Accompagner votre adolescent dans ses lectures
Comment l’aider à développer un goût pour la bonne littérature ?
Écrit par Meghan Cox Gurdon
Un adolescent qui lit c’est déjà une bonne chose. Alors, est-ce vraiment important de se soucier de ce qu’il lit ? Je crois que oui. L’adolescence est un temps où la personne commence à étoffer réellement sa pensée, créant dans son esprit les espaces à travers lesquels ses réflexions se logeront, alors qu’elle grandit et devient adulte. Ce que lit l’adolescent aidera à déterminer le fait que son esprit devienne un lieu rempli de beaux objets, de personnages frappants et d’idées complexes — ou de choses peu profondes, d’idées bas de gamme, choquantes et laides.
Cela peut sembler attendre beaucoup d’un livre — et de la part d’un adolescent — mais, en réalité, ce n’est pas le cas. L’astuce, c’est d’éveiller leur capacité à discerner eux-mêmes le bon du moins bon, capacité qui peut se développer très vite chez les adolescents.
De nombreux parents pensent que ce qui est le plus important c’est d’éloigner les adolescents des histoires glauques qui pourraient les pousser à devenir vulgaires ou remplir leur esprit d’anxiété, d’images horribles et de torture, dont ils auront du mal à se défaire. (Et il y a effectivement de la valeur à faire cela. Personne n’a besoin de telles images en tête.) Pourtant, lorsque nous essayons d’évaluer les livres pour adolescents, nous devons faire attention à respecter aussi bien la nature de la curiosité humaine que celle de la littérature elle-même.
La vérité, c’est que même les adolescents doux et gentils seront attirés à un moment ou à un autre vers des choses qui vous seront désagréables. La curiosité fait partie de la nature humaine : nous ralentissons tous pour jeter un œil aux accidents de la route. Il est donc non seulement déraisonnable, mais aussi injuste de demander à des adolescents de se montrer plus vertueux face à leurs impulsions que nous en tant qu’adulte. Il est également important de se rappeler que des histoires sans conflits, sans une forme de noirceur ou de difficulté, ne peuvent pas vraiment être appelées des histoires. Sans le mal dévorant de Sauron, le sacrifice de Frodon perd toute sa noblesse ; sans Vronsky, il n’y aurait pas d’Anna Karénine.
Bien sûr, chaque jeune est différent et les parents savent quel niveau de confiance ils peuvent leur accorder. Mais se contenter de lancer à un adolescent qu’un livre est perverti ou immoral et qu’il ne doit pas le lire donne le sentiment que cet adolescent n’est pas digne de confiance — que les adultes qui l’aiment ne le pensent pas assez subtil et intelligent pour survivre à la lecture d’un livre vulgaire ou glauque (ou juste foncièrement mauvais). Il ne s’agit pas de survivre, mais de grandir. Alors, excepté le cas où l’adolescent a montré qu’on ne pouvait pas lui faire confiance en ce qui concerne ses lectures, à cause de son besoin de repousser les limites ou de céder à la pression de ses amis, la vraie question à lui poser c’est : pourquoi devrais-tu choisir avec discernement ce que tu lis ?
Un « Je pense que tu peux faire mieux que ça », adressé à l’adolescent en respect à son intelligence et son sens de l’intégrité, est bien plus persuasif qu’une condamnation pleine de mépris. Il est ici question d’opportunité : l’opportunité de choisir des livres qui méritent son temps et son attention, des livres qui sont dignes d’occuper une place au milieu des objets qui meublent son esprit.
C’est une bonne chose de montrer à nos adolescents que nous prenons le développement de leur imagination et de leur intelligence au sérieux et que nous croyons qu’ils veulent aussi ce qu’il y a de mieux pour eux, à moins qu’ils ne démontrent le contraire. Si nous pouvons aider les jeunes à développer un penchant pour ce qui est beau et un goût pour la bonne littérature pendant leur adolescence, cela les portera au cours des longues années qui suivront où ils pourront choisir de lire ce qu’ils veulent… tout comme nous.
Meghan Cox Gurdon est la critique littéraire des livres pour enfants pour le Wall Street Journal.
Cet article a été publié une première fois dans le numéro d’été 2014 du magazine Thriving Family sous le titre « Stories That Fill the Mind. » Tous droits réservés © 2014 par Meghan Cox Gurdon. Utilisation autorisée.