Pour résoudre les conflits, acceptez d’ouvrir votre cœur
Quand on se dispute, c’est rarement pour les raisons que l’on croit
Par Greg Smalley
Ma femme Erin et moi étions au Japon avec Murphy, notre fille de dix-sept ans, pour donner un séminaire sur le mariage. Nous sommes arrivés quelques jours en avance pour pouvoir jouer un peu les touristes à Tokyo. L’un des sites que nous tenions à voir était un magnifique parc qui abrite le sanctuaire Meiji- Jungu, un immense espace parsemé d’étangs, de ponts et de kilomètres de chemin.
Nous l’avons donc mis à notre programme du jour. J’avais fait des recherches en amont pour voir comment aller à pied de notre hôtel jusqu’au parc et quels chemins suivre une fois sur place. J’avais tout organisé, nous allions passer une journée parfaite.
Ou du moins, c’est ce que je croyais. En chemin vers le parc, nous nous sommes perdus à plusieurs reprises (par ma faute). Une fois arrivés, nous étions déjà épuisés. Après avoir passé la grille d’entrée, nous sommes arrivés devant un embranchement.
Je n’étais en rien surpris. J’avais bien étudié la carte et avais prévu de prendre la route la plus longue, qui menait à un magnifique pont, perché au-dessus d’un vaste étang. Parfait pour prendre des photos en famille !
Mais devant l’embranchement, Erin et Murphy ont voulu prendre le chemin le plus court, plutôt que de me suivre sur la route que j’avais choisie d’avance. Elles se sont donc tournées vers l’autre direction.
« Vous vous trompez de chemin », leur ai-je expliqué.
Elles m’ont répondu en chœur : « On est fatiguées, cette route a l’air plus courte. »
« Mais ce chemin est bien plus pittoresque, j’avais prévu qu’on fasse des photos ensemble près du grand étang. »
« On est épuisées », a insisté Erin.
Je sentais l’énervement monter. « Comme vous voulez, on prend votre chemin ! » j’ai dit sèchement. Et je me suis engagé sur leur chemin, furieux.
Je pense qu’elles ont toutes les deux été plutôt surprises par ma réaction. Quand elles ont compris à quel point je tenais à prendre le long chemin, elles sont parties de l’autre côté, de MON côté ! Mais j’avais déjà disparu, avançant sans jeter un regard en arrière, tant j’étais énervé contre elles.
Quand j’ai vu qu’elles ne me suivaient pas, ça m’a vraiment mis en colère et j’ai pensé leur « donner une leçon ». Je savais, ayant étudié la carte, que les deux chemins allaient finir par se rejoindre. Je me suis dit que j’allais parcourir en boudant le chemin court. Quand je retrouverai les filles, elles imploreraient surement mon pardon à genoux.
Mais lorsque j’ai atteint l’endroit où je pensais les retrouver, elles n’y étaient pas. Après les avoir attendues un petit moment, j’ai enfin réalisé la gravité de la situation : ma femme et ma fille étaient perdues au beau milieu du Japon.
J’allais avoir de sérieux problèmes.
Ce qui nous fait réagir
Quand on se dispute, c’est rarement pour les raisons que l’on croit. Des problèmes superficiels peuvent donner l’impression qu’ils sont au cœur du conflit, mais ce n’est qu’une illusion. Ce qui se passe en réalité, c’est qu’une corde sensible a été touchée en nous. Une situation ou une dispute ont mis le doigt sur un sujet délicat, sur une blessure cachée. Nous avons tous des points sensibles sur lesquels il est très facile d’appuyer et de déclencher une réaction.
Ces points sensibles sont souvent de profondes insécurités : le sentiment de ne pas être aimé, d’être rejeté, abandonné ou incompris. Nous réagissons quand nous avons l’impression d’échouer, d’être des ratés.
Une fois notre point sensible touché, notre cœur se ferme automatiquement. Tout comme ces petits insectes qui se roulent en boule quand ils ont peur. Une fois fermés, il est bien difficile de les ouvrir.
C’est ce que j’avais fait à Tokyo : je m’étais « roulé en boule ». Par la suite, ma colère s’est muée en inquiétude. Après les avoir cherchées pendant environ une demi-heure, je les ai finalement repérées : elles sortaient du sanctuaire Meiji. Ce temple était le principal but de notre visite, et elles y étaient allées sans moi. Encore un point sensible de touché !
J’ai crié, furieux : « Vous étiez où ? »
« Quand tu es parti, on a continué à avancer, m’a répondu Erin avec sarcasme. On s’est dit que tu finirais par nous rejoindre et t’excuser. »
« M’excuser ! Moi ? Mais c’est vous qui m’avez laissé tout seul. »
Je suis certain que vous n’aurez aucun mal à imaginer le reste de la conversation…
Arriver à sortir la tête du conflit
Quand un conflit – ou devrais-je dire une guerre – démarre, c’est difficile de le désamorcer. Avant de pouvoir commencer à en parler comme des adultes aimants et responsables, il faut pouvoir rouvrir les cœurs fermés.
C’est ce qu’Erin, Murphy et moi avons fait pendant notre long trajet de retour vers l’hôtel. Nous avons cessé de nous accuser les uns les autres et avons tourné nos regards vers nous-mêmes, histoire d’examiner la fameuse poutre dans notre œil dont parle Jésus.
Au fil des ans, Erin et moi avons découvert trois étapes simples pour aider à ouvrir nos cœurs en temps de conflit :
- D’abord, faites une trêve
Plutôt que de continuer à vous disputer, appuyez sur pause. Partez chacun de votre côté et laissez la tension émotionnelle redescendre. « L’insensé étale tous ses sentiments, mais le sage se retient de montrer les siens.» écrit Salomon dans le Proverbe 29.11. Allez prendre l’air, courrez un peu, écoutez de la musique. Priez. Quand vous prenez une pause, assurez-vous que l’autre personne sache que vous le faites pour ouvrir votre cœur et que vous reviendrez plus tard pour terminer la discussion.
- Ensuite, identifiez vos émotions
Quand vous êtes blessé et frustré, vos pensées sont centrées sur l’autre personne de la pire manière qui soit. Si vous voulez pouvoir ouvrir votre cœur, il faut que vous vous concentriez non plus sur votre conjoint, mais sur vous-mêmes, pour regarder à votre propre poutre. Comme le disait David dans le Psaume 4.5 : « Si vous vous mettez en colère, ne péchez pas ! Parlez dans votre cœur, sur votre lit, et faites silence. » Pendant votre temps de trêve, identifiez le point sensible qui a été touché. Cherchez l’émotion qui se cache derrière. Cela vous aidera à vous calmer.
Après l’épisode du sanctuaire Meiji, j’ai essayé de mettre un nom sur ce que je ressentais. J’ai cherché à identifier les points sensibles qui avaient été touchés. Je me suis rendu compte que je ne m’étais pas senti respecté, ni apprécié. J’avais passé beaucoup de temps à faire des recherches sur les points forts du parc. J’ai eu l’impression qu’Erin et Murphy n’avaient ni respecté ni apprécié tout le travail que j’avais fourni pour organiser cette journée dans ses moindres détails.
- Enfin, décelez la vérité
Les émotions sont puissantes, mais elles ne représentent rien de plus que des informations. Nous ne devrions jamais réagir en ne nous basant que sur des informations, sans chercher à les analyser.
Le meilleur moyen d’analyser vos émotions ou vos ressentis (c’est-à-dire vos points sensibles), c’est de les apporter devant le Seigneur. Rappelez-vous qu’en tant qu’êtres humains, nous ne sommes pas la source de la vérité. Si nous essayons de déterminer seuls la validité de nos émotions et de nos pensées concernant notre conjoint, sans laisser Dieu prendre part à la discussion, nous risquons fort de finir par croire des mensonges.
Je ne veux pas m’appuyer sur mes propres interprétations et perceptions de ce que fait ma femme. Je veux que Dieu me donne sa perspective parce qu’il est la seule source de vérité (Jean 14.6).
Tout en marchant et en priant, Dieu m’a montré la vérité : j’ai réalisé qu’Erin et Murphy étaient simplement fatiguées. Elles n’avaient pas essayé de me manquer de respect. Alors, armé de la vérité de Dieu, mon cœur s’est ouvert. Quand nous avons fait ensemble le chemin du retour, j’ai demandé à parler de ce qui s’était passé au parc.
Erin m’a expliqué qu’elle s’était sentie incomprise et jugée, ce qui sont ses propres points sensibles. Murphy s’était sentie contrôlée et abandonnée. Cela m’a brisé le cœur de penser que ma propre fille s’était sentie abandonnée par moi, son père.
J’ai pu écouter et valider ces ressentis. Parce que j’avais pris le temps de faire ces trois étapes au préalable, j’étais capable de réagir de manière constructive et non pas blessante. Cela les a également aidées à ouvrir leur cœur. Nous avons fini par nous serrer dans les bras, en plein milieu d’un trottoir du centre-ville de Tokyo.
Nous n’avons certainement pas géré au mieux le début de cette crise japonaise. Dans un conflit, le plus important n’est pourtant pas comment il commence, mais plutôt comment il se termine.
Le Dr Greg Smalley est vice-président du département Marriage and Family Formation à Focus on the Family. Il est l’auteur de nombreux livres dont Crazy Little Thing Called Marriage.
© 2019 Focus on the Family. Tous droits réservés. Utilisation autorisée. Publié initialement en anglais dans le livre Ready to Wed et sur FocusOnTheFamily.com.