La compassion, cela se cultive

Écrit par Matthew Barnett

Je dis toujours à mes enfants que les bénédictions de Dieu sont comme des pommes de terre tout juste sorties du four : aussitôt en main, il faut les faire passer à quelqu’un d’autre ! Ils aiment beaucoup cette petite illustration. Alors lorsqu’ils reçoivent une bénédiction, ils cherchent une façon de la partager avec d’autres.

Ma fille, Mia, a récemment montré sa capacité à transmettre ses « patates chaudes ». Alors que nous étions à une fête foraine, elle m’a supplié de l’aider à gagner un tas d’animaux en peluche. Surpris par sa requête, je lui ai demandé pourquoi elle en voulait tant. Sa réponse m’a encore plus surpris : « J’en ai besoin pour pouvoir les donner demain, au camion de distribution ! »

Le camion en question est un vieux camion de livraison de crème glacée que nous utilisons pour distribuer de la nourriture aux familles démunies des quartiers pauvres de Los Angeles. Un projet caritatif que nous réalisons en famille, tous les samedis. Ce qui explique pourquoi les paroles de ma fille m’ont tant époustouflé.

Mon fils Caden, qui participe avec nous à ce ministère, fait lui aussi preuve de compassion. L’année dernière, nous l’avons inscrit dans un club de baseball. Alors que la saison allait commencer, Caden semblait triste. Quand je lui ai demandé ce qui n’allait pas, voici ce qu’il m’a répondu : « Tu sais, papa, le baseball, c’est génial et tout… Mais pendant ces 10 longues semaines, cela va me manquer de ne pas faire la distribution de nourriture avec le camion ! »

En grandissant, les enfants se construisent une perspective du monde qui les entoure. Si nous leur montrons ce qu’est la compassion, ils peuvent apprendre à voir les problèmes autour d’eux comme des occasions d’aider et non comme des obstacles. La pauvreté dans le monde est un appel pour les familles croyantes à faire preuve de générosité. D’ailleurs, nos enfants ont sûrement des camarades dont les parents ont perdu leurs emplois et qui sont au chômage. Ce sont des enfants qui ont besoin d’encouragement. Et nos enfants peuvent leur en donner.

En tant que parents, nous devons montrer que compassion et générosité ne se résument pas à des gestes ponctuels : c’est un style de vie. Ma femme Caroline et moi sommes convaincus que la gentillesse dont nous faisons preuve au quotidien dans nos rapports avec les autres trouvera son expression jusqu’à dans la façon dont nos enfants traitent leurs prochains. En nous voyant servir ceux qui sont dans le besoin, nos enfants comprennent plus clairement que tous les individus ont de la valeur. Et qu’ils méritent qu’on leur consacre notre temps et notre énergie.

Vivre son rêve

Je me rappelle avoir visité les quartiers défavorisés de notre ville avec mon père au cours de mon enfance alors qu’il faisait du porte-à-porte pour inviter des gens à venir à l’église. C’était pour moi très inspirant de voir mon père, pasteur, conduire des visiteurs à l’église dans sa propre voiture. Aujourd’hui, je sais qu’il y a un rapport direct entre les valeurs que j’ai observées chez mon père et les chemins que j’ai empruntés au cours de ma propre vie.

À l’âge de 20 ans, j’ai déménagé de Phoenix pour démarrer un ministère au centre-ville de Los Angeles. Mon rêve était d’implanter une église qui servirait de refuge permanent aux plus démunis. Un soir en me promenant, j’ai vu des gens qui se droguaient, des prostitués, et des sans-abri. J’ai alors réalisé que Dieu m’avait appelé à servir cette communauté, au sein d’un ministère qui serait ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Depuis ces modestes premiers pas, Dieu nous a soutenus, jusqu’à nous donner le Dream Center : un centre d’accueil chrétien qui nous permet de développer de nouvelles façons de servir les habitants de Los Angeles. Bien qu’il me serait facile de diriger ce ministère qui grandit en restant assis mon bureau, je tiens à rester au contact des gens. Cet engagement me pousse à voir chaque jour les nombreux besoins qui m’entourent. Et cela permet à mon cœur d’y rester sensible.

Et je ne suis pas seul. Ma femme comprend également l’importance de garder le cœur ouvert alors que nous servons ceux qui sont oubliés. Caroline est arrivée à Los Angeles lorsqu’elle était adolescente, juste après avoir terminé l’école secondaire. Un jour, elle a rencontré une famille qui souffrait de la faim, mais qui n’avait pas de voiture et qui ne pouvait donc pas venir chercher de la nourriture au Dream Centre. Cela lui a brisé le cœur. Caroline a alors décidé d’acheter un camion pour livrer de la nourriture. Puis un autre. Aujourd’hui, nous avons une ribambelle de camions livrant chaque jour de la nourriture dans les quartiers défavorisés.

Au fil des années, Caroline a travaillé dans presque tous les ministères différents du Dream Centre. Servir ensemble s’est révélé être le fondement de notre foyer. Cela nous a aussi permis d’offrir un modèle à nos enfants. Et c’est le meilleur moyen que nous ayons trouvé pour faire naître la compassion dans leur cœur.

Les yeux grands ouverts

Je me rappelle une sortie en famille dans un restaurant du centre-ville, alors que mes enfants étaient encore petits. Sur le chemin du retour, j’ai décidé de passer par les quartiers défavorisés qui se trouvaient juste à quelques pâtés de maisons de là. Dehors, des gens s’agglutinaient autour de feux de fortune, et des drogués étaient adossés aux murs. Ma fille regardait à travers la fenêtre de la voiture, les yeux écarquillés face à ce spectacle qui s’offrait à elle. Mon fils, lui, essayait de toute évidence de digérer tout ce qu’il était en train de voir. Cette expérience leur a ouvert les yeux sur les gens démunis qui les entourent.

Je comprends l’importance d’être prudent lorsque nous apprenons ainsi à nos enfants à aimer les pauvres. Et bien sûr, nous faisons preuve de sagesse pour les protéger. Mais nous enseignons aussi à nos enfants que « l’amour parfait bannit la crainte » (1 Jean 4.18) : nous ne pouvons craindre ce que nous choisissons d’aimer. Nous avons ainsi appris à aimer les gens dont nous avions peur auparavant.

Nos enfants, qui ont maintenant 7 et 5 ans, se voient déjà comme des bénévoles dans ce ministère au sein des quartiers défavorisés du centre-ville. Ils servent dans la cantine, participent aux livraisons de nourriture, et aiment les enfants des sans-abri qui vivent au centre d’accueil. Nous pensons qu’il est important de planifier des moments dans notre emploi du temps pour servir. Si nous ne réservions pas ce temps, nous ne le ferions probablement pas du tout.

Servir ensemble s’est avéré être la meilleure façon de resserrer nos liens familiaux. Nous avons beaucoup de choses à nous dire et nous partageons bien des expériences. Et ce n’est d’ailleurs pas seulement le temps passé à servir qui contribue à nous rapprocher en tant que famille, mais aussi les conversations qui en découlent par la suite. Cette exposition au monde et aux besoins de ceux qui nous entourent nous permet de transmettre ce qu’est l’amour à nos enfants.

Nous avons voulu servir le Seigneur ensemble, parce que nous espérions être une source de joie et de bénédiction pour d’autres. Mais nous réalisons que cette joie et ces bénédictions finissent en fait par nous revenir, car nous apprenons nous-mêmes à mieux nous aimer les uns les autres.

Matthew Barnett est le cofondateur du Dream Center à Los Angeles. Il est aussi auteur et pasteur principal à l’église Angelus Temple.

Cet article a été publié dans le numéro de janvier 2012 du magazine Thriving Family sous le titre « Cultivate Compassion ». Tous droits réservés © 2012 Matthew Barnett. Utilisation autorisée.