Comment défendre sa foi sans faire fuir tout le monde

Par Drew Dyck

Ce n’est souvent pas ce que l’on dit mais la manière dont on le dit qui compte

Je suis en deuxième année d’université, à moitié endormi dans mon cours de philosophie de 9 heures du matin. Du moins jusqu’à ce que le monologue du professeur vire soudain de Kant vers le christianisme.

« Jésus ne voulait pas qu’on l’adore, nous informe-t-il. C’est Paul qui a introduit cette idée bien plus tard. La plupart des gens ne se rendent pas compte que c’est Paul qui a inventé le christianisme. »

Quelques instants se sont écoulés alors que je réfléchissais à l’incursion en territoire théologique de notre professeur. Je suis chrétien. Je devrais dire quelque chose. J’ai levé la main.

« C’est une perspective intéressante concernant Paul, mais j’ai une question. Avant d’accepter Jésus, Paul allait de ville en ville pour persécuter les premiers chrétiens. Il les a fait mettre en prison. Il en a même fait tuer certains. »

« Où voulez-vous en venir ? » a répliqué le professeur, d’un ton légèrement agacé.

« Comment Paul aurait-il pu passer des années de sa vie à persécuter les membres d’une religion qu’il est censé avoir inventé ? »

Ce qu’il s’est vraiment passé

Avant que je ne m’aventure plus loin dans les méandres de ma mémoire, il faut que je vous avoue quelque chose : l’interaction que je viens de vous décrire n’est qu’en partie vraie. Oui, j’ai bien assisté à ce cours et oui, le professeur nous a en effet sorti l’énormité selon laquelle ce serait Paul qui aurait inventé le christianisme. La partie inexacte, c’est ma réponse.

Ce n’est pas ce que j’ai dit.

Je l’ai pensé. Mais je n’ai rien dit. Le professeur a fait cette remarque et le cours a continué.

L’université où j’allais était particulièrement séculière, avec un fort penchant anti-chrétien. Il n’y avait rien d’inhabituel à entendre des professeurs parsemer leurs cours de critiques contre la foi chrétienne. Lorsqu’il m’arrivait de répondre, c’était souvent pour contrer des arguments bien faibles de personnes qui ne faisaient généralement que répéter ce qu’ils avaient entendu dire. Je me souviens d’une conversation privée que j’ai eue avec une de mes profs de lettres qui critiquait régulièrement la foi chrétienne. Elle m’avait avoué : « Je n’ai jamais réellement lu la Bible. »

En repensant à cette époque, j’aurais aimé avoir pris la parole pour défendre ma foi plus souvent. Non pas parce que je pense que j’aurais remporté des victoires spectaculaires ou converti mes professeurs, mais pour montrer aux autres étudiants qu’il y a une autre voie possible que celle qu’on leur donnait.

Fort heureusement, les occasions de parler de notre foi ne se limitent pas à nos cours universitaires. Elles sont partout : au bureau ou sur notre lieu de travail, avec le serveur qui nous prépare notre café tous les matins, pendant un diner entre amis ou un grand repas de fête qui rassemble toute la famille, sans oublier cette place publique moderne que sont les réseaux sociaux.

Cela dit, comme je l’ai découvert pendant mes études, parler de sa foi n’est pas si facile. Les enjeux peuvent parfois être bien plus élevés que juste risquer une mauvaise note. Il n’y a pas longtemps, un homme d’affaires chrétien m’a parlé d’une réunion délicate qu’il avait eue avec son plus gros client. Ne sachant pas que mon ami était chrétien, celui-ci s’était lancé dans une longue diatribe contre la foi chrétienne.

Comme devrions-nous répondre dans de telles circonstances ? Comment exprimer notre point de vue d’une manière qui soit à la fois respectueuse et efficace ? Comment parler de notre foi d’une façon qui va mener nos interlocuteurs à se rapprocher de Dieu ? Il existe de très bonnes ressources en apologétique pour vous enseigner quoi dire. Voici quelques principes qui peuvent vous aider à savoir comment le dire.

Soyez comme Ben

Comme je l’ai compris durant mes études, les occasions de parler de sa foi viennent souvent quand celle-ci est attaquée. Dans les moments où il est approprié d’intervenir, nous pouvons nous appuyer sur la sagesse de l’un des pères fondateurs des États-Unis, Benjamin Franklin. Vous vous demandez peut-être ce que fait dans cet article Benjamin Franklin, un homme dont la foi se situait quelque part entre le déisme et le christianisme biblique. Selon son autobiographie, Franklin avait une excellente habitude pour gérer les discussions compliquées : « J’avais pour règle de ne jamais contredire directement l’opinion exprimée par l’autre. »

En d’autres termes, Franklin avait pour habitude de ne pas manifester immédiatement son désaccord avec ses interlocuteurs. Il explique : « Lorsque quelqu’un affirmait quelque chose qui me paraissait erroné, je ne m’autorisais pas la joie de le contredire de manière abrupte et de lui démontrer immédiatement les absurdités de son raisonnement. » Au lieu de cela, Franklin « commençait par faire ressortir que dans certains cas ou certaines circonstances, l’opinion de l’autre pouvait être juste. »

Il explique ensuite combien ce simple changement d’approche a eu des effets spectaculaires.

« J’ai rapidement vu les avantages d’un tel changement ; mes conversations se déroulaient de manière bien plus agréable. Le fait de présenter mes opinions avec modestie les rendait plus faciles à entendre et soulevait moins d’opposition. Ainsi, j’arrivais plus facilement à faire admettre leurs erreurs aux autres et les convaincre de se joindre à moi lorsqu’il se trouvait que j’avais raison[1]. »

Je me souviens avoir utilisé cette stratégie lorsqu’une amie avait rejeté l’idée de l’existence du paradis, argumentant que cela rendait les gens passifs face aux difficultés qu’ils rencontraient dans la vie. Plutôt que de succomber à la tentation de contredire immédiatement ce qu’elle disait, j’ai commencé par aller dans son sens : « Je comprends ce que tu dis. C’est vrai que certains s’appuient sur l’idée de la vie après la mort pour éviter de se confronter aux réalités difficiles d’ici-bas. Ce genre de fuite de la réalité peut être dangereux. Cela dit, pour moi, l’idée de la vie au ciel donne encore plus d’importance à la vie que nous menons sur terre. Cela signifie que nos actions présentes ont des implications éternelles. »

Lorsqu’on attaque votre foi, il est facile de laisser les émotions prendre le dessus et d’avoir envie de contre-attaquer. Il vaut pourtant mieux essayer de faire comme Ben. Ne commencez pas par une contradiction mais affirmez votre accord ou votre compréhension là où vous le pouvez (même s’il s’agit juste de valider le sentiment qui est derrière l’affirmation). Introduisez ensuite en douceur votre propre position. Vous constaterez peut-être, comme l’a fait Franklin, que vos interlocuteurs seront plus disposés à vous écouter et que la conversation se révélera plus agréable.

Appropriez-vous votre point de vue

Dans notre société postmoderne, proclamer des vérités universelles suscite beaucoup de résistance. Le philosophe Jean Lyotard définit le postmodernisme comme étant « l’incrédulité envers les métanarrations ». Qu’est-ce que cela signifie ? En bref, il explique que les grandes histoires, c’est-à-dire les récits globaux à travers lesquels nous définissons la réalité, sont considérées comme suspectes. Dans un monde postmoderne, il ne peut y avoir d’histoire suffisamment vaste pour couvrir toute la réalité et encore moins pour y attribuer une définition universelle.

Alors que les métanarrations sont douteuses, les perspectives personnelles deviennent sacro-saintes. Vous êtes autorisé à raconter votre histoire, ce qui peut s’avérer utile à garder en tête lorsque vous parlez de votre foi en public. Vous pouvez ainsi introduire ce que vous avez à dire par : « Si je m’appuie sur mon expérience… » ou « D’un point de vue chrétien… » Cela ne veut en rien dire que vous diluez la vérité. En tant que chrétiens, nous croyons en une vérité universelle. Cependant, vous aurez de meilleures chances de vous faire entendre si vous commencez par parler de votre perspective personnelle, plutôt que d’affirmer une objectivité totale.

Ma femme est allée dans la même université que moi. Après plusieurs conversations frustrantes sur la foi dans l’une de ses classes, elle s’est mise à parler de ses croyances comme faisant partie de sa « culture ». Elle disait par exemple : « Je suis chrétienne et dans notre culture, nous croyons que… » Soudain, elle a vu les autres étudiants se montrer beaucoup plus ouverts à ce qu’elle avait à dire.

Manifestez de la joie

Mon ami évangéliste Thomas m’a un jour donné un conseil surprenant pour partager ma foi avec des non-chrétiens : « Pour l’amour du ciel, jouis de ta foi ! » s’est-il exclamé avec son accent malaisien marqué. « Les chrétiens deviennent souvent tellement tendus et sérieux, qu’ils en oublient de montrer à leur entourage que la vie avec Jésus est remplie de joie. »

La religion est un sujet controversé de nos jours et les conversations l’entourant peuvent parfois devenir agressives. Il est facile de se retrouver coincé en position défensive et de perdre notre joie quand nous abordons ce thème. Comment pouvons-nous espérer voir les gens attirés par quelque chose dont nous-mêmes ne semblons pas profiter ? Il est bien entendu bon d’expliquer en quoi la Bible est fiable, ou de publier un message sur votre blogue exposant les arguments en faveur de l’existence de Dieu. Assurez-vous toutefois que vos amis puissent voir que votre foi est bien plus qu’un sujet théorique, mais quelque chose qui imprègne votre vie de sens et qui vous procure de la joie. Cela aura tout autant d’impact pour certaines personnes que vos arguments et votre raisonnement bien construits.

L’un des versets les plus cités quand on parle d’évangélisation est 1 Pierre 3.15 : « Mais respectez dans votre cœur la sainteté de Dieu le Seigneur. Soyez toujours prêts à défendre l’espérance qui est en vous, devant tous ceux qui vous en demandent raison. » Malgré la notoriété de ce passage, nous citons rarement ce qui suit. C’est dommage, car on y trouve un message tout aussi important : lorsque nous défendons notre foi, nous devons le faire « avec douceur et respect ». Présenter ainsi la vérité lui donne plus de chances d’être bien reçue.

Drew Dyck est éditeur pour Building Church Leaders, une publication de Christianity Today. Il vit avec sa femme Grace en Illinois, aux É.-U.

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[1] Extrait de The Autobiography of Benjamin Franklin, Riverside Press, 1886, p. 113.