Apprendre à gérer le sentiment de deuil
Par Vicki Hooper
Le deuil. À la mention même de ce mot j’ai un nœud à l’estomac, le cœur qui se serre et je cherche immédiatement une échappatoire. La plupart d’entre nous réagissent ainsi. Ces derniers mois de pandémie nous ont pourtant obligés à tous faire face à des pertes d’une façon ou d’une autre.
Nous avons vécu le deuil sous différentes formes : la perte d’un emploi, une perte financière, la perte d’une partie de nos libertés, les changements relationnels (honnêtement, avec Zoom ce n’est pas pareil), la perte de notre routine, de ce qui est confortable et prévisible, et malheureusement, certains d’entre nous ont dû traverser la perte d’un être aimé, avec en plus, l’impossibilité de se rassembler dans le deuil.
Je dois avouer que je n’ai jamais aimé les sentiments liés au deuil. Enfant, je me souviens de la douleur ressentie lorsque j’ai dû dire au revoir à mes amis quand nous avons déménagé. J’ai également beaucoup pleuré lorsque notre chien est mort. Je me souviens encore de la souffrance que j’ai ressentie lorsque j’ai compris que l’ambulance devant la maison de mes grands-parents signifiait que mon grand-père était décédé brutalement. J’ai ressenti le vide lié à la perte d’un être si important pour moi. En tant qu’adulte, je ne compte plus les fois où nous avons déménagé, laissant derrière nous église, famille, amis, notre maison et tout ce qui nous était familier.
Cette vie semble être parsemée de deuils à faire, par exemple lorsque l’on change d’école ou d’amis ou qu’on fait face à des problèmes de santé, lorsque les enfants quittent la maison, à la fin de nos études, quand on change de travail, qu’on laisse certains rêves derrière nous, qu’on vieillit et qu’on perd en autonomie, lorsqu’on traverse des crises ou des catastrophes naturelles, etc., pour n’en nommer que quelques-uns.
Trop souvent, j’ai vécu la perte comme un frein à la joie, comme quelque chose à surpasser rapidement ou à laisser derrière moi. Pete Scazzero, auteur de Les chemins d’une spiritualité émotionnellement saine, parle d’une « société deuillo-phobique ». Nous méprisons la souffrance, et souvent sans le savoir, nous faisons tout pour l’éviter, comme si notre vie en dépendait. Ce que j’ai cependant fini par comprendre, c’est qu’à travers le deuil, Dieu peut faire en moi une de ses œuvres les plus profondes.
L’antidote à la douleur de la perte, c’est le processus de deuil. Dieu a prévu des chemins de guérison, mais trop souvent, plutôt que d’accepter le deuil, nous avons appris à éviter la souffrance en passant des heures devant Netflix, en recherchant le confort dans la nourriture ou juste en remplissant à fond notre emploi du temps. Pour certains, quand la douleur est trop forte, ils recourent à des substances pharmaceutiques ou autre. Tout cela peut nous amener un répit temporaire, mais pas guérir notre cœur blessé. Au contraire, nous restons coincés dans notre tristesse. Un chagrin dont on ne fait pas le deuil ne fait qu’augmenter la douleur lorsqu’une nouvelle perte se présente.
Alors comment pouvons-nous traverser cette peine et le deuil de manière saine, sans nous voiler la face ? Tout en exprimant mon plus profond respect pour les deuils que vous vivez, je me permets de vous donner ces quelques conseils :
- Reconnaissez la perte que vous avez subie et les sentiments qui y sont associés. Quelle que soit le deuil auquel vous faites face, qu’il s’agisse d’un emploi ou d’un être cher, la douleur est profonde. Le chagrin, la déception, l’isolement, le désespoir, le regret, la tristesse, le sentiment d’échec ou la peur font désormais partie de votre vie. Plutôt que de les ignorer, d’essayer de les étouffer ou de s’en débarrasser, je vous invite à accueillir ces sentiments et à les nommer. « Je me sens… » Comme un petit trou dans un ballon rempli d’air, le fait de reconnaître une émotion peut aider à faire baisser la tension.
- Concentrez-vous sur la vérité. Lorsque vous sentez que le désespoir s’installe, rappelez-vous de la vérité des faits : Je ne sais pas à quoi va ressembler la vie dorénavant, mais ce n’est pas la fin. Il s’agit d’une saison à travers. J’ai surmonté d’autres obstacles dans la vie et je sais que des jours meilleurs viendront. Mon cœur va guérir et la joie reviendra. Puis prenez le temps de vous tourner vers la Vérité avec un grand « V ». Voici ce que Dieu a à me dire : Dieu est avec moi et il ne m’abandonnera pas (Deutéronome 31.6). Il m’aime et son amour est inébranlable (1 Jean 4.15 ; Romains 8.37-39). Il est celui qui me guérit et qui me donne ce dont j’ai besoin (Psaume 6.3 ; Psaume 103). Il promet de prendre soin de moi (Philippiens 4.19).
- Prenez soin de vous. C’est un point difficile lorsque la tristesse menace de nous envahir, mais laissez-moi vous encourager à vous arrêter et prendre le temps de réfléchir à des manières de prendre soin de votre santé, aussi bien sur le plan physique, émotionnel, spirituel que mental. Allez marcher. Laissez vos émotions s’exprimer par des larmes ou par des mots. Passez du temps avec Dieu, dans sa Parole et en prière. Soyez conscient de ce qui se trame dans vos pensées et travaillez intentionnellement à passer de pensées négatives à des pensées positives. En prenant soin de moi, je deviens plus apte à être là pour les autres.
- Pensez à bien vous entourer. Quand on traverse un deuil, il est tentant de s’isoler. Passez du temps avec les autres. Si vous avez perdu votre travail, discutez avec d’autres personnes qui sont dans le même cas et encouragez-vous les uns les autres. Si vous avez perdu un être cher, organisez une cérémonie commémorative en ligne pour la famille, où chacun pourra partager une histoire ou un souvenir avec la personne décédée.
- Recherchez du soutien. Avec le confinement et la distanciation sociale, il peut être difficile de se sentir proche des autres, mais parfois, un coup de téléphone ou un appel vidéo peut réellement faire du bien. Trouvez une personne de confiance avec qui discuter et partager ce que vous ressentez. Il peut s’agir d’un ami, d’un pasteur ou d’un thérapeute.
- Honorez votre cœur. Le deuil est quelque chose d’imprévisible, qu’on ne peut pas faire rentrer dans un emploi du temps. Votre cœur n’est pas soumis aux contraintes du temps, vous ne pouvez pas lui ordonner de guérir. Écoutez-le. Prenez soin de lui. Soyez patient avec lui. Et en attendant, créez-vous un bel espace de guérison. Les personnes autour de vous voudront parfois vous pousser à « aller de l’avant », à « passer à autre chose », mais seul votre cœur connait le bon moment. Écoutez-le et validez ce qu’il ressent. Ensuite, donnez-lui le temps et l’espace qu’il lui faut pour guérir.
- Commencez à rêver. Cela prendra peut-être du temps, mais en vous laissant le droit de rêver à ce que vous voudriez ou ce que vous pourriez être ou faire, vous allez voir l’espoir grandir à nouveau en vous. La Bible dit que « un espoir différé rend le cœur malade» (Proverbes 13.12). Lorsque je pense à l’avenir, je vois Dieu venir à ma rencontre et parfois même me conduire vers quelque chose d’encore mieux. Il s’agit peut-être d’une occasion pour Dieu de faire une œuvre nouvelle en nous, à travers nous et pour nous.
Alors que nous traversons pandémie, nous sommes plus conscients que jamais que la vie peut changer sans prévenir. D’une manière ou d’une autre, nous avons tous fait face au deuil. Cependant, il y a devant nous une belle invitation à entrer dans la guérison de Dieu. Lorsque nous nous donnons le droit de faire notre deuil, nous pouvons voir la douleur s’évacuer petit à petit et de laisser la place à quelque chose de nouveau. Que ce soit pour vous le début d’une nouvelle histoire.
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