Parler de la marijuana avec nos ados
Par Catherine Wilson
Quand il s’agit d’aborder avec nos enfants le sujet des drogues, la marijuana présente des défis particuliers pour nous, parents. Nous devons lutter contre une idée reçue très répandue parmi les jeunes canadiens selon laquelle c’est un produit qui ne présente pas de risque et ne provoque pas de dépendance. Il peut être compliqué de lutter contre ce faux sentiment de sécurité.
Nos enfants entendent nos avertissements, bien sûr, mais quand ils se tournent vers leurs amis et camarades de classe, ils ne voient rien qui vient confirmer nos propos. Un nombre impressionnant de leurs pairs (environ un sur quatre) consomme du cannabis. La plupart d’entre eux ne semblent pas avoir de problèmes.1
Les récents changements au niveau de la législation canadienne concernant l’usage récréatif de la marijuana pour les adultes rajoutent encore au sentiment qu’il n’y a pas de danger.
Nos enfants ne se rendent pas compte que certains des effets nocifs du cannabis n’apparaissent pas instantanément et qu’il existe aussi des risques immédiats qui peuvent parfois être graves.
Nous pouvons d’abord rappeler à nos adolescents que le cannabis reste illégal pour eux, bien que ce ne soit pas suffisant pour les convaincre. Il est important que nous leur parlions de manière régulière pour nous assurer qu’ils comprennent bien les risques potentiels auxquels la marijuana les expose.
Voici quelques conseils pour vous aider à être vous-même au courant de ce que savent les chercheurs (et ce qu’ils ne savent pas encore) concernant l’impact sur les plus jeunes de cette drogue dite « douce ». Vous trouverez une grande quantité d’informations dans cet article, surement plus que ce que vous pourrez communiquer à vos enfants en une seule fois. Cela vous donnera matière à discussion chaque fois que vous aborderez ce sujet important avec eux.
Le risque de dépendance est réel
Selon le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCSA), environ 30% des utilisateurs de cannabis de moins de 25 ans au Canada en font usage de manière quotidienne ou quasi-quotidienne.2 Cela induit pour eux un risque important de subir des effets négatifs à long terme sur leur santé.
La plupart des consommateurs de cannabis le fument.3 Environ un tiers des jeunes consommateurs ont aussi essayé l’utilisation d’un vaporisateur, ce qui évite d’inhaler de la fumée.2
Aujourd’hui, il est difficile de savoir si fumer du cannabis pur augmente les risques de cancer du poumon car il manque des recherches concluantes sur le sujet. Cela dit, comme avec la fumée de cigarette, les fumeurs de cannabis inhalent du monoxyde de carbone et du goudron. Ceux qui fument beaucoup peuvent souffrir de toux récurrente, de production excessive de glaires, d’essoufflement et de bronchites aigues.4
En nous basant sur des recherches dans le domaine de la santé, nous savons qu’environ 10% des fumeurs de cannabis développent une dépendance. Chez les adolescents, le risque de tomber dans la dépendance est plus élevé. Le taux de dépendance est d’environ 17% chez les personnes ayant commencé à consommer du cannabis avant leurs 18 ans.3
De plus, il est fréquent que les jeunes ne fument pas des joints de marijuana pure, mais plutôt un mélange de tabac et de cannabis, ce qui rajoute le pouvoir addictif de la nicotine. La nicotine, quant à elle, est un cancérigène reconnu.
Les risques pour le cerveau en développement des adolescents
Les chercheurs admettent qu’ils ont encore peu de données concernant les effets à long terme du cannabis chez les adultes. Quant aux adolescents, le consensus sur le fait que l’usage de cannabis peut avoir des effets nocifs sur leur cerveau est clair.
Jeff Edwards, neuroscientifique à l’université Brigham Young en Utah, explique que les inquiétudes concernant les jeunes tiennent à la nature du THC, principale substance psychoactive du cannabis, et à la manière dont elle se lie à certains récepteurs neuronaux dans le cerveau. « Si vous regardez les effets négatifs de la marijuana, ils sont presque toujours associés avec l’adolescence. Les récepteurs CB1 auxquels s’attache le THC sont des récepteurs à régulation développementale, ce qui veut dire qu’ils évoluent au fur et à mesure que le cerveau se développe. Ainsi, bien que les adultes, tout comme les adolescents, puissent développer une dépendance au cannabis, ils ne subissent généralement pas les mêmes effets négatifs à long terme », commente Edwards.
« Chez les adolescents, c’est vraiment effrayant parce que cela augmente les risques qu’ils se tournent vers d’autres drogues. Avec une consommation régulière de marijuana, ils peuvent perdre en moyenne six points de QI. On observe également une augmentation des problèmes de dépression et anxiété, des pertes de mémoire et autres difficultés neurocognitives. Nous ne constatons généralement pas ce type de problème se développer chez les adultes. »5
Quelles sont ces « autres difficultés neurocognitives » auxquelles Edwards fait référence ? D’autres chercheurs ont mis en évidence des problèmes d’attention et de concentration, qui mènent à des difficultés d’apprentissage en classe. Ils ont également observé des difficultés à contrôler ses impulsions.1
En parler avec votre ado : vérifiez avec votre enfant qu’il sait qu’atteindre l’âge légal pour consommer du cannabis n’est en rien une garantie de sécurité. Dans presque toutes les provinces (sauf le Manitoba), l’âge minimum légal est fixé à 18 ou 19 ans, pour correspondre à celui de la consommation d’alcool. Les experts en santé ont pourtant prévenu que la marijuana peut avoir des effets nocifs sur le cerveau au moins jusqu’à l’âge de 25 ans.1
Si c’est pertinent, expliquez à votre enfant que toute personne enceinte ou qui allaite ne doit absolument pas consommer de cannabis. Les recherches montrent que le THC tend à s’accumuler dans le cerveau du bébé, ce qui peut provoquer un poids de naissance très bas, des difficultés neuro développementales, des retards scolaires et des problèmes de comportement.1
Un changement de composition qui augmente les risques
Aujourd’hui, la marijuana est beaucoup plus forte qu’il y a vingt ans. À cette époque, le niveau de THC dans les plantes séchées dépassait rarement 10%. De nos jours, les boutiques autorisées offrent aux consommateurs canadiens des variétés de cannabis qui peuvent aller jusqu’à 26% de THC (pour les bourgeons séchés).
Mais la plante séchée n’est pas le seul produit issu du cannabis. Les jeunes font aussi chauffer des concentrés très puissants (sous forme d’huile ou de cire) dont ils inhalent les vapeurs. Ces produits sont récemment devenus largement accessibles de manière clandestine. Ils prennent différents noms tels que BHO, dabs, budder ou wax.
La puissance de ces concentrés est supérieure à tout ce qui existait jusque-là. Le niveau de THC commence aux environs de 50% pour atteindre les 90%. Il est impossible à ce jour de connaitre les effets à long terme et le risque de dépendance liés à de tels niveaux de concentration.
Ayant fait des recherches sur les effets du cannabis, le professeur Cinnamon Bidwell explique : « Nous relevons des taux sanguins de THC et des niveaux d’intoxication qui sont plus élevés que ce que nous pouvons trouver dans la littérature à ce sujet. Cela soulève des inquiétudes quant aux conséquences de l’exposition à un très haut niveau de THC au fil du temps sur le cerveau et le corps. Chez les utilisateurs de produits concentrés, certaines de nos données suggèrent des risques de dépendance plus élevés. »6
Les concentrés sont également susceptibles de poser d’autres problèmes de santé, principalement à cause des impuretés qui y sont contenues. Les tests effectués tendent à montrer que les jeunes qui consomment des produits concentrés issus du marché noir inhalent souvent en même temps les solvants chimiques utilisés pour leur fabrication. À cela s’ajoutent d’autres produits nocifs tels que les fongicides et insecticides utilisés dans la culture des plants de cannabis.
En parler avec votre ado : si votre fils ou votre fille vous révèle qu’il a déjà essayé la marijuana, il est important d’explorer patiemment et avec douceur ses motivations. Il vous faut des réponses à des questions telles que : A quelle fréquence ? Quel type de produit ? et Qu’est-ce qui t’a poussé à essayer ? Peut-être votre ado s’est-il contenté de faire des expérimentations occasionnelles. Mais s’il a une consommation régulière (hebdomadaire ou plus), ou s’il utilise des produits concentrés, il est temps de vous inquiéter. Il se peut qu’il cherche à calmer un trop grand niveau de stress, d’anxiété, ou d’autres difficultés émotionnelles, et/ou qu’il soit sur le chemin de la dépendance.
Les risques de « bad trip » et de psychose
Il peut être compliqué d’estimer la quantité « raisonnable » de cannabis à consommer, surtout pour des jeunes. Fumer un peu trop ou utiliser des produits trop concentrés en THC peut mener à une intoxication au cannabis (à savoir une overdose non mortelle).
Le dosage est particulièrement problématique pour le cannabis ingéré, sachant que les effets prennent plus longtemps à se manifester. Les ados qui sont habitués à l’effet rapide de l’herbe fumée pensent alors que le brownie au cannabis qu’ils consomment n’est pas très fort et ils en mangent trop.
Plutôt que de ressentir l’euphorie et la détente attendues, les jeunes qui font une overdose peuvent vivre des expériences effrayantes telles que :
- Des hallucinations
- De la paranoïa (penser que les autres veulent leur faire du mal) ou un épisode psychotique
- Des crises d’angoisse, de panique
- Des vomissements fréquents pouvant durer jusqu’à 48h
- De la désorientation
Les crises psychotiques liées à la prise de cannabis sont relativement rares mais elles sont très inquiétantes pour la personne qui les vit. La marijuana, comme nous le savons depuis longtemps, peut amener une personne génétiquement prédisposée à la schizophrénie à déclencher les symptômes de la maladie.1
Ce qui a été découvert plus récemment, c’est que l’utilisation de cannabis pourrait déclencher le début d’une schizophrénie ou de troubles bipolaires chez des jeunes qui n’auraient pas développé ces troubles autrement. Une étude danoise montre que 47% des personnes qui vivent un épisode psychotique de deux jours et plus lié à la consommation de cannabis souffriront de schizophrénie ou de troubles bipolaires par la suite. C’est une proportion plus élevée que ce qui pourrait être expliqué par les prédispositions génétiques. De plus, le déclenchement est assez rapide : en général dans les cinq années qui suivent pour la moitié des personnes affectées.7
En parler avec votre ado : environ une personne sur cinq aura systématiquement une mauvaise expérience lors de la consommation de cannabis. Cela est simplement dû à leur physionomie. Alors vous pouvez rassurer votre enfant : Non, pas tout le monde en consomme ! Il y a de fortes chances que votre enfant ne soit pas le seul de sa classe à s’abstenir.
Il peut valoir la peine de rappeler à votre enfant que lorsque quelqu’un est sous l’influence du cannabis, le risque de mal évaluer les dangers est multiplié. Le simple fait de traverser la rue devient plus dangereux. Il risque également davantage de se défaire des principes qu’il a l’habitude de suivre concernant l’abstinence sexuelle. Le petit écart que semble représenter la prise de marijuana peut tout à coup avoir des conséquences bien plus graves.
En ce qui concerne l’alcool et la conduite
Tous les jeunes, qu’ils soient susceptibles de consommer un jour du cannabis ou non, doivent être prévenus : il ne faut JAMAIS mélanger alcool et cannabis. Boire de l’alcool avant de consommer de la marijuana augmente considérablement l’assimilation du THC par le corps et donc les risques d’overdose, même pour une faible dose de cannabis.
Les jeunes qui boivent et fument ensuite un joint doivent s’attendre à faire face à un flot de vomi. Mais d’autres, moins chanceux, meurent d’un empoisonnement à l’alcool, car un niveau de THC suffisamment élevé inhibe le réflexe vomitif qui se déclenche quand le taux d’alcool dans le sang devient trop élevé.
Il est beaucoup moins risqué de fumer du cannabis d’abord et de boire de l’alcool ensuite, mais un ado qui est déjà saoul ne se souviendra pas d’une telle information.
Quant à la conduite, l’effet du cannabis sur l’attention du conducteur est confirmé. Des études montrent que la consommation de cannabis double, voire triple les risques d’être impliqué dans un accident. Les conducteurs sous l’influence du THC ont des réactions plus lentes. Ils ont plus de difficultés à rester dans leur voie et à être alertes lorsque la conduite demande une attention divisée ou lorsqu’ils rencontrent des situations complexes. Le guide canadien d’utilisation du cannabis recommande aux consommateurs de ne pas conduire dans les six heures qui suivent la prise de marijuana.1
Un jeune qui consomme du cannabis après avoir bu de l’alcool verra ses capacités à conduire sérieusement altérées.
En parler avec votre ado : rappelez à votre adolescent que quelqu’un qui fume du cannabis ne doit pas conduire pendant au moins six heures. C’est quelque chose dont il doit se souvenir si un ami lui propose de le ramener. Expliquez-lui, pour le rassurer, que vous serez toujours là pour venir le chercher s’il ne se sent pas en sécurité ou si ses amis le poussent à agir imprudemment. Expliquez-lui qu’il est toujours plus sage de rester dormir chez quelqu’un plutôt que de conduire sous l’influence de drogues.
Des contrefaçons dangereuses
Jeunes et parents doivent savoir qu’il existe de la marijuana synthétique qui se trouve sur le marché noir et qui est extrêmement dangereuse. Les deux contrefaçons les plus fréquentes sont appelées Spice et K2. Ces produits contiennent rarement de la marijuana, celle-ci étant remplacée par d’autres plantes séchées, mêlées de produits chimiques toxiques qui imitent l’effet du THC sur le cerveau. Il existe aussi des formes liquides de cannabis synthétique pour le vapotage. Aux États-Unis, on a découvert des traces de mort aux rats dans ces produits. Ils sont jusqu’à cent fois plus puissants que le cannabis et sont à l’origine de morts subites et de séquelles à long-terme.8-9
L’un des effets « positifs » les plus prisés du cannabis est qu’il calme les angoisses (bien qu’en réalité, il ne s’agisse que d’une distraction temporaire de la réalité). Alors, même s’il est important d’avoir des informations claires et précises à partager avec votre adolescent, il est avant tout essentiel de lui enseigner à gérer son anxiété et son stress de manière saine.
- Fischer B., Russell C., Sabioni P., van den Brink W., Le Foll B., Hall W., Rehm J., Room R. (2017): Lower-risk cannabis use guidelines: A comprehensive update of evidence and recommendations. American Journal of Public Health 2017; 107(8). Extrait de https://ajph.aphapublications.org/doi/full/10.2105/AJPH.2017.303818.
- Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, juin 2017 : Cannabis (Sommaire canadien sur la drogue). Extrait de http://www.ccdus.ca/Resource%20Library/CCSA-Canadian-Drug-Summary-Cannabis-2018-fr.pdf
- Santé Canada (2017) : Enquête canadienne sur le cannabis (ECC) de 2017 : Sommaire des résultats. Extrait de https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/medicaments-et-produits-sante/enquete-canadienne-cannabis-2017-sommaire.html
- Riberiro, L. and Ind, P. (2018): Marijuana and the lung: Hysteria or cause for concern? Breathe 2018 ; 14(3): 196-205. Extrait de https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6118880/.
- Jeff Edwards, citation tirée de “The Great Canadian Ganja Experiment – The Science of Cannabis.” Quirks and Quarks. Radio CBC, 12 octobre 2018.
- Cinnamon Bidwell, citation tirée de “The Great Canadian Ganja Experiment – The Science of Cannabis.” Quirks and Quarks. Radio CBC, 12 octobre 2018.
- Rubin, Eugene. “Acute Marijuana-Induced Psychosis May Predict Future Illness.” Psychology Today, 23 janvier 2018, https://www.psychologytoday.com/ca/blog/demystifying-psychiatry/201801/acute-marijuana-induced-psychosis-may-predict-future-illness.
- “What is Spice / K2? Get the facts on synthetic marijuana.” Spice Addiction Support, 8 janvier 2018, https://spiceaddictionsupport.org/what-is-spice/.
- « Vente d’un produit non autorisé contenant des cannabinoïdes synthétiques dans des magasins d’Edmonton » Rappels et avis du Gouvernement du Canada, 24 aout 2018, http://canadiensensante.gc.ca/recall-alert-rappel-avis/hc-sc/2017/64304a-fra.php.
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