Redécouvrir le cœur du mariage à l’âge mûr
Face à la « crise de la cinquantaine » que traversait mon mariage, j’ai commencé à éplucher les couches de malentendus et de souffrance pour comprendre ce qu’il nous était arrivé
Par Linda W. Rooks
J’ai réalisé que s’atteler à surmonter les problèmes de l’âge mûr dans le mariage c’est comme de manger un artichaut.
J’ai réfléchi à la dernière fois où j’avais mangé un artichaut et je me suis souvenue comment j’avais dû gratter la partie filandreuse et amère, pour arriver au meilleur : le cœur. Si j’avais été la première personne à essayer de manger un artichaut, je suis sûre que j’aurais déclaré forfait en arrivant au foin, à la base des feuilles. Mais quelqu’un, il y a longtemps, a persévéré et découvert les délices que les amateurs d’artichauts apprécient aujourd’hui.
Je me suis demandé si la même chose ne serait pas vraie à propos de mon mariage. Si mon mari et moi persévérions au-delà des profondes déceptions que nous avons connues, peut-être découvririons-nous que notre amour est toujours là, caché sous les conflits qui nous avaient petit à petit submergés. Nous avions commencé notre mariage profondément amoureux. Comment en étions-nous arrivés à tant d’amertume ?
Un beau gâchis
Pour nous, l’état désastreux de notre mariage est devenu évident avec la perspective du départ de nos enfants qui avaient grandi. Nous étions persuadés d’avoir fait un bon travail quant à l’éducation de nos enfants et d’avoir navigué avec succès dans les eaux troubles de la crise financière, mais notre chemin vers la « Terre promise » se retrouva soudain barré par les mêmes problèmes que nous avions rencontrés juste après notre mariage.
Je viens d’une famille où l’on exprimait ses opinions ouvertement et quelquefois trop brutalement, tandis que mon mari vient d’une famille où les conflits étaient évités autant que possible. Les disputes entre nous s’achevaient donc généralement sans être réglées et les irritations mineures finirent par devenir des sources de dissensions sérieuses. Des désaccords non résolus étaient soigneusement cachés sous le tapis, ignorés pour un temps, mais ils n’avaient pas disparu pour autant. Le gâchis et l’amertume accumulés, c’est tout ce que nous voyions. Résultat : arrivés au milieu de notre vie, nous nous sommes séparés.
Quand les couples en sont à un point aussi désastreux de leur mariage, il est difficile d’imaginer que puisse persister quoi que ce soit de valeur. Mais heureusement, au lieu de tout jeter, mon mari et moi avons fini par gratter la partie filandreuse et amère. Cela nous a permis de révéler notre relation plus profonde, enfouie au-dessous.
L’âge mûr s’est révélé être le moment de prendre du recul et de regarder nos différends d’un œil nouveau, minutieux et sans concession. Avions-nous commencé à voir l’autre simplement comme un partenaire domestique fonctionnel associé avec nous pour l’éducation, le travail, le linge sale, les tâches ménagères et les décisions quotidiennes ?
Dès le début, mon mari et moi nous considérions comme des « moitiés ». Mais nous nous sommes rendus compte que nous ne regardions pas l’autre comme une personne séparée avec sa propre personnalité, mais comme une sorte d’appendice. Nous présumions que l’autre pensait comme nous, avait les mêmes réactions émotionnelles et pouvait faire part de ses éventuelles inquiétudes. Un des premiers chocs de l’âge mûr dans notre mariage fut la découverte que cela n’était pas vrai.
Enlever les feuilles
À l’issue de nos trois années de séparation, j’ai réalisé que la tendance de mon mari à vouloir faire plaisir était entrée en rébellion. Il ne voulait plus être la bouillie que l’on avale sans effort. Il m’a forcée à m’attaquer à nos différences et j’ai appris à accepter et à apprécier la personne qu’il était. J’avais besoin de comprendre en profondeur ce qui le rendait optimiste, satisfait, irrité, ce qui le décourageait, ce qui faisait ressortir son enthousiasme ou son hostilité. Il avait besoin de faire la même chose en ce qui me concerne. Il a appris à traverser mes épisodes émotionnels sans se mettre automatiquement sur la défensive. Grâce à cela, nous sommes devenus plus patients l’un avec l’autre.
Nous avons appris que les frictions dans le mariage signalent parfois le besoin de plus d’honnêteté – un besoin de mettre les choses sur la table et d’affronter les questions difficiles jusqu’à ce que chacun puisse réellement accepter l’autre, avec toutes ses différences.
Quelquefois, arrivés à cette étape de vie, ce qui nous semblait si clair auparavant devient brouillé et confus. Les choses ne tournent pas toujours comme prévu et les époux peuvent s’accuser l’un l’autre d’être responsables d que leurs rêves ne se sont pas réalisés.
À l’âge mûr, c’est le moment de pardonner, d’abandonner les ressentiments du passé et de reconnaître nos erreurs. C’est le moment de revoir nos priorités, de se fixer de nouveaux objectifs et d’envisager la nouvelle forme que peut prendre la relation.
Trouver le cœur
Au milieu de tout cela, nous devons aussi apprendre à rire de nous-mêmes. Nous attendions-nous vraiment à ce que tout se déroule parfaitement ? Dans un restaurant, mon mari et moi dînions un jour et une télévision antique diffusait un épisode de The Adventures of Ozzie and Harriet (Les aventures d’Ozzie et Harriet). Est-ce que nous pensions vraiment que ces vieilles séries reflétaient la réalité? Pensions-nous être le couple idéal, avec une famille idéale et une vie idéale?
Nos interactions doivent être celles de personnes réelles dans un monde réel. Lequel d’entre nous, dans le monde réel, n’a pas besoin d’un peu de pardon pour nos imperfections ?
L’âge mûr a été pour mon mari et moi-même le moment de nous recentrer et de nous voir de façon plus réaliste. Nous avons appris qu’un mariage doit souvent affronter les douleurs de la croissance afin que chacun puisse accepter et célébrer l’individualité de l’autre.
Oui, tout comme le premier mangeur d’artichaut a dû persister pour découvrir un cœur tendre et savoureux, ceux d’entre nous qui ont un mariage qui a atteint l’âge mûr doivent se frayer un chemin à travers les déceptions, l’ennui, les irritations, les âpres disputes et même une ou deux crises. Quand nous tombons sur la partie filandreuse et amère, ce n’est pas le moment de jeter la relation. C’est le moment de persévérer, de gratter et d’aller plus en profondeur. Ce n’est que quand nous relevons le défi et plongeons la tête la première pour faire le tri dans ce désordre que nous pouvons réussir à retrouver cet amour valorisant, prêt à pardonner, qui mène à la communion de deux âmes.
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