Soulever l’ombre

Écrit par Sheila Wray Gregoire

C’est incroyable comment la vision tout entière d’une personne sur la vie peut changer à cause d’une simple phrase.

Le lendemain de l’échographie pour mon deuxième bébé, le docteur m’a dit : « Quelque chose ne va pas avec son cœur. » Je me souviens m’être entraînée, encore et encore, à répéter la phrase « Mon fils est mort aujourd’hui », afin qu’au moment où cela arriverait réellement, je sois capable de prononcer ces mots jusque-là inconcevables.

Dans une certaine mesure, tout le monde a expérimenté ce moment où un voile tombe, menaçant d’assombrir nos vies pour toujours. Je pense que c’est pour cette raison que David l’a appelé « la vallée de l’ombre de la mort ». Ce n’est pas la mort qui est la plus effrayante. C’est plutôt l’ombre qui rend tout si sombre.

Cependant, après 11 ans, je peux vous assurer que l’ombre, aussi effrayante soit-elle, est souvent le déclencheur qui nous fait vivre une vie qui a plus de sens. Au fur et à mesure que l’ombre nous dépasse, nos vies deviennent plus petites, parce que les choses qui, finalement, ne sont pas si importantes sont mises de côté. Après des années à essayer d’établir des priorités et fixer des buts et prendre du temps pour Dieu, ces choses deviennent limpides en un instant.

Dans la vie de tous les jours, nous courons après le bonheur et le succès, et mesurons nos vies par les sourires. Mais une fois que la souffrance nous touche, nous commençons à mesurer nos vies par ce qui est éternel. Jusqu’à ce que mon bébé Christopher meure, je ne pensais au ciel qu’en des termes abstraits. Maintenant, je peux y goûter. C’est un endroit où mon fils peut courir et chanter avec les anges. Et quand je m’autorise à toucher ma douleur, c’est comme si je touchais une partie du cœur de Dieu.

Dans les jours qui suivirent le diagnostic de mon fils, j’ai crié à Dieu : « Comment t’attends-tu à ce que je regarde mon seul fils mourir ? » Et lorsque j’ai été suffisamment calme pour pouvoir écouter, je l’ai entendu me chuchoter : « Je comprends, parce que je suis passé par là, moi aussi. »

Ce n’était pas une réponse. C’était une étreinte qui dure depuis 11 ans.

Aujourd’hui, lorsque je regarde mes filles en souriant, une partie de moi soupire en même temps après un fils qui n’est plus là. Mais cela ne rend pas ma vie grise pour autant. À travers cette souffrance, j’ai appris à aimer plus passionnément et à courir dans les bras de Dieu plus facilement. Et cela, je crois, est quelque chose de bon.

Sheila Wray Gregoire est auteure, blogueuse, journaliste et mère à Belleville en Ontario.

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