Dépasser la culpabilité parentale
Lorsque, en tant que parents, nous faisons immanquablement des erreurs, Dieu nous invite à sortir de la culpabilité
Écrit par Dominique Ourlin
On se marie. Les enfants arrivent. Ils grandissent bien plus vite qu’on ne pense et quoi qu’on en pense. Les années passent. On aime regarder de temps en temps les photos qui nous rappellent les bons souvenirs. Les mauvais font plus rarement la une de ces moments de retour vers le passé proche ou plus lointain. Il n’est pas toujours plaisant et aisé de poser un regard objectif sur nos performances en tant que parents.
Réactions excessives, colères mal maîtrisées, promesses non tenues, plus de « non » infligés que nécessaire par impatience ou agacement, trop d’absences à des moments cruciaux et pas assez de moments d’écoute de qualité… Qui n’a pas sa liste d’écarts, d’erreurs et de négligences, consciente ou non, avouée ou pas ?
Rares – et sans doute un peu naïfs – sont ceux qui sont pleinement satisfaits et convaincus d’avoir accompli au mieux leur mission parentale. Il faut dire que le « métier » de parent est sans doute celui auquel on a été le moins formés et préparés. De plus, nos propres parents n’ont pas toujours été le modèle espéré, malgré, sans doute, leur bonne volonté. Mais ne leur jetons pas trop vite la pierre. Il sera plus constructif de s’examiner soi-même que de se comparer aux autres.
C’est ainsi que nombre d’entre nous traînent souvent le boulet d’un sentiment de culpabilité, réelle ou supposée, ou tout au moins de regrets multiples et divers, de torts parfois irréparables.
Mon épouse et moi avons deux enfants dans la trentaine avancée – ce qui vous aide à deviner notre âge. J’ai été pasteur pendant plus de trente ans. Peut-être imaginez-vous donc que tout a été merveilleux et glorieux. Pour le savoir, mieux vaudrait demander… à nos enfants ! Nous sommes fiers d’eux et des adultes qu’ils sont devenus. Nous avons beaucoup de précieux souvenirs que nous chérissons ensemble, mais ni eux ni nous ne sommes dupes. Malgré tout notre amour et toute notre bonne volonté, nous avons souvent été pour le moins… maladroits envers eux. Si je devais me noter moi-même en tant que père, je reprendrais la formule scolaire : « Peut (ou aurait pu) mieux faire. »
Le « problème » avec la vie, c’est qu’on apprend surtout par l’expérience, et que l’on peut rarement revenir en arrière. On apprend sur le tas – et de plus en plus souvent sur le tard !
Quelques-uns de mes faux pas – quels sont les vôtres?
Avec le recul du temps, voici quelques-uns de mes regrets paternels…
- J’aurais aimé amener nos enfants à prendre davantage confiance en eux-mêmes en leur faisant davantage confiance – et plus tôt. Non, je ne crois pas que nous soyons tous appelés à faire de nos enfants des « héros » et des « champions ». Mais chacun doit être encouragé à être le meilleur de lui-même, grâce aux dons et aux capacités que Dieu a investis en lui ou en elle dès sa conception.
- J’aurais voulu être moins craintif et protectif. Bien sûr, les parents sont là pour fixer des bornes, mais pas pour constamment dire « Attention », au risque de paralyser les enfants face à toute situation ou aventure inconnue. Parfois, trop protéger ses enfants, c’est surtout se protéger soi-même des éventuelles conséquences de leurs faux pas qu’il nous faudra assumer pour eux ou avec eux. (S’il se casse une jambe en patinant sur la glace, c’est moi qui vais devoir l’amener à l’hôpital !)
- J’aurais aimé être un meilleur exemple de sérénité face aux situations de crise. Mon attitude et mes réactions face aux problèmes de la vie, petits ou grands, ont forcément marqué mes enfants plus que tous les sermons qu’ils m’ont entendu prêcher.
- J’aurais aimé faire preuve de plus de patience envers eux. Mon impatience a souvent été le reflet du fait que mon esprit était bien plus absorbé par mes responsabilités hors du foyer que par le souci du bien-être et de l’éducation de mes enfants.
- J’aurais aimé toujours tenir promesse. J’ai souvent fait des promesses par amour pour mes enfants, mais par manque de détermination ou de discipline, je me suis souvent laissé déborder et n’ai pas toujours été fidèle à ma parole. Cela laisse des blessures profondes que j’aurais tant voulu épargner à mes chers enfants.
« Si c’était à refaire… » — mais ce n’est pas à refaire
Propos peu utiles, car le passé est ce qu’il est. Il faut accepter le fait que l’on ne peut défaire et refaire le passé. On peut tout au plus faire de son mieux pour le racheter. Se morfondre dans les regrets ne change rien. Puissions-nous plutôt avoir le courage de réagir constructivement pour corriger et réparer ce qui peut l’être.
- Le courage d’écouter les griefs que nos enfants, quel que soit leur âge, peuvent avoir contre nous, qu’ils soient justifiés ou non. Ce sera sans doute à nous, parents, de créer un climat favorable à une telle ouverture, ou de savoir saisir l’occasion à la faveur d’un moment intime avec chacun de nos enfants. Ayons toutefois l’humilité de les laisser s’exprimer – sans bondir pour tenter de nous justifier. Nous ne leur faisons pas une faveur en leur offrant cette opportunité. Nous la leur devons. Si nos enfants ont quitté le nid familial, nous avons peut-être une lettre à leur écrire (pas un courriel ni un texto, s’il vous plaît…).
- Le courage de leur demander pardon là où cela est nécessaire. Mais attention que ce ne soit pas l’occasion d’en « rajouter une couche » en voulant minimiser nos fautes et nos erreurs. (Si tu savais comment j’ai été élevé, tu me comprendrais mieux. Même si c’est peut-être vrai !) Demander pardon, c’est assumer nos fautes et nos lacunes. Ce n’est pas amadouer l’autre pour qu’il s’apitoie sur nous. De plus, on ne peut exiger le pardon – seulement le demander. Gardons-nous de penser que notre enfant devrait être émerveillé et attendri à nous entendre lui demander pardon. Ce ne sera pas forcément le cas. Il lui faudra peut-être du temps pour « digérer » et pour constater par lui-même que notre démarche est sincère.
- Le courage de « laisser du temps au temps ». Une blessure ne se referme bien qu’avec le temps. Osons croire en la grâce – faveur imméritée de Dieu – qui saura être un baume, guérissant et apaisant les cœurs et les colères. Le temps seul ne guérit rien. Mais Dieu, lui, connaît les cœurs et agit avec le temps.
Assumer et dépasser la culpabilité Nous ne pouvons refaire le passé, mais nous pouvons œuvrer à restaurer les relations qui ont pu être blessées ou brisées. Nous ne pouvons rien forcer, mais nous pouvons être présents et « opportunistes » en saisissant les moments favorables pour tenir ce genre de conversation avec nos enfants, sans doute le plus souvent, individuellement.
Et dans tous les cas, puissions-nous garder le contact à tout prix – un coup de fil, un courriel, un texto, etc. Partageons avec eux des paroles et des gestes d’encouragement et d’affirmation, même si l’on n’approuve pas tous leurs choix et opinions. Nos enfants ne sont pas nos clones – Dieu merci !
Quand tout le reste aura été fait, puissions-nous continuer de les aimer et les aimer encore. Inlassablement. Infatigablement. Inconditionnellement.
Puissions-nous aussi ne jamais nous lasser de prier pour eux, de les bénir en demandant à Dieu chaque jour une grâce particulière pour chacun d’eux dans sa réalité présente.
Certitudes rassurantes pour eux comme pour nous…
« On t’appellera réparateur de brèches, restaurateur de sentiers fréquentés[1]. »
Brèches de discorde, disputes, mésententes, ruptures. Sentiers de dialogue, d’échange, d’écoute, de respect. Si nos lacunes ont parfois creusé des brèches entre nous et nos enfants, Dieu est capable de nous rendre aptes à les réparer si nous comptons sur sa grâce et agissons avec grâce et douceur. Il est un Dieu de réconciliation.
« Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ[2]. »
Être chrétien, c’est oser croire au pardon de Dieu envers nous, quelle que soit la somme de nos fautes et de nos manquements. C’est donc refuser de patauger dans le marécage de la culpabilité et de la condamnation, ce qui devient parfois une excuse déguisée pour ne pas se retrousser les manches et réagir en adultes responsables.
« N’aimons pas en paroles et avec la langue, mais en actes et avec vérité… En effet, même si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît tout[3]. »
Si nous travaillons à « réparer les brèches » et à « restaurer les sentiers fréquentés », nous pouvons et devons bannir toute crainte et condamnation. Nous pouvons alors avancer vers l’avenir avec humilité et assurance. C’est le meilleur exemple que nous puissions encore laisser à ces précieux enfants que Dieu nous a confiés.
Dominique Ourlin est pasteur retraité vivant au Québec depuis plus de 19 ans, avec son épouse Candy. Il est aussi l’auteur de deux livres, disponibles sur PainSurLesEaux.com.
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[1] Ésaïe 58.12
[2] Romains 8.1
[3] 1 Jean 3.18-20