L’humour parental, pas toujours drôle !

Quand nos blagues blessent nos enfants

par Paul Coughlin

Quand j’avais 11 ans, une enseignante a téléphoné à la maison pour annoncer une nouvelle exceptionnelle. Elle a dit à ma mère que j’étais qualifié pour aller dans une classe pour enfants surdoués. Ma mère a répondu : « Lui ?! Il a du mal à trouver ses chaussures le matin ! »

Cette phrase, courte et amusante, fut prononcée dans son charmant accent irlandais il y a presque 30 ans. Pourtant, à chaque fois que j’y pense, je me sens à nouveau mis à nu et humilié.

Tel est l’impact que peut avoir l’humour sarcastique d’un parent, un vice contre lequel je lutte dans l’éducation de mes propres enfants.

Si l’humour était un don spirituel, je serais son apôtre en chef. Cette épée à double tranchant, capable de provoquer le rire aussi bien que de blesser, est présente dans mes gènes. Il m’a fallu de nombreuses années et beaucoup d’introspection pour arriver à cette distinction subtile entre une bonne plaisanterie paternelle et une moquerie camouflée.

Une épée à double tranchant

On trouve les bons et les mauvais côtés de l’humour sarcastique dans la Bible. Le prophète Élisée l’utilisa comme un instrument de vérité quand il se moqua des prêtres de Baal (1 Rois 18.27). Jésus a employé ce puissant outil de rhétorique envers les pharisiens quand il a dit : « Conducteurs d’aveugles ! Qui éliminez le moucheron et qui avalez le chameau » (Matthieu 23.24).

La Bible nous montre aussi le côté sournois du sarcasme avec l’exemple de Caïn qui se justifie lui-même après le meurtre d’Abel :

« L’Éternel dit à Caïn : « Où est ton frère Abel ? »

Il répondit : « Je ne sais pas ; suis-je le gardien de mon frère ? » » (Genèse 4.9)

En étudiant l’humour sarcastique dans la Bible, j’ai constaté que Dieu, son Fils et les prophètes ne l’utilisaient pas contre les faibles, les timides ou les humbles. Ils ne l’employaient jamais pour un enfant. Il était plutôt utilisé contre les gens bornés, pharisaïques ou orgueilleux.

Des fils barbelés camouflés

En revanche, l’humour sarcastique d’un parent reflète souvent une colère non divulguée, de la contrariété ou même de la jalousie. Il donne aux parents un moyen malhonnête de blesser leur enfant sans qu’il n’y paraisse ; plus tard, ils peuvent en effet revenir sur leurs paroles avec la bonne vieille excuse : « Je ne le pensais pas ! Tu n’as pas compris que je plaisantais ? » L’humour sarcastique donne l’avantage aux parents, qui sont beaucoup plus en mesure de l’utiliser que les enfants. Compte tenu de cette inégalité, le sarcasme parental peut être une forme de brutalité.

Je réalise que je suis souvent enclin à utiliser l’humour sarcastique lorsque j’ai peur, que je souffre ou que je suis déçu. Dans ces moments-là, mon humour devient l’expression de mes craintes les plus sombres ou de mes insécurités.

Je ne plaide pas en faveur d’un foyer sans humour, mais les parents doivent apprendre à utiliser la bonne sorte d’humour et d’ironie : celle qui expose une faiblesse sans mépriser ni rabaisser.

Une distinction subtile

Voici un exemple : disons que votre fils aîné est rentré à la maison après le couvre-feu la semaine dernière et que vous lui avez montré grâce et pardon. Puis son plus jeune frère est rentré tard cette semaine et votre fils aîné vous demande de le punir en conséquence. Supposons que vous disiez : « Parce que tu es parfait, toi, Monsieur Hypocrite ? »

Votre sarcasme serait pertinent, mais il serait aussi inutilement sévère. À la place, vous pourriez dire : « Rappelle-moi ce qu’a dit Jésus au sujet d’une poutre dans l’œil de quelqu’un ? » Cette réponse souligne l’ironie de son intention moralisatrice, mais ne le condamne pas.

L’humour sarcastique doit être utilisé avec une grande habileté sinon il blesse les gens. Certains parents, qui n’ont pas cette habileté, ne devraient pas du tout l’utiliser.

Abandonner son humour sarcastique, c’est comme décider d’arrêter la malbouffe. Cela demande un plan d’action. Pour réprimer mon appétit de moquerie, je surveille ma consommation. J’évite les émissions de télévision pleines d’humour moqueur ou irrespectueux et je ne lis pas d’auteurs ni de magazines connus pour leur approche sarcastique de la vie.

Les parents devraient se souvenir que les mots blessants, même s’ils sont prononcés avec le sourire, peuvent laisser une empreinte émotionnelle, spirituelle et psychologique sur l’enfant qui les reçoit. Comme le dit l’expression : c’est drôle seulement si les deux personnes rient.

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