ses enfants qu’elle-même n’a jamais eue pendant son enfance. Son père souffrait de périodes de dépression pour lesquelles il devait être hospitalisé parfois pendant des semaines, mais lorsqu’il rentrait, la famille n’en parlait jamais. La vie reprenait comme si de rien n’était. Elle veut s’assurer que ses enfants ne se retrouvent dans le même genre de situation inquiétante et confuse comme elle l’a été. Cependant, elle comprend aussi qu’il n’est pas approprié de partager tous les détails de l’histoire de son père et de ses propres luttes par rapport au parcours de santé mentale.

Avant de parler d’éléments précis autour de la santé mentale, monsieur Campbell explique qu’il est important de savoir de quoi exactement votre enfant est capable. « Votre enfant est-il calme et sensible ? Est-il très perspicace ? Certains enfants remarquent des choses que les autres ne voient pas. Donc la première chose à faire est de bien connaitre son enfant et de comprendre comment fonctionne son cerveau. »

Il peut être utile de partager honnêtement certains détails de votre expérience personnelle de manière authentique, mais il est important de respecter l’âge de l’enfant. De manière générale, les scénarios suivants peuvent vous servir de guide sur la manière de parler honnêtement aux enfants de différents groupes d’âges :

  • 5 ans et moins: Papa et maman ont parfois de grosses émotions, comme s’il y avait des monstres de colère ou d’inquiétude en nous et il arrive que ce soit effrayant. Est-ce que tu te sens comme cela des fois ? Quand cela t’arrive-t-il ? Que fais-tu dans ces cas-là ? Qu’est-ce qui pourrait aider à éloigner ces vilains monstres de colère et d’inquiétude ?
  • Entre 6 et 10 ans : Papa et maman savent ce que cela fait d’être contrarié. Savais-tu que la colère cache presque toujours un autre sentiment ? Pour moi, parfois, c’est de la jalousie, ou parfois aussi, c’est parce que j’ai peur. Quels sont les sentiments qui se cachent sous la surface pour toi ?
  • Entre 11 et 18 ans : Que sais-tu au sujet de la santé mentale ? As-tu des questions pour papa ou maman ? Tout le monde se sent parfois triste ou angoissé, mais c’est inquiétant quand on n’arrive pas à s’en sortir. Souvent, on a tendance à se sentir seul quand on est en difficulté, mais sache que tu n’es jamais seul. Tu peux toujours venir nous parler.

Quand il s’agit de partager l’histoire d’autres membres de la famille, c’est important de respecter la vie privée de chacun et de ne pas trop en dire aux enfants. Par exemple, vous pouvez dire : « Grand-mère a du mal avec ses émotions fortes, mais nous savons que lorsque cela nous arrive, il y a d’autres moyens de les exprimer. » Mais il n’est pas approprié d’entrer dans les détails de l’enfance de grand-mère ou dans des diagnostics psychologiques si c’est un sujet qu’elle n’a pas abordé elle-même. Nous avons tous notre propre histoire et cela doit rester un choix pour chacun d’en partager ou pas les détails. Lorsque nous parlons des autres, il vaut mieux rester focalisés sur le comportement plutôt que sur la cause.

Quand vos enfants grandissent et deviennent des préados, puis des ados, vous pouvez aussi commencer à leur parler plus clairement de vous si vous avez été confronté à des problèmes de santé mentale tels que la dépression ou l’anxiété, mais monsieur Campbell nous met en garde :

« Un préadolescent aura peut-être une certaine image de la santé mentale et de la dépression au sens clinique du terme, et pour un adolescent, cela ne fait aucun doute. C’est un moment où vous pouvez commencer à avoir des conversations plus explicites avec eux sur ces sujets, mais je pense tout de même qu’il faut avancer avec prudence. Vous ne voulez pas mettre votre enfant en position de devoir ou de vouloir prendre soin de vous. Le but est d’être une présence stable pour eux et de pouvoir les guider. On en revient au fait de se connaitre soi-même et de savoir gérer sa propre tristesse ou ses « émotions fortes ». Vous ne pouvez pas avoir une conversation saine et divulguer des informations sur vous-même si vous ne faites pas face à ces problèmes et si vous ne les gérez pas de manière positive. »

Créer un foyer émotionnellement sécurisant

« En tant que parent, il est important d’être présent pour la santé et le bien-être de vos enfants, conseille monsieur Campbell. Le counseling peut être un excellent outil pour aider les enfants, les préadolescents et les adolescents pour résoudre leur question concernant la santé mentale, mais vous restez la personne qui a le plus d’influence sur leur jeune vie. Le meilleur moyen de vous assurer que cette influence reste positive est d’être quelqu’un de sûr. »

Monsieur Campbell ajoute : « Les enfants de tout âge ont besoin de se sentir suffisamment en sécurité pour s’ouvrir. Beaucoup de parents ne se rendent pas compte que de nombreux enfants, surtout dans les cercles chrétiens, ne croient pas réellement que leurs parents sont des personnes sûres parce que ces derniers n’avaient pas accès à autant de choses dont disposent les enfants d’aujourd’hui. Ils se disent peut-être, je ne pense pas que papa et maman comprennent vraiment à quoi je suis confronté ; ils seraient horrifiés s’ils savaient. Alors il faudra peut-être que vous leur expliquiez très clairement que rien de ce qu’ils peuvent partager avec vous ne vous surprendra en tant que parents. Et vous pouvez même leur donner des exemples. »

De plus, les enfants, quel que soit leur âge, doivent savoir qu’il n’y a rien qu’ils puissent vous dire qui changera votre amour pour eux. En répétant constamment ce message, à travers vos paroles et vos actes, vous pouvez leur ouvrir la perspective d’un avenir plein d’espérance où il est possible d’obtenir de l’aide, quel que soit le problème que vous traversez.

« Pour créer un espace sûr et ouvert pour le dialogue, il est très important d’offrir un bon modèle de comportement et d’être cohérent de manière quotidienne, explique monsieur Campbell. Demandez à vos enfants comment ils vont et parlez-leur au fur et à mesure que les sujets émergent. Ce sont ces petits moments de partage quotidiens qui font toute la différence. » En faisant cela, vos enfants seront bien équipés pour faire face aux hauts et aux bas de la santé mentale et émotionnelle.

Nous ne serons peut-être jamais guéris de nos luttes émotionnelles et mentales, mais l’amour de Dieu ne s’arrête jamais, ni sa puissance rédemptrice. Il peut accomplir des choses extraordinaires lorsque l’on vient lui demander son aide, et nos enfants doivent savoir que c’est possible.

 

*Le nom a été changé pour préserver sa vie privée.

 

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