Traverser le deuil de l’infertilité et de la fausse couche
Écrit par Wendy Kittlitz
Paul tient la main de sa femme Sandra pendant qu’ils marchent dans le corridor pour rencontrer la spécialiste en fertilité, vers laquelle ils ont été référés après plus de deux ans d’essais infructueux pour avoir un bébé. Ils ont passé tous les examens physiques requis pour examiner ce qui pouvait les empêcher de concevoir.
La docteure les invite à entrer dans son bureau. « Nous n’avons trouvé aucune raison médicale qui puisse vous empêcher de tomber enceinte », explique-t-elle. « C’est une bonne nouvelle, même si entre 15 et 30 % des couples que nous voyons n’ont aucune explication quant à leur incapacité à concevoir. Discutons donc de vos options. »
Un sixième des couples souffre d’infertilité au Canada, mais cette statistique est peu réconfortante pour Sandra et Paul.
Ils étaient tous deux jeunes professionnels lorsqu’ils se sont rencontrés et sont tombés amoureux. Après un an de fréquentations, ils ont organisé un beau mariage. Durant les deux années qui ont suivi, ils ont économisé pour acheter une maison et, après y avoir emménagé, ils ont décidé qu’ils étaient prêts à passer à la prochaine étape, soit fonder une famille. Étant au début de leur trentaine, ils s’attendaient à pouvoir concevoir relativement rapidement. Ils n’ont donc été que peu alarmés lorsque la première année s’est écoulée sans grossesse.
Leur entourage, amis et famille, accueillaient tous des enfants. Ils se trouvaient parmi les derniers de leur cercle social à fonder une famille. Sandra commençait à s’inquiéter et redoutait d’entendre une autre amie annoncer sa première, puis sa deuxième grossesse.
Chaque mois qu’elle ne concevait pas, elle devenait de plus en plus découragée. Mois après mois, un nouveau deuil s’ajoutait ; un deuil qui s’accumulait sur une autre. Paul essayait de l’encourager et de la comprendre, mais c’est surtout elle qui a éprouvé l’impact de la douleur, comme si son corps les laissait tomber. Elle se sentait responsable, déçue, pas à la hauteur et coupable du fait que son chagrin commençait à interférer avec sa capacité à se réjouir avec ses amis de leurs bébés. Le fait de devoir prendre en compte le cycle menstruel et l’ovulation commençait également à interférer avec leur vie sexuelle qui auparavant était agréable.
La spécialiste en fertilité leur a redonné de l’espoir. Ils ont fait leurs recherches, ont décidé quelles seraient les interventions avec lesquelles ils étaient à l’aise et ont entamé les procédures de procréation assistée. Cependant, des tensions supplémentaires ont commencé à surgir dans leur relation à la suite des traitements invasifs, des exigences en matière de planification du temps, et des défis en lien avec le déséquilibre hormonal. Plus leur espérance était grande, plus leur déception était profonde lorsqu’ils ne concevaient pas.
Le grand jour est finalement arrivé, le test était positif ! Sandra et Paul ont célébré la nouvelle. Ils ont appelé leur famille, l’ont annoncé à quelques amis proches et ont cru que Dieu les avait enfin bénis. Lorsqu’ils ont entendu les battements de cœur du bébé à l’échographie, cela a été un point culminant extraordinaire pour eux, un moment si incroyable !
À environ 10 semaines, Sandra a toutefois remarqué avoir des pertes de sang et des crampes. Initialement, elle a refusé de considérer que quelque chose puisse mal aller. « Ceci est normal, n’est-ce pas ? », se disait-elle. Après quelques jours, elle a appelé son docteur qui lui a dit d’aller au laboratoire pour passer une échographie, juste pour être certain.
Le cœur du fœtus ne battait plus. Il lui a fallu deux jours pour que son corps évacue le bébé qu’ils avaient tant désiré - deux jours de douleur physique et émotionnelle comme elle n’en avait jamais expérimenté. Paul a pris un congé et a aidé sa femme du mieux qu’il a pu en lui apportant des médicaments, lui préparant des boissons chaudes, lui massant le dos, et en lui tenant la main. Lui aussi était en deuil, mais sa douleur était différente. Il se sentait impuissant. Il souhaitait pouvoir soulager la peine de sa femme en faisant ce qu’il pouvait, mais craignait que cela soit insuffisant.
Une fois le choc passé, ils se sont tous les deux sentis engourdis, ne sachant pas trop quoi se dire ou faire, ni de quelle manière l’annoncer aux autres ou comment aller de l’avant. Leur foi avait été ébranlée. Tous les deux ont éprouvé une certaine colère envers Dieu, se demandant pourquoi il a permis que cela se produise, malgré toute la douleur qu’ils avaient déjà endurée.
Ils souffraient tous deux d’un sentiment d’impuissance. Il y avait des jours quand l’un d’entre eux voulait parler et l’autre non, puis le lendemain, c’était l’inverse. Ils avaient l’impression que leur vie était dans une impasse. Ayant appris que ce genre de problème pouvait être néfaste pour un mariage, ils ont décidé de consulter un conseiller.
La conseillère a été d’une grande aide pour Sandra et Paul. Elle les a encouragés à se concentrer sur les points suivants :
- Valider le chagrin l’un de l’autre : une mise à disposition de techniques pour développer leur capacité d’écoute les a aidés à partager ce qu’ils ressentaient et à reconnaître que, même si chacun vivait son deuil différemment de l’autre, leur chagrin était similaire.
- Prioriser leur mariage : ils se sont engagés à former une équipe. Afin qu’une décision soit considérée comme une « victoire », il fallait que la « victoire » soit réciproque et non pas seulement pour l’un d’entre eux.
- Évaluer l’importance d’avoir des enfants biologiques : avoir un enfant qui était biologiquement le leur était d’une plus grande importance pour Paul que pour Sandra. En creusant cet aspect, Sandra a compris plus en profondeur pourquoi avoir un enfant biologique était si important pour Paul et elle a pu faire preuve de plus d’empathie envers lui.
- Envisager d’autres alternatives : Sandra et Paul ont examiné avec prudence les options de rester sans enfants, de continuer les traitements de fertilité ou d’adopter. Après de longues conversations parfois difficiles, ils ont conclu qu’ils accepteraient toute option que Dieu avait prévue pour eux.
- S’appuyer pleinement sur le Seigneur : Sandra et Paul ont développé un lien relationnel plus solide en déposant ensemble ce fardeau devant le Seigneur.
À la suite des services de conseil et de soutien, Sandra et Paul se sont sentis affermis dans leur foi et leur mariage. De plus, ils ont acquis des outils importants pour faire face ensemble au deuil et à la perte. Même s’ils ne savaient pas quand, comment ni si Dieu allait les bénir avec des enfants, ils ont pu à nouveau trouver du réconfort l’un auprès de l’autre et faire confiance à Dieu quand il dit que sa grâce leur suffit (2 Corinthiens 12.9).
Wendy Kittlitz est vice-présidente du département des Conseillers chez Focus on the Family Canada depuis 2021. Elle détient une maîtrise en théologie de Regent College, en Colombie-Britannique et une maîtrise en counseling pour couples, familles et enfants du Séminaire biblique des Frères Mennonites. Wendy et son mari Larry sont les fiers parents de deux filles magnifiques.
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