Le courage d’être créatif
Écrit par Jeremy Favreau
J’ai parfois peur de créer. Car pour créer il est nécessaire d’exposer au grand jour les convictions qui m’animent au plus profond de moi-même et ainsi m’exposer aux critiques ou à la désapprobation des autres. Je préfère préserver la paix en étouffant ma créativité pour continuer d’être aimé par le plus grand nombre. C’est un choix qui paraît acceptable lorsqu’on perçoit la créativité comme n’étant rien de plus qu’un passe-temps, ou comme l’occupation d’un petit nombre de personnes plutôt marginales. Mais il y a beaucoup plus en jeu.
Exprimer sa créativité c’est avoir le courage de vivre selon la force de ses convictions dans le but de permettre à Dieu de changer le monde à travers nous. C’est risqué, mais incontournable si nous voulons remplir notre vocation d’êtres humains.
L’importance de la créativité
Pour saisir toute l’importance de la créativité, il faut considérer l’histoire principale qui lègue ce concept au monde occidental : le récit biblique de la création.
Lorsque nous parlons de créativité aujourd’hui, nous pensons le plus souvent aux expressions artistiques telles que la musique, la peinture ou l’écriture. Mais ces formes d’art ne figurent pas directement dans les récits de la création de Genèse 1 et 2. Bien sûr, Dieu parle et les choses existent, le chant de la nature s’intensifie avec l’apparition des nouvelles formes de vie, et de jour en jour le tableau majestueux de la création prend forme. Mais Dieu n’est pas simplement écrivain, musicien ou peintre. Il est Créateur.
L’essence fondamentale de la créativité se trouve dans le fait que du néant quelque chose prend forme. Du chaos, l’ordre émerge. De la stérilité, la vie se manifeste et se multiplie.
À Dieu seul le pouvoir de créer ex nihilo – quelque chose à partir de rien. Mais il est faux de penser que le pouvoir créatif qui nous est légué, à nous êtres humains, se limite à la transformation mineure de ce qui existe déjà. Notre responsabilité et privilège en tant que porteurs de l’image divine nous imbue de la tâche de créer ce qui n’existe pas encore, tout comme Dieu l’a fait au commencement.
Le récit des premiers individus et communautés dans la Bible déborde d’exemples. Adam baptise les animaux qui jusque-là étaient anonymes. Caïn construit la première ville sur la plaine, Jubal invente les premiers instruments musicaux et son frère Jabal devient le premier à élever des troupeaux (Genèse 4). Ces histoires anciennes servent à nous instruire sur notre identité en tant que créatures de Dieu, sur notre vocation et tant que ses représentants sur terre, et sur notre invitation à suivre ses directives. Et elles sont bourrées d’innovations, d’aventures et de découvertes.
C’est intrinsèque à la nature humaine de vouloir explorer, rêver et repousser les limites des conventions qui nous sont imposées par la culture ambiante. Et Dieu nous invite à embrasser avec courage cet élan intérieur qui nous incite à défier les limites que plusieurs s’imaginent mises en place par Lui. Bien au contraire, nous sommes appelés à contribuer de notre façon à l’appel original de Dieu aux êtres humains : de prendre soin de ce monde en tant que jardin de Dieu – un lieu sacré, juste et sain – un lieu de rencontre avec le Créateur dans l’intimité de l’authenticité.
L’évolution de la créativité
L’appel à la créativité est donc la vocation de chaque personne. Nos aptitudes, intérêts et dons sont les outils dont Dieu se sert pour reconstruire ce monde selon son dessein original. Aucun talent ou compétence n’est exclu. Dieu se sert des individus pour innover et créer depuis le début et il le fera jusqu’à la fin.
Il faut aussi considérer que depuis le moment où Dieu a créé ce monde et chargé les êtres humains d’en prendre soin, ce monde est en constante évolution. Certaines périodes furent noires et d’autres bien plus encourageantes, mais l’Esprit Saint qui survole les eaux depuis le départ se sert de la créativité de chaque être humain qui lui offre sa vie en obéissance pour rapprocher ce monde, si peu soit-il, de ce après quoi le cœur de Dieu soupire.
Et vers où cette « évolution » divinement coordonnée se dirige-t-elle ? Non plus vers un jardin de félicité et d’innocence comme Éden, mais plutôt vers une ville grande et glorieuse, au centre de laquelle Dieu lui-même siège en tant que Roi. Une ville à partir de laquelle la guérison pour les nations est dispensée (Apocalypse 21 et 22).
L’histoire du monde selon la foi chrétienne c’est un récit d’espoir, de réconciliation et de guérison. Jésus est l’Alpha et l’Oméga, et à la croix Il a inauguré son royaume qui ne cessera de croître jusqu’à ce qu’il remplisse la terre entière. Et lorsque nous venons à Lui, nous devenons ses co-ouvriers. Le salut qui nous est offert ouvre devant nous toute une gamme de possibilités créatives pour la guérison de ce monde.
Nous ne pouvons plus laisser quoi que ce soit nous empêcher de remplir cette vocation créative qui nous est octroyée par Dieu. Une fois que nous sommes convaincus de notre appel et remplis d’espérance en vue de tout ce que Dieu peut faire à travers nous, nous devons surmonter ce qui se tient entre nous et notre destin.
L’ennemi de la créativité
La crainte de ne pas réussir
Au début de mon article, j’ai confessé la crainte qui étouffe si souvent ma créativité. Chaque fois que j’écris un article, je m’inquiète qu’il ne sera pas bien reçu. J’ai peur de dire trop honnêtement ce que je pense et de me faire des ennemis. Après réflexion, je réalise que cette première crainte est à la source plutôt saine, en autant qu’elle ne m’empêche pas de créer et de partager ouvertement mes créations.
Pouvez-vous vous imaginer un artiste qui crée sans attachement à son œuvre ? Ce qui nous pousse à vénérer certains artistes c’est leur authenticité et la manière dont ils nous révèlent graduellement leur âme dans leurs ouvrages. C’est la même chose qui nous pousse à aimer nos mamans et à ressentir un attachement à des personnes comme Mère Teresa, bien que nous ne les ayons jamais rencontrées. Ces personnes se donnent corps et âme à leur œuvre, qu’il s’agisse de composer une chanson, de sculpter un nouvel être humain ou d’aimer sans exception les individus les plus déformés de la famille humaine.
Mais bien qu’il soit facile d’idéaliser ce que créent ces personnes à distance, il est bien plus difficile de valoriser notre propre influence lorsque nous sommes dans le feu de l’action. Mère Teresa s’est elle-même questionnée sur la valeur de son travail en Inde. Combien plus les mamans et les papas se demandent-ils si leur sacrifice d’amour en vaudra la peine ?
Mais qu’importe que notre investissement soit appréciée sur la scène mondiale ou non, ou que nous suscitions plus de critiques que d’admirateurs, lorsque nous nous engageons avec courage dans la tâche que Dieu nous a confiée, nous participons à créer le monde où la volonté de Dieu peut enfin régner. Notre créativité compte, et à la fin, nous serons heureux d’avoir eu le courage de vivre selon nos convictions.
La crainte de réussir
Parfois c’est le succès qui m’effraie. Je me connais, moi, mes faiblesses et mes imperfections. Je connais les erreurs de mon passé, et bien que je sois une personne nouvelle, je ne suis pas arrivé là où je souhaite me rendre. Je ne vis que par la grâce de Dieu seule à chaque instant. Sans cela, je me retrouverais de nouveau face à terre dans la boue de ma nature brisée.
Qui suis-je pour dire aux autres comment penser à travers les mots que j’écris ? Qui suis-je pour diriger le peuple de Dieu dans des chants d’adoration au Dieu trois fois saint ? Qui suis-je pour enseigner et démontrer à un petit porteur de l’image divine comment être un être humain ?
Lorsque nous devenons directeur d’entreprise, pasteur, auteur publié ou parent et remplissons mille et une autres fonctions dans la vie, nous devenons une autorité. Les gens nous observent et nous imitent. Lorsque nous réalisons l’importance incroyable du pouvoir créatif qui nous a été donné, tout ce que nous faisons revêt une importance nouvelle. Cela peut nous porter à vouloir nous cacher.
Mais il faut nous rappeler que la grâce de Dieu est assez forte pour nous soutenir dans les lumières étincelantes du succès comme dans l’obscurité de la normalité. Pour ne pas suivre les penchants de notre nature déchue, il nous faut rester en permanence en état d’humilité, confessant notre péché et recevant la grâce de Dieu pour avancer. Si nous restons à l’écoute du Saint-Esprit, il est possible de créer et d’être une influence positive pour des millions de personnes sans s’autodétruire.
Quelle que soit la manière dont la crainte cherche à éteindre la flamme créative en vous, résistez-y comme si votre vie en dépend. Parce que c’est précisément le cas. Dieu ne cesse jamais de nous recréer à l’image de son Fils. Il est temps qu’à travers nous Il puisse aussi recréer ce monde à travers la vivante créativité de ses enfants.
Jeremy Favreau est auteur et leader créatif chez Pouvoir de Changer – Étudiants. Passionné des grandes questions, il est toujours prêt à dialoguer sur l’évangile, la culture et leurs innombrables points de rencontre. Lui et son épouse Selene résident à Montréal et sont parents de trois garçons.
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