Laisser les enfants échouer

En tant que parents, doit-on préserver nos enfants de tout échec ?

Écrit par Chip Ingram

Mon fils avait un projet ambitieux. Il voulait abandonner ses études pour se lancer dans la musique. Pendant toute sa vie, je l’avais poussé à faire ce pour quoi il avait été créé et à accomplir ce que Dieu avait mis sur son cœur. Mais je ne pensais pas qu’il irait jusqu’à abandonner ses études supérieures…

Mais c’était la musique qui le passionnait, et non les études. Et il avait pris sa décision.

Lâcher les rênes

Au début, je n’ai pas su comment réagir. Je suis convaincu que les enfants doivent expérimenter les conséquences de leurs décisions, mais en vieillissant, les enjeux deviennent plus élevés. L’école des coups durs a un programme de plus en plus ardu ; mais comme ses leçons portent leurs fruits, j’ai dit à mon fils que s’il souhaitait cela au point de se lancer, sans attendre de nous le moindre soutien financier, il avait le feu vert.

Après environ six mois, il comprit qu’il est extrêmement difficile de gagner sa vie en jouant dans un orchestre, et il prit une autre décision. Il allait continuer à faire ce dont il rêvait, mais il aurait aussi une solution de repli, et pour cela, il retournerait à l’université. Il s’accrocha donc à sa vision, mais il la contrebalança par une attitude plus réaliste.

J’aurais sans doute pu forcer mon fils à agir ainsi dès le départ, mais cela n’aurait pas changé son cœur. Il aurait continué à attendre fébrilement le jour où il pourrait enfin s’écarter du plan de son père pour sa vie. Au lieu de cela, il a acquis une perspective sur les réalités de la vie qui a transformé son existence.

La décision de faire passer la musique en premier, mais de terminer ses études a été la sienne. Et cette fois, il a été motivé pour bien travailler à l’université.

L’importance de l’échec

Laisser les enfants assumer les conséquences de leurs choix ne devrait pas commencer par une chose aussi essentielle qu’un choix de carrière. Cela doit débuter bien avant.

Quand nos quatre enfants étaient petits, ma femme et moi avons dû souvent nous contraindre à réprimer notre instinct naturel de vouloir résoudre leurs problèmes.

Apprendre le phénomène de cause à effet par le succès et l’échec fait partie d’un processus naturel de maturité. Intervenir risque d’interrompre ce processus. Les enfants ne peuvent pas devenir des adultes responsables sans essuyer quelques échecs.

L’un des moyens par lesquels nous nous sommes servis des échecs pour enseigner la responsabilité à nos enfants a consisté à leur demander de régler eux-mêmes leur réveil et de se lever quand il sonnait. Nous étions fatigués de les tirer du lit chaque matin et de veiller à ce qu’ils prennent leur déjeuner, s’habillent et montent dans le bus. Et nous en avions assez de devoir les conduire en classe en voiture quand ils manquaient le bus.

À un certain âge (vers 11 ou 12 ans chez nous), les enfants devaient être capables d’assumer ces responsabilités. Nous avons donc décrété que quiconque s’attarderait au lit et manquerait le déjeuner ou le bus en subirait les conséquences : faim jusqu’au dîner, retenues après la classe, punitions…

Pourtant, nous mourions d’envie d’intervenir (aucun parent n’aime voir son enfant avoir des ennuis), mais nous avons résisté. Il n’a pas fallu longtemps à nos enfants pour apprendre à se discipliner eux-mêmes chaque matin. À long terme, les petits ennuis que leur avaient causés leurs mauvaises décisions ont été beaucoup moins graves que les bras de fer incessants qui épuisent de nombreuses familles à longueur d’année. Nous n’avons plus eu de disputes permanentes ni de crises de nerfs. Juste des conséquences.

Apprendre à se battre

Nous ne rendons pas service à nos enfants en les préservant et en leur épargnant les conséquences de leurs choix. Les parents qui écrivent un mot au professeur pour expliquer pourquoi leur enfant, une fois de plus, n’a pas terminé ses devoirs apprennent à ce dernier à chercher perpétuellement un traitement de faveur et à se sentir frustré lorsqu’il ne l’obtient pas.

Les parents qui font tout pour que leur enfant ait l’un des rôles principaux dans une pièce, même lorsqu’il ne le mérite pas, le privent ainsi de tirer des leçons salutaires de l’échec et de la déception.

Les enfants dont les parents affrontent la vie à leur place n’apprennent jamais à se mesurer à elle. À l’âge adulte, ils n’ont pas l’assurance d’être capables de se sortir de tout ce qui se mettra en travers de leur chemin.

Pour faire leur chemin dans la vie, nos enfants doivent apprendre à se battre. Il faut qu’ils sachent persévérer pour remporter des victoires de haute lutte et surmonter leur déception en cas d’échec. Ils doivent comprendre qu’ils moissonnent ce qu’ils sèment et que la vie n’est pas toujours juste.

Pour apprendre tout cela, ils seront souvent meurtris et frustrés. Parfois, ils s’infligeront eux-mêmes leurs épreuves, d’autres fois, le monde corrompu s’en chargera. Mais toutes leurs souffrances peuvent devenir une leçon de fermeté qui leur sera utile pendant toute leur vie.

Vos enfants doivent apprendre tôt ou tard ces dures leçons, et le plus tôt sera le mieux. À l’âge adulte, le monde ne passera pas l’éponge sur leurs erreurs et ne mettra pas de pommade sur leurs blessures s’ils sont traités injustement. S’ils ont appris la sagesse et la responsabilité de bonne heure, ils en moissonneront les bénéfices toute leur vie durant.

Le rôle des parents

Les parents n’ont pas pour mission de tout faire pour que leur enfant ait une vie douce ou facile. Notre rôle consiste à mettre des barrières autour d’eux tant qu’ils sont petits pour les empêcher de se blesser, puis à leur donner de plus en plus de liberté au fil du temps et à les aider à devenir ceux que Dieu veut qu’ils soient.

Mon fils, qui avait interrompu ses études supérieures, a fini par décrocher son diplôme. Par la suite, juste après son mariage, il m’a appris qu’il allait partir pour Nashville, dans le Tennessee, afin de réaliser le rêve que le Seigneur avait mis dans son cœur. Sa décision ne m’enchantait guère, mais je lui ai donné ma bénédiction.

Certes, il échouerait peut-être à nouveau, mais je savais que cette fois, ce ne serait pas par naïveté. Son expérience préalable lui avait appris ce qu’il fallait faire pour réussir. Et la seconde fois, il est parvenu à ses fins. Il est aujourd’hui un auteur-compositeur de chants à succès, et il sait affronter de pied ferme les épreuves de la vie.


Chip Ingram est le président de Walk Thru the Bible, une association qui crée et diffuse du matériel pédagogique biblique. © 2007 Focus on the Family. Tous droits réservés. Copyright international assuré. Avec autorisation.