Comment aborder le sujet de la pornographie avec vos enfants
Écrit par Catherine Wilson
Cet article est le premier de la série. Pour lire la suite, Équiper votre enfant pour résister à la pornographie, rendez-vous ici.
Si votre enfant avait de gros ennuis, il se tournerait vers vous pour demander de l’aide, n’est-ce pas ? Mais serait-ce le cas s’il s’agissait de quelque chose dont il ne pouvait vraiment pas vous parler ?
Joseph D, adolescent originaire du Manitoba, sait ce que signifie vivre un tel niveau de stress. À l’âge de seulement neuf ans, Joseph devint dépendant à la pornographie en ligne. Il fut incapable d’en parler avec ses parents pendant des années.
Son histoire est rapportée dans le documentaire Over18, produit par Jared et Michelle Brock.
Joseph raconte : « Quand tu es pris dedans, c’est impossible d’en parler. Et plus tu gardes le secret, plus cela devient difficile de le dire à quelqu’un. »
Joseph a pourtant des parents aimants, qui le soutiennent. Alors pourquoi se cacher ? Pourquoi est-il si difficile pour un enfant dans cette situation de demander de l’aide ?
Pour répondre à ces questions, il faut d’abord comprendre ce que voient réellement les enfants quand ils tombent sur des images pornographiques en ligne. On ne parle plus d’hommes ou de femmes plus ou moins dénudés adoptant des poses lascives. Aujourd’hui, un enfant qui navigue tranquillement sur internet ou qui joue à un jeu en ligne n’a qu’à cliquer sur un lien intriguant ou un mot inconnu pour se retrouver face à un contenu sexuellement très explicite et parfois violent. Le tout, gratuitement et sans grandes restrictions. Alors, sans même le vouloir, les enfants sont projetés dans les sombres allées de l’internet, remplies d’images et de vidéos où l’on peut voir des scènes d’orgie ou des femmes se faire frapper, violer, etc. Des vidéos où les thèmes de la domination masculine, du sadomasochisme ou de l’inceste sont monnaie courante.
Pour un enfant, verbaliser et pouvoir décrire de telles images quand il ne les a aperçues qu’une seule fois est déjà bien difficile. Alors comment un jeune, pris dans une dépendance à la pornographie, pourrait-il en parler ouvertement et mettre des mots sur le besoin qu’il éprouve de retourner en visionner davantage?
Même les filles, qui n’ont pas nécessairement été exposées à la pornographie, en vivent les conséquences nocives sur leur image et sur leur vie sociale. Là encore, le sujet n’est pas simple à aborder avec les parents. Comment expliquer ce qu’elles ressentent en étant confrontées quotidiennement à des garçons dont le comportement envers les femmes est modelé par la pornographie ? Comment glisser dans la conversation autour du repas : « Au fait maman, tu savais que les garçons de mon école classent les filles en fonction de ce qu’elles acceptent de faire sexuellement ? Une fille est soit ‘zéro sexe’, ‘sexe oral’, ‘vrai sexe’ ou ‘sexe brutal’. »
Si nous, parents, ne prenons pas l’initiative d’ouvrir le dialogue sur la pornographie, nos enfants seront laissés seuls pour se battre contre ses conséquences néfastes. Il est temps d’arrêter de penser que nos enfants ne sont pas concernés par ce problème, et de commencer à leur donner les moyens de résister à ce piège terrible. Michelle Brock met en avant l’urgence de la situation : « La majorité de vos enfants verront de la pornographie avant l’âge de 18 ans. Il faut que les parents prennent un peu de temps pour renoncer à l’idée que leurs enfants échapperont à l’omniprésence de la pornographie, qu’ils fassent leur deuil. Ensuite, ils doivent se mettre à combattre. »
Tout d’abord, pour bien se préparer, il nous faut comprendre la puissance de ce à quoi nous nous attaquons. Les enfants ne glissent pas vers la pornographie parce qu’ils sont plus dépravés que d’autres. Des enfants très biens se font entraîner dans la pornographie parce qu’elle est extrêmement addictive. Elle l’est d’autant plus pour les enfants, dont le cerveau est encore immature et donc particulièrement vulnérable. Très peu d’enfants ou d’adolescents pris dans une dépendance à la pornographie pourront s’en sortir seuls, sans un soutien solide, sans l’empathie profonde et l’encadrement constant de leurs parents.
« Lorsque quelqu’un regarde de la pornographie, son cerveau reçoit un pic de 200% de dopamine au niveau du circuit de récompense, une partie du cerveau appelée nucleus accumbens, explique Michelle. Cela fait le même effet que de prendre de la morphine. Quand le cerveau d’un enfant reçoit une telle quantité de dopamine, son lobe frontal n’est pas encore suffisamment développé pour y faire face. Le lobe frontal est la partie du cerveau qui nous permet de nous projeter dans l’avenir et de réfléchir aux conséquences de nos actes. Cette zone n’est complètement développée que vers l’âge de 20 ans chez les garçons. Ainsi, lorsqu’un enfant de 10 ans est exposé à des images pornographiques et reçoit cette énorme dose de dopamine, il n’est pas équipé pour comprendre ce qui lui arrive. Cela peut mener à des années de dépendance, contre laquelle il ne saura pas lutter. »
Préparez-vous pour ces conversations et attendez-vous à l’inattendu
Nul ne peut prétendre que lancer une conversation sur ce sujet est simple à faire. Cependant, il est important d’essayer de rendre ce dialogue aussi facile que possible pour votre enfant.
Quoique votre enfant vous révèle, il est essentiel que vous gardiez votre calme et que vous puissiez vous montrer compréhensif et à l’écoute. Votre enfant, garçon ou fille, doit savoir qu’il peut réellement vous parler de tout et que vous n’allez pas vous énerver, paniquer ou les couvrir de honte.
C’est pour cela qu’il faut bien se préparer. Vous pouvez commencer par prier avec l’aide de Luc 8.17. Demandez à Dieu de faire venir à la lumière tout ce qui est caché et de vous remplir de son Esprit de sagesse pour répondre à votre enfant. Soyez encouragés par le conseil de John Stonestreet, qui affirmait lors d’un récent passage dans l’émission de radio de Focus on the Family : « Il est parfois bien mieux de voir un péché profondément enfoui venir à la lumière du jour, même si c’est douloureux pour un parent de le découvrir dans la vie de son enfant, plutôt que de garder le secret. »
Une fois que vous avez prié, imaginez tous les scénarios possibles devant un miroir. Entrainez-vous à garder un visage calme et à gérer vos émotions sans les montrer, même lorsque vous imaginez que votre enfant vous fait les pires révélations : qu’il a effectivement vu de la pornographie ; que c’est une personne à laquelle vous n’auriez jamais pensé qui le lui a montré ; qu’il en est un consommateur régulier, …
Même si cela peut vous paraitre étrange et gênant, ce type de préparation est important. Si votre enfant a réellement un lourd secret à partager, il (ou elle) aura déjà passé beaucoup de temps à s’inquiéter de votre réaction. Vous pouvez être certain qu’il sera très sensible à votre réaction. Si vous exprimez de la surprise ou montrez que vous êtes choqué, votre enfant peut interpréter votre expression comme étant de la déception ou du dégout. Que cela soit réel ou imaginé, cela aura un effet dévastateur.
Que dire ?
L’un des plus grands obstacles pour de nombreux parents est de trouver une manière naturelle de lancer la conversation sur ce sujet. Nous espérons que les scripts qui suivent vous aideront à trouver une approche qui soit relativement confortable pour vous.
À cause de l’inconfort qu’on ressent à aborder ce sujet, il se peut que vous soyez tenté d’en faire une longue conversation difficile pour ne plus jamais à avoir à en parler, mais ce n’est vraiment pas l’idéal. Si votre enfant a beaucoup de questions à poser et souhaite vous parler pendant une heure, c’est merveilleux. Cependant, pour la plupart des enfants, une discussion de départ de 5 à 10 minutes est ce qu’il y a de mieux. Votre but est simplement d’amener votre enfant dans la première conversation d‘une longue série concernant la pornographie et les autres aspects de sa sexualité émergente. Essayez de rendre cette expérience suffisamment confortable pour lui afin qu’il accepte de continuer ce dialogue.
- Introduire le sujet de la pornographie avec un jeune enfant :
Après avoir parcouru internet sur votre téléphone ou sur votre ordinateur en présence de votre enfant, vous pourriez ouvrir la discussion en constatant simplement à voix haute : « Certaines personnes font vraiment de mauvais choix quant aux images qu’ils mettent en ligne. » Puis vous pouvez poser la question :
« As-tu déjà vu des photos sur un ordinateur ou un téléphone qui t’ont mis mal à l’aise ? »
Si nécessaire, vous pouvez ajouter : « comme des hommes et des femmes tout nus ? »
Laissez votre enfant vous décrire ce qu’il a vu, s’il a quelque chose à répondre. Explorez avec lui en douceur quand et où il a vu de telles images, et si quelqu’un était avec lui à ce moment-là (pour savoir si quelqu’un lui a délibérément montré ces images).
Vous pouvez poursuivre ainsi :
« Je suis triste de devoir te dire ça, mais il y a des gens qui ne comprennent pas qu’ils sont censés garder leurs parties intimes cachées sous leurs vêtements. Alors parfois, il se peut que tu tombes sans le vouloir sur des images de leurs parties intimes. »
« Voir des films ou des photos de choses privées qu’on n’est pas censé voir, ça peut susciter des sentiments désagréables. Ces images peuvent te faire peur, te contrarier ou t’inquiéter. S’il t’arrive de voir une image comme celle-là, je veux que tu viennes m’en parler tout de suite, d’accord ? Je peux t’aider à gérer ces sentiments désagréables que tu pourrais ressentir. Et puis si tu as des questions sur ce que tu as vu, je pourrai y répondre. »
- Introduire le sujet de la pornographie avec un adolescent :
Si c’est avec votre fils que vous entamez cette conversation, rappelez-vous que les garçons (et les hommes) sont souvent moins à l’aise dans les discussions en face à face, qu’ils ont tendance à vivre comme des confrontations. Cherchez plutôt une activité que vous pouvez partager côte à côte et au cours de laquelle vous pourrez lancer la conversation. Vous pourriez par exemple commencer par:
« Tôt ou tard, tu vas voir passer des images pornographiques sur ton ordinateur ou ailleurs. Je veux m’assurer que tu aies les réponses qu’il te faut pour savoir comment réagir dans ces moments-là. »
« T’est-il déjà arrivé de voir des images à caractère sexuel particulièrement intenses sur internet ou ailleurs ? Des images que tu as du mal à oublier ? »
Essayez de vous faire une idée de ce qu’a vu votre enfant, où, quand, et si une autre personne les y a incités.
Si votre enfant vous répond qu’il n’a jamais vu de pornographie, montrez-vous prudent face à cette réponse. Cela peut tout à fait être vrai. Mais s’il rougit, qu’il est clairement mal à l’aise, cela peut vouloir dire qu’il a vu de la pornographie, mais qu’il n’est pas encore prêt à vous en parler. Quoi qu’il en soit, votre réponse devrait être la même : vous montrer ouvert et encourageant et construire une relation de confiance avec votre enfant pour qu‘à l’avenir, il puisse revenir vers vous pour vous dire tout ce qu’il a à vous dire. Vous pouvez par exemple répondre :
« Merci d’avoir accepté d’en parler avec moi. À ton âge, il est naturel d’être curieux au sujet de la sexualité et des rapports entre hommes et femmes. Mais je ne voudrais pas que tu ailles chercher des réponses sur internet parce qu’on y trouve toutes sortes d’informations fausses qui t’apporteront plus de confusion qu’autre chose. Il y a aussi beaucoup d’images choquantes et là, il s’agit de pornographie. Alors, quand tu auras des questions, je veux que tu saches que tu peux venir m’en parler et que j’y répondrai, quelles qu’elles soient. »
Si votre enfant vous confirme qu’il a déjà vu des images pornographiques, vous pouvez lui répondre :
« Merci beaucoup de ton honnêteté. Je sais que ça demande du courage pour parler de ça. À ton âge, il est naturel d’être curieux en ce qui concerne la sexualité et les rapports entre hommes et femmes. Mais je dois te prévenir que regarder de la pornographie est dangereux. Cela peut vraiment te prendre au piège et devenir une habitude dont tu n’arrives plus à te débarrasser. Beaucoup de gens très bien se retrouvent en difficulté à cause de ça.
Alors vraiment, je te prie de continuer à être ouvert et honnête avec moi sur ce sujet parce que c’est important : combien de fois estimes-tu avoir regardé de la pornographie ? As-tu l’impression d’avoir du mal à ne pas en regarder ? »
Si, lorsque votre enfant vous révèle qu’il a déjà vu de la pornographie, vous vous sentez envahi par le chagrin ou la colère, c’est peut-être mieux de remettre la suite de la conversation à plus tard :
« Merci de ton honnêteté. Je sais que ça prend du courage pour parler de ça. Je ne suis pas en colère contre toi et ça ne change en rien mon image de toi. Je suis juste très contrarié de ne pas avoir pensé plus tôt à te parler de ce problème pour te prévenir et t’aider. Tu n’aurais jamais dû avoir à faire face à cela tout seul. Je veux vraiment être là pour t’aider et en parler avec toi, mais je dois d’abord prendre un peu de temps pour me calmer. D’accord ? »
Quatre problèmes liés à la pornographie, que les adolescents doivent comprendre
Il est à espérer qu’avec le temps, votre enfant et vous deviendrez de plus en plus à l’aise dans ces courtes conversations au cours desquelles vous pourrez répondre à ses questions et l’aider à comprendre en quoi la pornographie est destructrice. Voici quelques-uns des sujets que vous pourrez aborder ; présentés de manière simple, avec un langage adapté, ils vous aideront à transmettre des informations essentielles à votre enfant :
1. Le porno ce n’est pas la vraie vie, c’est du fantasme
La pornographie est faite par des acteurs qui mettent en scène une image fausse et très déformée de la réalité physique du sexe. Leur but est de gagner de l’argent en vendant ces images ou ces films. Ils sont donc intentionnellement dans la surenchère.
Certaines scènes qu’ils tournent peuvent se révéler très dangereuses ou nocives pour le corps humain. La plupart des vrais couples ne penseraient même pas à adopter de telles pratiques.
Malheureusement, parce que c’est la seule image qu’ils ont de la sexualité, de nombreux jeunes pensent que ce qu’ils voient dans les films pornos est un comportement sexuel normal entre un homme et une femme. La plupart des comportements qu’on y voit sont loin d’être normaux, d’où l’importance de parler de sexualité en général avec vos enfants dès que possible pour leur donner une image saine d’eux-mêmes, de leur corps et du sexe. (A lire sur ce sujet: article, livret PDF à télécharger).
2. La pornographie est hautement addictive
Quand quelqu’un voit de la pornographie pour la première fois, il a souvent une réaction très forte qui le marque profondément. Cela est dû à un pic de substances chimiques libérées dans le cerveau. Les sensations provoquées sont si puissantes que cela pousse beaucoup de gens à vouloir en voir davantage pour pouvoir ressentir la même chose à nouveau. Très vite, ils se retrouvent en difficulté parce qu’ils ne peuvent pas s’empêcher de vouloir regarder de la pornographie. Cela devient également de plus en plus difficile de demander de l’aide.
Plus une personne est sous l’influence de sa dépendance à la pornographie, moins il y a de place à la joie dans leur vie. Rapidement, même ce qu’ils aimaient auparavant leur parait ennuyeux et vide. Ils ne pensent plus qu’à la pornographie.
3. La pornographie nous enseigne l’égoïsme plutôt que l’amour
Tout le monde a des besoins qui dépassent l’aspect physique de la sexualité. Nous avons aussi besoin d’une expérience émotionnelle profonde liée au fait d’être aimé et respecté par son partenaire sexuel. La pornographie ne montre en rien cet amour envers l’autre. C’est souvent même le contraire. Elle enseigne aux gens à se montrer égoïstes et à ne pas prendre en compte les besoins de leur partenaire. Au fil du temps, cela déforme leur manière de penser, jusqu’à perdre de vue ce qu’est une relation homme-femme aimante et saine.
Le porno vend une expérience sexuelle vide et solitaire. Les autres personnes impliquées sont des acteurs sur un écran. Il n’y a pas de relation réelle avec quelqu’un d’autre et encore moins de l’amour.
Au contraire de l’égoïsme que montre la pornographie, Dieu veut nous enseigner à aimer, à servir et à respecter notre partenaire. Voilà les caractéristiques qui peuvent nous permettre d’avoir des amitiés profondes qui nous comblent et un mariage réussi. Pour les personnes mariées, le don de Dieu qu’est le sexe est merveilleux. Il revêt une signification profonde et remplie de joie. Cela leur rappelle qu’ils construisent leur vie aux côtés de quelqu’un qu’ils aiment et qui les aime en retour.
4. La pornographie encourage les hommes à maltraiter les femmes
Il faut souligner que la pornographie met souvent en scène des femmes qui sont maltraitées, voire même blessées. De manière générale, elles ne sont pas du tout respectées. De nombreux hommes qui regardent ces films finissent par croire qu’il est acceptable de traiter les femmes qui sont autour d’eux de la même manière. Ils peuvent devenir irrespectueux envers leurs sœurs, mère, copine ou épouse. Certains garçons font pression sur leur copine pour avoir des relations sexuelles ou faire des choses qu’elles n’ont pas envie de faire. Il n’est jamais acceptable de manquer de respect à une femme de cette manière, jamais! Personne ne veut être maltraité et dévalorisé de la sorte.
En réalité, c’est terrible de penser aux actrices pornos. Ce sont de vraies femmes, les filles et les sœurs de quelqu’un, et elles sont effectivement maltraitées pour le tournage de ces images. Beaucoup d’entre elles finissent par avoir de sérieux problèmes de santé. Plus l’industrie du porno se développe et plus les jeunes filles attirées vers ce secteur sont nombreuses. Elles ne comprennent pas forcément ce dans quoi elles s’embarquent et les choses qu’on va leur demander de faire.
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