Une espérance qui ne déçoit pas

Persévérer lorsque nos prières sont sans réponse

Écrit par Jeremy Favreau

« Dieu, je te prie pour la force de continuer à mettre un pied devant l’autre, le courage de persévérer par la foi, que ma situation s’améliore ou qu’elle empire… Que tu interviennes pour me sauver ou que tu persistes à t’absenter, je veux continuer à espérer en toi. »

Peut-être connaissez-vous cette sorte de prière ? Une prière « au bout du rouleau », une complainte émanant d’un cœur brisé qui veut tout de même continuer à espérer.

Rien ne blesse comme le silence, l’absence, ou l’inaction de la personne qui est supposée toujours être là pour nous. Pourtant, toute personne ayant fait l’expérience de la prière se reconnait dans cette situation. Nous ne pouvons espérer pour quelque chose que nous possédons déjà. Par la prière, nous exprimons nos requêtes à la seule Personne qui peut nous exaucer. Dans l’intervalle, l’espérance soutient nos cœurs.

Dans le cinquième chapitre de son épître aux Romains, l’apôtre Paul relate ce qui semble être un protocole à l’espérance : « … car nous savons que la détresse produit la persévérance, que la persévérance produit le courage [caractère] dans l’épreuve et que le courage produit l’espérance ». Cela se comprend assez bien : tel l’effet de la résistance sur un biceps, chaque répétition persévérante face à l’épreuve solidifie notre résilience, développe notre caractère, et renouvelle notre espérance.

Mais ce qui devrait se réaliser « en principe » ne se passe pas toujours concrètement. Si la Bible nous donne de telles instructions, pourquoi ne fonctionnent-elles pas systématiquement ? L’absence d’une réponse satisfaisante à cette question explique pourquoi certaines personnes qui font preuve d’énorme persévérance et de courage se retrouvent néanmoins en déficit d’espérance à un certain moment de leurs parcours. Il n’existe pas de réponse facile aux prières inexaucées. Mais il existe une espérance qui ne déçoit pas.

Risquer l’espérance

Lorsque nous lisons la Bible en y cherchant des réponses précises à nos défis personnels, nous pouvons facilement être leurrés par les « solutions » que nous en tirons. Dieu souhaite nous communiquer son cœur et son caractère à travers les pages de la Bible, mais pas dans l’objectif de « microgérer » nos prochains pas. Son but est plutôt de nous voir atteindre un niveau de maturité où nous savons prendre des choix avec discernement et sagesse, sans nécessairement avoir l’assurance qu’il s’agit du « bon » choix.

La vie nous offre une panoplie d’exemples. Lorsque nos enfants sont jeunes, nous nous attendons à ce qu’ils nous demandent la permission de faire un peu n’importe quoi. Nous voulons ainsi les protéger de toutes sortes de dangers dont ils n’ont pas conscience. Mais à mesure qu’ils grandissent, nous lâchons prise dans l’espoir qu’ils prennent de bonnes décisions de manière indépendante. C’est le même principe au travail. La personne qui ne démontre pas sa capacité à prendre des décisions parfois risquées ne se verra jamais accorder de plus grandes responsabilités.

Vivre d’espérance est un choix risqué. Une foi grandissante devra régulièrement se mesurer à diverses difficultés, et lorsque nous osons espérer, la fondation même de notre foi peut être ébranlée. C’est pourquoi il est essentiel que notre espérance soit correctement disposée.

Fonder son espérance sur la fidélité de Dieu

L’espérance ne peut pas dépendre de la quantité ou de la qualité de notre propre foi. Elle doit être placée sur la seule fondation qui ne chancèlera pas : celle de la fidélité de Dieu.

Dans Galates 2.20, nous lisons ce qui suit dans la version Nouvelle Français Courant (NFC) : « … ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi. Car ma vie humaine, actuelle, je la vis dans la foi du Fils de Dieu qui m’a aimé et qui a donné sa vie pour moi. » Dans la plupart des traductions antérieures, nous lisons : « … dans la foi au Fils de Dieu… ». Chacune de ces traductions soulève un aspect important de la foi que nous pourrions résumer ainsi : ma foi en Jésus dépend de la fidélité de Jésus envers moi. En conséquence, plus notre foi est fondée sur le caractère et l’amour de Jésus, plus elle peut générer l’espérance. Notre foi est importante, mais du début à la fin, tout est un don de grâce.

N’empêche que l’intervalle entre nos requêtes et la réalisation de nos prières est très inconfortable. Si, de plus, nous croyons que leur exaucement dépend de nous, l’inconfort de l’attente peut se transformer en quelque chose de bien plus nocif : un fardeau. Heureusement, Jésus nous invite à nous en décharger en échange de son fardeau léger (Mathieu 11.28-30). Nous faisons cet échange en fondant notre espérance sur sa fidélité. Ironiquement, peut-être, le défi initial de l’espérance consiste à lâcher prise et à nous confier dans ce que Dieu fait pour nous.

Mais une fois que nous avons placé notre espérance en Dieu, il nous revient tout de même la responsabilité de demander. Et cette étape est elle aussi jonchée d’obstacles.

Demander sans déterminer le dénouement

Jésus nous exhorte à chercher, à demander, à frapper aux portes jusqu’à ce qu’elles s’ouvrent (Matthieu 6.33). Il nous encourage à persévérer dans la prière et à ne pas perdre espoir (Luc 18.1). Mais quoi et comment demander ? Naturellement, nos prières sont d’une variété infinie. Néanmoins, nous concoctons nos requêtes selon certains gabarits.

Nous pouvons prier avec un dénouement défini en tête. Cette sorte de prière cherche généralement la résolution d’un problème ou un retour à la normale. Ces prières comportent une échéance souhaitée et au minimum, une esquisse de la réponse espérée. Lorsque nous prions de cette manière, nous misons beaucoup sur le fait de recevoir exactement ce que nous avons demandé. Ainsi, lorsque nos prières ne sont pas exaucées dans le délai espéré, l’âme du demandeur peut en être profondément blessée. Nous sommes susceptibles à ce que décrit le livre des Proverbes : « Un espoir différé rend le cœur malade… » (Proverbes 13.12a).

Nous pouvons aussi prier sans détailler notre demande, sans expliciter ce que notre cœur désire. Il est difficile de constater l’exaucement de telles prières en raison de leur imprécision. Derrière cette approche se cache le plus souvent la crainte d’être déçu par Dieu, ou le cynisme résultant de prières sans réponse. Plusieurs personnes échaudées par la sorte de prière décrite précédemment se retrouvent maintenant de ce côté. Il faut faire preuve d’empathie envers ceux qui peinent à espérer. J’ai été de ces derniers, et le courage requis pour espérer de nouveau peut prendre de longues années à retrouver.

Mais il est possible de prier avec clarté et confiance sans que notre espérance dépende d’un dénouement étroitement circonscrit. Pour ce faire, il faut intégrer réalisme et idéalisme.

Intégrer réalisme et idéalisme

Certaines personnes et traditions chrétiennes tendent vers l’idéalisme : elles prient pour la guérison, les miracles, la joie triomphante, la restauration de toutes choses. L’espérance véritable ne peut se soustraire à ces choses, car il serait impossible de prier « Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » sans croire que Dieu souhaite restaurer parfaitement la création entière, et ce, en commençant dès maintenant. Souscrire à de hauts idéaux reflète l’enthousiasme créateur et rédempteur de notre Seigneur.

D’autres personnes et traditions tendent vers le réalisme. Ces gens combattent l’injustice, viennent en aide aux personnes souffrantes, et cherchent activement à aider même s’ils ne peuvent pas tout corriger. Leurs prières sont le plus souvent générales, car leur foi sincère dépend du partenariat entre l’activité directe de Dieu et le rôle qu’ils jouent à son service. Cette approche réaliste reflète leur espérance en Dieu qui a créé les êtres humains à son image et leur a accordé la vocation de prendre soin de la création et d’exercer leur pouvoir pour le bien de tous.

Lorsque nous intégrons ces deux manières de prier, nous découvrons une espérance auto-régénératrice qui nous aide à naviguer la tension implicite à l’espoir dans un monde brisé.

À quoi ressemble une espérance qui ne déçoit pas ?

La vie n’est pas statique. La personne qui souhaite vivre animée d’espérance doit donc s’attendre à renouveler régulièrement son espoir relativement aux circonstances changeantes. Une espérance durable doit aussi être souple si elle ne veut pas briser lorsqu’elle est exposée aux épreuves brusques et inattendues de la vie. De plus, cette souplesse permet à l’espérance de s’adapter à la tension incontournable entre les idéaux et les réalités qui encadrent notre existence. Nous ne pouvons contrôler ce qui va nous arriver, mais nous pouvons développer la persévérance, le courage et l’espérance nécessaires pour naviguer avec Dieu à travers toute épreuve qui se présente sur notre chemin.

L’espérance ne s’acquiert pas instantanément. Tels les ajustements d’un chiropraticien qui alignent petit à petit notre colonne vertébrale, il faut « pratiquer » l’espérance pour lui permettre de nous changer. Je vous invite donc à « pratiquer » l’espérance en méditant sur le passage suivant dans son entièreté, le cœur et les mains ouverts à recevoir la grâce que Dieu souhaite vous accorder par son Esprit. N’oubliez pas, il ne s’agit pas d’un système à maîtriser ou d’une énigme à décoder, mais plutôt d’une promesse à recevoir de la part de Dieu. Que son amour et sa fidélité puissent à jamais vous combler.

Par Jésus nous avons, par la foi, eu accès à la grâce de Dieu en laquelle nous demeurons fermement. Et nous mettons notre fierté dans l’espoir d’avoir part à la gloire de Dieu. Bien plus, nous mettons notre fierté même dans nos détresses, car nous savons que la détresse produit la persévérance, que la persévérance produit le courage dans l’épreuve et que le courage produit l’espérance. Cette espérance ne nous déçoit pas, car Dieu a répandu son amour dans nos cœurs par l’Esprit saint qu’il nous a donné. (Romains 5.2-5)

 

Jeremy Favreau vit à Montréal avec son épouse Selene et leurs trois garçons. Formé en lettres et en théologie, il a travaillé dans le milieu des OBNL chrétiens pendant plusieurs années. Aujourd’hui, Jeremy se concentre sur les questions d’équité, de diversité et d’inclusion, et sur comment Dieu transforme intégralement les individus et les systèmes.

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