L’influence du passé

Ecrit par Kay et Milan Yerkovich

 

Comment votre enfance impacte-t-elle aujourd’hui votre mariage?

Après avoir mis les enfants au lit, on s’est effondré sur le canapé. J’ai ramassé un magazine et l’ai feuilleté pendant que Milan, mon mari, m’observait silencieusement. Cette sensation m’était familière : il prenait ma température émotionnelle. J’aurais préféré qu’il prenne plutôt la télécommande et qu’il allume la télévision…

« Comment ça va? », m’a-t-il demandé.

J’ai senti l’irritation m’envahir. « Pourquoi me poses-tu toujours la même question? La réponse n’a pas changé : ça va! »

Nous étions sur le point de nous lancer dans cette dispute familière, ennuyeuse et répétitive qui nous conduirait à aller nous coucher fâchés et frustrés. J’ai donc essayé d’éviter cette vieille rengaine. « Je crois qu’il y a un match à la télévision ce soir », lui ai-je dit.

Mais Milan ne s’est pas laissé dissuader. « Si tout va bien, alors pourquoi est-ce que ça t’a dérangée lorsque je t’ai prise dans mes bras et embrassée à mon retour du travail? Tu es distante. Qu’est-ce qui se passe? »

J’ai tenté d’expliquer : « J’étais en train de faire le souper et de superviser les devoirs des enfants, et tu voulais que je laisse tout tomber… Pourquoi en fais-tu toute une histoire? »

Les étapes suivantes de cette rengaine étaient prévisibles. Milan me donnerait des exemples de mon manque d’affection et d’attention, et je lui reprocherais ses trop grands besoins, qui m’étouffaient.

Comme pour beaucoup de couples, notre manière de fonctionner était frustrante. Pendant 15 ans, nous n’avons pas compris la simple vérité suivante : nos problèmes de mariage n’avaient pas commencé au moment où nous nous étions mariés. Derrière nos comportements les plus énervants, se cachaient en fait des blessures d’enfance.

La racine du problème

Bien avant que chacun de nous ne rencontre sa douce moitié, une façon d’être en relation avec les autres avait déjà été établie. Les expériences vécues lors de notre enfance et nos relations avec nos parents ont imprégné en nous certaines façons de penser et certains comportements. Milan et moi appelons ces empreintes « comportements relationnels ».

Pour quelques-uns d’entre nous, les premières leçons d’amour ont été idéales, et notre façon d’aimer est saine et positive. Mais la plupart d’entre nous avons vécu des expériences blessantes qui ont laissé une empreinte nocive et ont abimé notre comportement relationnel, ce qui peut être un handicap au sein de nos relations maritales.

Bien sûr, nous voulons tous savoir que nous faisons de notre mieux en tant qu’époux/se. Mais pour faire de notre mieux, nous devons évaluer honnêtement ce qui nous nuit. Le but n’étant pas de blâmer nos parents, mais plutôt de reconnaitre la réalité de notre enfance afin de comprendre quelle est la direction à prendre pour grandir et changer.

Il existe cinq types de comportements relationnels qui peuvent porter atteinte à un mariage : l’évitement, le tout-pour-plaire, l’hésitation, la domination et la victimisation. Beaucoup de gens se reconnaissent dans plus d’un de ces comportements, qui sont issus d’empreintes laissées par leur enfance. Et ils se rendent souvent compte qu’ils adoptent un mélange de ces divers comportements au sein même de leur mariage. Lisez les descriptions suivantes pour reconnaître si l’un ou plusieurs de ces comportements vous correspondent, à vous ou à votre conjoint :

L’évitement : Les gens qui adoptent ce type de comportement relationnel sont souvent issus de foyers axés sur la performance, encourageant l’indépendance et minimisant (ou même décourageant) l’expression de sentiments ou de besoins. Les enfants répondent au manque de réconfort et d’attention en réprimant leurs sentiments et en apprenant à s’occuper de leurs propres besoins. Adultes, ils évitent de faire face à leurs propres émotions et à leurs propres besoins d’attention ainsi qu’à ceux des autres.

C’était jadis mon cas. Je ne me suis jamais vraiment liée à mes parents ou à mes frères et sœurs. Lorsque j’ai partagé mes souvenirs d’enfance avec Milan, il a commencé à comprendre pourquoi j’étais aussi indépendante et distante. Il a fait preuve de compassion envers moi au sujet des choses qui m’ont manqué durant mon enfance.

J’ai commencé à réaliser qu’en adoptant ce type de comportement je ne reflétais pas la nature de Jésus. Jésus a pleuré dans le jardin de Gethsémané et a demandé de l’aide. Il a dévoilé Ses émotions. Il me fallait donc apprendre à identifier mes besoins et à demander de l’aide afin de pouvoir grandir. J’ai réalisé qu’une guérison pourrait s’opérer en moi si je permettais à Milan de me donner les choses dont j’avais été privée lorsque j’étais enfant.

Pour ceux qui sont dans l’évitement, apprendre à reconnaitre ses sentiments et à leur faire face, c’est comme apprendre à jouer à un nouveau sport. Au début, ça représente un vrai défi et c’est difficile, mais plus on pratique, mieux ça va. Puisque nos sentiments nous indiquent ce dont nous avons besoin, il est essentiel de les reconnaitre et de les partager.

Le tout-pour-plaire : Enfants, les personnes qui adoptent ce comportement relationnel essaient de bien faire afin d’éviter l’inquiétude et la colère de leurs parents. Certains enfants se comportent extrêmement bien pour compenser les lacunes d’un frère ou d’une sœur qui est indiscipliné, handicapé ou malade. Ceux qui font tout pour plaire sont souvent anxieux, mais ils ne reçoivent aucun réconfort. Au contraire, ils finissent souvent par être ceux qui en procurent — en apaisant un parent en colère ou en calmant les peurs d’un parent inquiet.

C’était le comportement relationnel de mon mari. Enfant, Milan essayait toujours de bien agir et de maintenir la paix à la maison. Adulte, il ne cessait de surveiller mes humeurs et de se plier en quatre afin de s’assurer que notre maison demeure exempte de tensions.

Ceux qui font tout pour plaire évitent les conflits et ont peur d’exprimer ouvertement leurs sentiments. Cette approche nuit à la résolution des problèmes. Leurs conjoints disent : « Mon époux/se est trop accaparant/e et veut toujours que je sois de bonne humeur. » En découvrant les souvenirs d’enfance de Milan et en réalisant à quel point il avait souvent été inquiet, mon impatience a été remplacée par de la compassion pour lui. Pas étonnant qu’il se souciait toujours de moi — enfant, il était constamment sur le qui-vive.

L’hésitation : Les enfants ayant vécu des relations imprévisibles et sporadiques avec leurs parents ont tendance à adopter un comportement hésitant. Ces enfants reçoivent juste assez d’attention pour en désirer plus, ce qui les mène à attendre en se demandant quand leurs parents leur manifesteront de nouveau de l’attention. En attendant, ils deviennent hypersensibles aux signes d’acceptation ou de rejet. Ces longues périodes d’attente les incitent souvent à se sentir invisibles, incompris, seuls et abandonnés.

Adultes, ils sont encore à la recherche de cette relation stable et satisfaisante qu’ils n’ont pas connue enfants. Ils idéalisent les nouvelles relations en croyant avoir trouvé le/la partenaire parfait/e. Mais dès que la vie réelle s’installe – et qu’ils doivent attendre pour que leur conjoint/e soit disponible émotionnellement — ils sont déçus et blâment leur partenaire. Leurs conjoints disent : « Il m’envoie des messages contradictoires : « Viens ici ! Va-t’en ! » II m’est impossible de le/la rendre heureux/se. »

J’ai accompagné l’une de ces personnes, qui a travaillé dur pour prendre conscience de sa tendance à vaciller entre des attentes idéalistes et un ressentiment agressif. Après avoir réfléchi au sentiment d’abandon qu’il avait ressenti après le divorce de ses parents, cet homme a réalisé pourquoi il était si sensible et impulsif lorsqu’il lui fallait attendre que sa femme lui consacre du temps et de l’attention. Après avoir trouvé guérison et confort pour ces blessures, il est devenu moins susceptible lorsque sa femme était occupée ou distraite.

La domination et la victimisation : Les enfants issus de foyers chaotiques — où les relations interpersonnelles sont non seulement inexistantes ou irrégulières, mais aussi dangereuses — ont tendance à devenir des personnes dominantes ou victimes. Leurs parents font souvent face à de graves problèmes comme des dépendances et des maladies mentales, et sont donc incapables de soulager le stress de leurs enfants. En fait, ils sont souvent la cause de ce stress.

Les enfants dociles qui sont peureux et soumis deviennent des victimes à un âge précoce. En grandissant, les victimes apprennent à tolérer l’intolérable. Il leur semble normal d’être mal traité et cet abus détruit tout sentiment d’estime de soi et de confiance en soi.

Les enfants fougueux se défendent et apprennent qu’ils ont le choix entre contrôler ou être contrôlés. Adultes, ils se jurent de ne jamais plus se trouver dans une position où ils ressentiront les souffrances qu’ils ont vécues en grandissant. La colère est alors une émotion rassurante pour les dominants puisqu’elle est intimidante. Ils veulent souvent commander pour éviter de se sentir vulnérables et impuissants.

Durant nos nombreuses années comme conseillers, Milan et moi avons suivi plusieurs dominants et victimes. Les enfants issus de foyers chaotiques n’ont pas eu de modèle de relations saines sur lequel se baser et sont constamment stressés par leur environnement. Par conséquent, ils n’ont que quelques rares qualités relationnelles à apporter à leur mariage. Nous nous sommes aperçus que les dominants et les victimes ont plusieurs vieilles blessures négligées provenant de leur enfance. Parce qu’il leur faut redéfinir leur manière de voir les relations, leur guérison nécessite de faire face à la souffrance d’hier et d’apprendre à recevoir le réconfort que peut leur offrir leur partenaire.

Une relation saine et durable

Être restés coincés dans une relation blessante pendant les 15 premières années de notre mariage a été une expérience douloureuse pour nous. Mais, en identifiant nos types de comportements relationnels, Milan et moi avons été capables de nous attaquer à la source du problème en faisant preuve d’une compassion réciproque. Nous avons découvert que la croissance entraine des défis. La vulnérabilité est de mise pour réussir à admettre nos faiblesses. Nous avons dû briser les comportements relationnels destructeurs qui provenaient de notre enfance et que nous avions tous deux apportés dans notre mariage.

Notre but était de créer cette « relation saine et stable » qui nous avait manqué étant enfants. Faire notre part pour avoir une relation stable, ça veut dire devenir davantage comme Jésus, qui a donné et reçu de l’amour d’une façon saine — faisant face aux problèmes honnêtement, avec patience et grâce, et réparant les ruptures lorsqu’elles surviennent. Les couples jouissant d’une relation stable sont capables d’évaluer leurs forces et leurs faiblesses, d’accepter leur part dans les difficultés relationnelles et d’offrir de sincères excuses lorsqu’ils font des erreurs.

Si vous voulez résoudre les problèmes liés à vos comportements relationnels, rappelez-vous de la phrase suivante : « Choisissez votre douleur ». Grandir et changer est inconfortable ; mais rester où vous êtes ne fera que faire perdurer la souffrance.

En ce qui nous concerne, après notre quinzième année de mariage, nous avons vécu trois années difficiles puisque nous avons tous deux eu à modifier notre façon de recevoir et de donner de l’amour, afin de pouvoir bâtir une relation stable. Certains jours, je me suis demandée si tout cela en valait la peine. Mais si j’avais pu être transportée dans le futur pour vivre une seule journée de la destination vers laquelle Dieu nous guidait, j’aurais plongé dans le changement au lieu d’y résister. Pour qu’un changement durable et profond s’effectue au sein de votre mariage, les problèmes doivent être attaqués à la racine. Et c’est à la racine que la croissance pourra commencer.

 

Cet article a été publié dans le numéro d’aout-septembre 2012 du magazine Thriving Family sous le titre « Patterns From the Past ». Tous droits réservés © 2014 par Kay Yerkovich. Utilisation autorisée.