Comment réagir quand un(e) ami(e) vous révèle des tensions dans son mariage ?

Par Catherine Wilson

Tout commence généralement par un simple aveu. Mais cet aveu change tout. Vous êtes tranquillement en train de discuter de tout et de rien avec votre amie autour d’un café lorsque, sans prévenir, elle lance : « Jonathan et moi, on s’est encore disputé hier soir, c’était horrible. »

Soudain, vous n’êtes plus juste en train de bavarder ; votre amie vous parle de sérieux problèmes dans son mariage. Peut-être cherche-t-elle un mouchoir dans son sac ou bien fulmine-t-elle de colère. Et vous, comment vous sentez-vous à cet instant ?

Si vous êtes comme la plupart des gens, vous vous sentez probablement un peu mal à l’aise. Et ce n’est pas seulement parce que vous vous désolez de la détresse de votre amie ou que vous êtes gêné d’entendre des détails personnels de sa vie. Pour la plupart d’entre nous, si nous faisons preuve d’un peu de sagesse, nous ressentons également un sentiment de prudence.

Notre amie n’est pas en train de nous parler d’un enfant capricieux ou d’un patron difficile. Les conflits au sein d’un couple marié représentent une difficulté unique, car ils touchent à quelque chose que Dieu considère comme sacré : l’engagement intime que le couple prend avec Dieu lui-même en tant que témoin et troisième partenaire. Nous intervenons de l’extérieur, il est donc important d’éviter de faire une erreur qui causerait encore plus de souffrance dans ce mariage.

Alors, que dire et quelles erreurs éviter si vous voulez aider votre amie ? Voici quelques conseils pour vous guider.

Ne soyez pas pressé de donner des conseils

Dans une étude américaine sur les conseils échangés entre amis au sujet des relations maritales, Bill Doherty, professeur en sciences sociales de la famille à l’université du Minnesota, a constaté que de nombreuses personnes faisaient des erreurs lorsque leurs amis se tournaient vers eux pour recevoir de l’aide. Un nombre élevé de personnes ont rapporté que les réactions de leurs amis étaient peu aidantes, blessantes, voire nuisibles à leur mariage.

Inquiets de ces résultats, Bill Doherty et sa fille, Elizabeth Doherty Thomas, ont lancé un programme appelé Marital First Responders[1], pour aider ceux qui le souhaitent à éviter les erreurs communes et à offrir une aide constructive à leurs amis ou collègues rencontrant des difficultés conjugales.

La première erreur que font le plus souvent les confidents est de vouloir trop rapidement prodiguer de « sages conseils ». « L’erreur la plus courante que nous rencontrons consiste en conseils prématurés ou trop précis », explique Doherty.

Lorsqu’un ami se confie à nous, nous pouvons nous sentir obligés de lui donner au plus vite de bons conseils, afin de prouver qu’il a eu raison de nous faire confiance. Cependant, la plupart du temps, ce n’est pas ce que la personne recherche. En réalité, des conseils non sollicités sont souvent plus irritants qu’autre chose. Ils donnent l’impression que nous avons des solutions toutes trouvées à des problèmes complexes et douloureux.

La plupart du temps, quand quelqu’un souffre d’un conflit avec son conjoint, il désire simplement être réconforté et encouragé par une tierce personne neutre qui pourra l’écouter et prier pour lui. Nous sommes plus utiles à nos amis lorsque nous nous rappelons que nous ne sommes pas des thérapeutes professionnels et que nous nous concentrons sur ce que les amis font de mieux.

Évaluez les risques

En tant que bons amis et confidents, notre première responsabilité est d’évaluer la situation. Cela signifie écouter avec attention pour relever s’il y a des indices suggérant que, soit la personne, soit son conjoint ou leur mariage est en danger immédiat.

Au cours de ses sessions de formation, Doherty enseigne à se montrer attentif aux indices pointant vers ces trois problèmes :

  • Une situation d’abus (physique, émotionnel ou sexuel)
  • Un adultère (incluant les aventures amoureuses émotionnelles)
  • Un problème d’addiction

Il est également important de chercher les signes de :

  • Possibilité d’un divorce
  • Pensées suicidaires

Si vous soupçonnez que votre ami fait face à l’une de ces situations, ne cherchez pas à l’aider par vous-même : il ou elle a immédiatement besoin de soutien professionnel.

Rappelez-vous aussi que comprendre ce que votre ami est en train de penser est tout aussi important que de suivre les événements qu’il vous rapporte. Il est possible que votre ami soit dans le déni, confus ou qu’il ne comprenne pas complètement la gravité de la situation. Les amis sont là pour les aider à trouver l’aide dont ils ont besoin. Lorsque cela est nécessaire, il faut convaincre avec douceur nos amis de leurs besoins. Ne soyez donc pas surpris si votre ami minimise sa situation en faisant des commentaires tels que :

  • « Si j’avais fait en sorte que les enfants soient prêts à l’heure, il ne se serait pas mis en colère comme ça. C’est ma faute. »
  • « C’est juste une bonne amie. Elle m’aide à mieux comprendre ma femme. »
  • « Ce n’est pas si grave que ça. J’ai juste besoin d’un verre de vin de temps en temps pour me détendre. »

Évaluez le caractère approprié ou non des informations divulguées

Parfois, ce que nous pouvons faire de mieux pour un ami est de mettre un frein à ce qu’il vous partage concernant sa femme ou son mari. Qui n’a jamais dérapé et partagé de manière un peu trop intime des informations concernant son conjoint ?

Cela peut vous aider de vous demander d’emblée : Mon ami(e) a-t-elle réellement besoin d’exprimer ses frustrations ou son mariage se porterait-il mieux si je lui rappelle de ne pas violer la confiance de son conjoint ?

Dans leur livre Oui, votre mariage peut être sauvé[2], Joe et Michelle Williams préviennent que les informations hautement personnelles concernant un conjoint ne devraient pas être divulguées à un ami sans avoir d’abord obtenu la permission du conjoint. Ils nous invitent à faire particulièrement attention aux informations concernant :

  • Les problèmes sexuels
  • Les difficultés personnelles que vous a confiées votre époux(se) en privé et que seuls vous deux connaissez (sauf en cas de maltraitance ou d’activités illégales, bien entendu)
  • Les traumatismes d’enfance ou historique d’abus que votre conjoint n’a pas partagés publiquement
  • Les péchés passés que votre conjoint vous a confessés et pour lesquels il s’est repenti
  • Les peurs de votre conjoint et ses vulnérabilités telles que : la peur du rejet, de l’échec, ses pensées secrètes, etc.
  • Tout ce que votre conjoint a partagé pendant des séances de thérapie de couple
  • Les commentaires négatifs sur d’autres personnes, en particulier des membres de la famille, dont votre conjoint vous a fait part en privé.

Ne prenez pas parti

Les thérapeutes sont formés à rester objectifs lorsqu’ils entendent les plaintes d’un époux à l’encontre de l’autre. Quant à nous, en tant qu’amis pleins d’empathie, qui ne bénéficions pas d’une telle formation, il peut être particulièrement difficile de rester neutre face à la détresse d’une personne proche qui se confie à nous. Cependant, il est essentiel de savoir rester objectif.

Notre rôle est de soutenir notre proche en soutenant son mariage. Nous ne sommes pas appelés à démêler qui a raison et qui a tort. Nous n’entendons qu’une version de l’histoire et, qui plus est, notre ami(e) choisit ce qu’il ou elle veut bien nous révéler.

« En essayant de faire preuve de sympathie envers notre ami, nous pouvons facilement glisser vers des remarques négatives concernant son conjoint et commencer à prendre parti », prévient Wendy Kittlitz, thérapeute chez Focus on the Family Canada. « Nous pouvons nous exclamer : ‘Comment a-t-il pu dire ça ? Quel idiot !’ Plutôt que d’aider, ces remarques jettent de l’huile sur le feu et renforcent les sentiments négatifs de la personne envers son conjoint. Cela peut être très nocif. »

Au sein de la famille, nous avons souvent le besoin instinctif de consoler et de protéger un fils, une fille, une sœur ou un frère blessé en se positionnant contre leur conjoint. Cependant, lorsque l’un des époux se sent rejeté et dénigré, cela rajoute aux obstacles sur le chemin de la réconciliation. Il est aussi important de se rappeler que même la personne que vous cherchez à soutenir peut se sentir profondément insultée par une attitude négative à l’égard de son conjoint. Le commentaire d’une amie est particulièrement parlant sur ce sujet :

« Cela fait des années que je suis divorcée, mais ma mère continue à critiquer mon ex. C’est quelque chose qui me blesse parce que, d’une certaine manière, elle critique le choix que j’ai fait d’épouser cette personne et elle critique le père de mes enfants. »

Quand Jésus a dit : « Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni, » il n’a pas donné d’exceptions à la famille proche.

Faites preuve d’empathie

Faire preuve d’empathie est une excellente manière d’aider un ami sans pour autant mettre son mariage en péril. « Répéter à une autre personne nos griefs contre notre époux a pour conséquence de les amplifier dans notre esprit, explique Kittlitz. Un bon ami n’insiste pas sur ces plaintes, mais cherche à calmer la situation. Une bonne manière d’y arriver est de faire preuve d’empathie. »

Pour cela, le mieux est de concentrer la discussion sur ce que ressent votre ami plutôt que sur son conjoint et ses défauts. Si vous utilisez souvent les mots « je » et « tu », c’est un indice que vous êtes dans la bonne direction. Vous pouvez dire par exemple :

  • « Je suis désolé que tu traverses une situation aussi douloureuse. »
  • « Je suppose que tu dois te sentir vraiment confus en ce moment. »
  • « J’ai l’impression que tu es particulièrement blessé et déçu. Je pense que je le serais aussi à ta place. »

Cherchez à discerner les sentiments plus subtils qui se cachent derrière les émotions fortes comme la colère, conseille Doherty. « Il y a presque toujours des sentiments plus profonds sous la colère, telles que la peur, la tristesse ou l’insécurité. Nous avons souvent tendance à nous protéger derrière des émotions fortes, alors que ce sont les ressentis derrière ces émotions qui peuvent aider à apporter plus de clarté et à avancer vers la guérison. »

Lorsque la souffrance a été reconnue et validée, le calme peut généralement revenir petit à petit. Ainsi, on arrive à y voir plus clair, ce qui, le plus souvent, nous aide à constater que les époux ont tous deux contribué au problème.

Quand cela est possible, offrez une perspective différente

Souvent, un bon ami et confident, qui connaît bien le couple, peut apporter vie et espoir en offrant à son ami une perspective plus équilibrée de la situation.

Contrairement à des conseils, offrir une perspective différente n’a rien de directif. C’est une approche beaucoup plus délicate, où l’on attend que la personne blessée se soit sentie entendue et comprise avant de suggérer doucement une vision plus positive de la situation.

Voici quelques exemples pour vous aider à arrêter le fil de pensées négatives de votre ami concernant :

  • Les motivations ou la personnalité de son conjoint :
    • « Je ne suis pas sûr qu’il ait intentionnellement voulu te faire du mal en agissant ainsi. Qu’en penses-tu ? »
    • « Jonathan est un homme complexe. Y’a-t-il des peurs ou des facteurs de stress cachés qui, selon toi, pourraient expliquer son attitude ? »
    • « J’entends bien quand tu me dis qu’il ne sait pas gérer l’argent – tu en sais bien plus que moi sur le sujet – mais il y a beaucoup d’autres choses qu’il fait très bien et dont tu peux être fière. J’ai toujours admiré le temps qu’il vous consacre, aux enfants et à toi. C’est vraiment quelqu’un qui aime sa famille. »
  • Des difficultés qui sont communes à beaucoup de couples et souvent temporaires :
    • « J’ai entendu de nombreux couples se plaindre du fait qu’avoir des enfants en bas âge laisse moins de temps et d’énergie pour une vie sexuelle épanouie. Mais ça va aller mieux avec le temps. »
    • « Je pense que la crise de milieu de vie n’est pas un mythe. Je connais plusieurs couples qui ont vécu de vraies difficultés à ce stade-là de la vie. Beaucoup d’entre eux me disent que la seconde partie de leur mariage est encore mieux. »

La prochaine fois que vous êtes face à une amie en détresse, vous aurez peut-être l’impression de ne pas avoir grand-chose à offrir si ce n’est votre empathie. Ne sous-estimez pas la valeur pour votre ami de se sentir entendu et compris et de savoir qu’il a un ami sincère qui se préoccupe de lui et de son mariage.

© 2020 Focus on the Family (Canada) Association. Tous droits réservés.

[1] Pour l’instant, ce programme n’existe qu’en anglais, mais vous pouvez en apprendre plus en vous rendant sur Maritalfirstresponders.com.

[2] Livre en anglais intitulé Yes, Your Marriage Can Be Saved