Le bout du tunnel

Écrit par Dominique Ourlin

Trois leçons à tirer des moments les plus sombres de notre vie

J’ai grandi et vécu longtemps en France où j’ai souvent voyagé en train. Enfant, c’était toujours une expérience exaltante : avec ces moments qui vous prennent en général par surprise quand le train plonge à pleine vitesse dans un tunnel sombre et étroit. L’instant d’après, tout est noir et obscur, jusqu’à ce que les yeux s’habituent au faible éclairage intérieur. Pour le peu de temps que les lumières tardent quelques secondes à s’éclairer, un certain malaise vous envahit, avec le sentiment que tout peut alors arriver. Comme si le fait de ne plus y voir clair suffisait à faire surgir quelque voleur de grand chemin ou à faire dérailler le train, sans parler de le voir exploser en heurtant des blocs de pierre effondrés sur la voie… L’imagination s’envole alors dans toutes les directions !

Puis, quelques instants plus tard, tout redevient clair et lumineux. La lumière du jour jaillit et dissipe ce moment étrange et inquiétant. Si l’entrée dans le tunnel a pu être soudaine et inattendue, la sortie n’en est pas moins rapide et surprenante. L’éclat du jour semble alors d’autant plus lumineux. L’obscurité qui semblait devoir durer a finalement battu en retraite devant la clarté en­fin retrouvée !

Qui n’a pas traversé de tunnel… ou traverse un tunnel en ce moment même ! La perte ou la mise sur pause d’un emploi, une relation brisée, une maladie inquiétante ou grave, un tel ou un tel événement qui semble tout faire basculer – et je ne parle même pas de pandémie et des mille incertitudes qui planent sur nous.

Permettez-moi de partager quelques réflexions qui, je l’espère, vous encourageront en attendant la sortie de votre tunnel.

Leçon no 1 du tunnel : Un tunnel n’est pas une impasse.

Un tunnel a toujours une sortie qui débouche sur autre chose. Il en est de même de nos vies. Quelqu’un a dit « Ne faites pas de vos moments des monuments ». Ne restons pas prostrés et figés face à ces temps de crise que nous traversons. Précisément, traversons-les plutôt. Traverser signifie justement percer de part en part ou se frayer un passage au travers1. Acceptons le fait que nous sommes en chemin, en marche vers de nouvelles étapes, de nouvelles expériences. La vie et Dieu lui-même n’ont pas dit leur dernier mot. Et si je suis prêt à assumer ma part de responsabilité dans ce que je traverse, je suis sur la bonne voie pour sortir de ce tunnel plus fort que je n’y suis entré.

J’aime cette parole de Salomon qui nous dit : Celui qui craint Dieu (qui cherche à l’honorer et à lui plaire par amour et respect) trouve une issue en toutes situations (Ecclésiaste 7.18, version Nouvelle Bible Segond). Une paraphrase dit : Celui qui craint Dieu fait face de manière responsable à toute la réalité, et pas seulement à certains de ses aspects (version The Message). Hum… à méditer. Ou encore – ma version préférée, car elle est facile à retenir : Qui craint Dieu sort de tout ! (version Darby). Celui qui craint Dieu n’a rien à craindre.

Leçon no 2 du tunnel : Un tunnel est bien plus sécuritaire qu’il ne semble.

En fait, contrairement aux idées reçues, les accidents de tunnels sont rarissimes. Les chiffres indiquent d’ailleurs qu’il y a bien moins d’accidents dans les tunnels que sur le reste du réseau ferroviaire ou routier. Une des raisons est sans doute le fait qu’on y est plus sur ses gardes.

Nous ne sommes pas toujours plus en danger quand nous pensons l’être que nous le sommes le reste du temps. En réalité, je n’ai pas plus de contrôle sur ma sécurité et celle des autres passagers quand le train avance en pleine lumière que lorsqu’il traverse un tunnel. J’ai juste l’illusion ou l’impression de mieux maîtriser la situation ! Beaucoup ont dit combien la pandémie du coronavirus (il fallait bien qu’on en parle !) a fait prendre conscience à nos sociétés de leur fragilité et de leur vulnérabilité. Mais le fait est que nous sommes aussi fragiles et vulnérables en temps de crise que lorsque tout semble bien aller. Nous en sommes seulement davantage conscients dans ces moments-là. Nos tunnels contribuent à nous le rappeler. Tout compte fait, mieux vaut marcher dans l’obscurité avec Dieu et en comptant sur sa grâce qu’en pleine lumière sans lui et en comptant sur nos propres forces.

Si Dieu a créé de nombreux animaux qui y voient parfaitement dans l’obscurité, comme les chats et les chouettes, c’est sûrement pour nous rappeler que rien ne lui échappe, quels que soient les temps et les circonstances. Il a d’ailleurs créé le ciel et la terre avant même de créer la lumière !

Certes, cela ne règle pas tout. Mais comme il est rassurant de savoir que Dieu sait, qu’il savait à l’avance, qu’il n’est ni inquiet, ni dépassé, ni pris par surprise, et qu’il saura toujours pourvoir à une issue, une sortie, un chemin !

« Si je devais traverser la vallée où règnent d’épaisses ténèbres, je ne craindrais aucun mal, car tu es auprès de moi. » (Psaume 23.4, version Bible du Semeur)

« Même les ténèbres ne sont pas obscures pour toi : la nuit brille comme le jour et les ténèbres comme la lumière. » (Psaume 139.12)

Leçon no 3 du tunnel : Un tunnel nous épargne souvent bien des détours et des pertes de temps.

Le tunnel sous la Manche, entre la France et l’Angleterre, est long de 50 km. Il a transformé la communication avec le continent. Le tunnel du Saint-Gothard, creusé sous les Alpes, est long de 57 km. Il permet d’éviter de multiples cols, des montées et des descentes et d’autres obstacles liés aux caprices de la météo et à bien d’autres facteurs. Un tunnel n’est pas une punition, mais un passage là où bien d’autres obstacles auraient pu nous ralentir ou nous arrêter. Nous prenons peur face aux épreuves que Dieu permet, mais nous serions stupéfaits si nous discernions toutes celles qu’il nous épargne. Mystérieusement, lentement, sans grand discours, l’épreuve nous façonne et nous transforme, pour autant que nous choisissions d’y rencontrer Dieu et sa ­fidélité.

Dieu seul sait si ces tunnels – ces temps que je ne comprends pas, mais que je ne peux que traverser le mieux possible – ne m’amèneront pas à éviter à mon propre insu bien des montagnes de détours, de maux, de déceptions et de blessures.

« Considérez que c’est un véritable don, chers amis, lorsque des épreuves et des défis vous sont lancés de toutes parts. Vous savez que sous la pression, la vitalité de votre foi est forcée de s’exprimer au grand jour et de montrer ses vraies couleurs. N’essayez donc pas de vous en sortir prématurément. Laissez-la faire son travail pour que vous deveniez mature et bien développé, sans qu’il ne vous manque rien. » (Jacques 1.2-4, d’après la version The Message)

« … puisqu’il le faut, vous êtes pour un peu de temps attristés par diverses épreuves. Ainsi, la valeur éprouvée de votre foi – beaucoup plus précieuse que l’or, qui est périssable et que l’on soumet pourtant à l’épreuve du feu – aura pour résultat la louange, la gloire et l’honneur lorsque Jésus-Christ apparaîtra. Vous l’aimez sans l’avoir vu, vous croyez en lui sans le voir encore et vous vous réjouissez d’une joie indescriptible et glorieuse parce que vous obtenez le salut de votre âme pour prix de votre foi. » (1 Pierre 1.3-9)

Seuls les tunnels sont capables de traverser les montagnes. Et nous en donnent l’occasion. Les épreuves, surtout celles qui durent, peuvent être destructrices ou transformatrices, selon l’attitude et la réaction que nous adoptons face à elles. S’aigrir et s’endurcir face à ces épreuves, qu’elles soient imputables ou non à nos choix, ne peut que nous paralyser et nous enfoncer dans le découragement et le désespoir. S’arrêter au milieu du tunnel, c’est s’installer dans l’ombre au lieu de cheminer vers la lumière. Mais nous avons toujours le choix de continuer d’avancer avec confiance, sachant que la lumière sera toujours au rendez-vous pour nous sortir de ce tunnel et de tous ceux qui ne manqueront pas de suivre.

Nelson Mandela, qui a non seulement survécu, mais triomphé de 27 années de prison – tout un tunnel – a écrit : «Je suis le capitaine de mon âme. Dieu m’a donné la capacité et les moyens d’avancer, de franchir les étapes qui m’attendent, aussi douloureuses ou difficiles soient-elles, en comptant sur lui et ses promesses. À moi de choisir la vie. »

« Le sentier des justes ressemble à la lumière de l’aube : son éclat grandit jusqu’au milieu du jour. La voie des méchants ressemble aux ténèbres : ils n’aperçoivent pas ce qui les fera trébucher. » (Proverbes 4.18-19)

Pour aller plus loin…

Si je suis dans un tunnel, suis-je prêt à assumer, s’il y a lieu, les choix et les décisions qui ont pu contribuer à m’y conduire ?

  • Si ce tunnel m’est imposé et n’est pas lié à mes choix et mes décisions, suis-je conscient que Dieu lui-même m’y accompagne ? Qu’est-ce que cela change ou peut changer ?
  • Plutôt que de m’obstiner à vouloir élucider tous les pourquoi, suis-je prêt à faire le point pour évaluer et considérer les pour quoi – les leçons que je peux en tirer pour aller plus en avant vers l’avenir ?

 

1 https://www.cnrtl.fr/etymologie/traverser

 

Dominique Ourlin est pasteur retraité vivant au Québec depuis plus de 22 ans, avec son épouse Candy. Il est aussi l’auteur de deux livres, disponibles sur PainSurLesEaux.com.

© 2023 Dominique Ourlin. Tous droits réservés. Utilisation autorisée.