Aspirer à la bonté, humaine et divine
Étudié à la lumière de la Bible, le concept de bonté si à la mode, prend une tout autre profondeur
Par Subby Szterszky
« On t’a fait connaitre, homme, ce qui est bien et ce que l’Éternel demande de toi : c’est que tu mettes en pratique le droit, que tu aimes la bonté et que tu marches humblement avec ton Dieu. » (Michée 6.8)
Il serait juste de relever que la bonté est devenue l’une des vertus les plus valorisées et les plus mises en avant dans notre société actuelle. Des citations inspirantes sur Twitter ou Instagram nous rappellent régulièrement l’importance d’être gentils envers les autres. À travers les blogues ou les annonces publicitaires, on nous encourage à rendre ce monde et nos vies meilleures par le biais d’actes de bonté.
Tout cela est formidable. La bonté est l’une des qualités humaines les plus attrayantes. C’est une qualité que Dieu nous demande de développer et dont il est la source. Le fait qu’elle devienne populaire, surtout dans une époque d’indignations et de divergences permanentes, est plus que bienvenu.
Pourtant, comme avec d’autres qualités, il existe le risque de réduire la bonté à un bon sentiment dont les applications concrètes restent floues. Par opposition, les bontés divine et humaine décrites dans la Bible sont bien plus belles et profondes que cela. La bonté des Écritures va au-delà du fait de garder une attitude positive et d’être gentil avec les autres.
Le livre de Ruth : une étude sur la bonté
Bien qu’il se situe à l’époque plutôt sombre des Juges, le livre de Ruth est l’un des récits les plus lumineux et inspirants de toute la Bible. Deux femmes tout juste veuves, Naomi et sa belle-fille Ruth, reviennent en Israël sans argent et sans perspectives d’avenir. En fait, en tant qu’immigrante moabite, Ruth est doublement, voire triplement désavantagée. Malgré tout, elle sert avec dévouement Naomi et son Dieu, prenant soin de sa belle-mère rongée par le chagrin avec une énergie et un optimisme déterminés. Cela attire l’attention de Boaz, un parent fortuné de Naomi, qui décide alors d’aider les deux femmes. En temps voulu, Ruth et Boaz se marient et deviennent les ancêtres du roi David et donc de Jésus.
L’histoire de Ruth est remarquablement dépourvue de tout discours sur le péché ou le jugement. Le ton du récit reste au contraire positif, tournant autour de la notion de bonté, exprimée en hébreu par le mot hesed et qui revient à plusieurs reprises dans ce court livre. Il y a la bonté de Ruth envers Naomi, celle de Boaz envers Ruth et celle de Dieu envers chacun d’entre eux, lui qui est l’ultime auteur de leur histoire.
Cependant, le mot hesed peut aussi être traduit par « amour inébranlable » ou « amour fidèle », apportant une dimension supplémentaire à la bonté telle qu’elle est présentée dans ce livre et dans le reste des Écritures. Comme le résume Sarah Bowler dans sa discussion sur le commentaire de Ruth écrit par Daniel Block, le terme hesed possède trois qualités distinctes : tout d’abord, il s’exprime principalement à travers des actions, plutôt que par des paroles ou des émotions. Deuxièmement, il démontre un véritable soin préventif au service du bien-être des autres. Bowler cite ici Block : « Personne dans ce livre n’exige que Dieu comble ses besoins. Personne ne demande une intervention divine pour soi-même. Le vrai engagement de foi est exprimé par le souci pour le bien-être des autres. » Troisièmement, hesed signifie un dévouement qui va au-delà de ce qui est attendu ou mérité. Ruth abandonne tout ce qu’elle connait, sa famille, son pays, ses dieux, pour se consacrer au bien-être de Naomi qui, après la mort de sa famille, est rongée par l’amertume.
La noble beauté de la bonté divine
Comme toutes les qualités humaines, la bonté prend sa source dans le caractère de Dieu et démontre que les hommes sont créés à son image. La plupart des occurrences du mot hesed dans l’Ancien Testament décrivent la bonté et la gentillesse de Dieu envers l’humanité et le reste de sa création.
Dans les Psaumes en particulier, on retrouve de nombreuses références à l’hesed de Dieu, le plus souvent traduit par bonté. David décrit cette bonté avec emphase et de manière poétique comme étant quelque chose qui remplit la terre, les cieux et au-delà. La connaissance que nous avons maintenant de l’étendue du cosmos, nous permet de percevoir la bonté divine avec encore plus de majesté et de grandeur que ne pouvait l’imaginer David. De plus, les Psaumes parlent des animaux, des oiseaux, des vergers, des vignes, des champs et des forêts se réjouissant tous de la provision et des soins que leur apporte Dieu dans sa bonté. L’exaltation la plus condensée de l’hesed de Dieu se trouve dans le Psaume 136 avec 26 répétitions de « sa bonté dure éternellement », ancrant ainsi dans la bonté profonde de Dieu tous ses actes créatifs et rédempteurs, du début à la fin.
Cette bonté divine est aussi un modèle du fait qu’elle soit répandue y compris sur ceux qui ne la méritent pas, ce qui veut dire sur toute l’humanité déchue. Dans le Nouveau Testament, Jésus commande à ses disciples d’aimer leurs ennemis pour montrer qu’ils sont des enfants qui ressemblent à leur Père, « car il est bon pour les ingrats et pour les méchants. » (Luc 6.35)
Jésus lui-même a démontré la bonté ultime en mourant même pour des pécheurs qui ne lui avaient rien demandé. À la lumière de cette bonté des plus élevées, l’apôtre Paul encourage les chrétiens : « Soyez bons et pleins de compassion les uns envers les autres ; pardonnez-vous réciproquement comme Dieu nous a pardonné en Christ. » (Éphésiens 4.32)
Le mariage de la vérité et de la bonté
Il existe la perception, assez commune dans la culture en général aussi bien que parmi les chrétiens, que la bonté consiste à se montrer gentil et agréable en permanence, sans jamais offenser qui que ce soit. Ce n’est pourtant pas l’exemple donné par Jésus qui était l’incarnation parfaite de la bonté, aussi bien divine qu’humaine. Jésus, bien qu’infailliblement bon et plein de compassion, ne se dérobait pas lorsqu’il s’agissait de remettre en cause les idées fausses ou les comportements mauvais. Il dénonçait sans détours les pharisiens, les traitant de race de vipères. Il demandait à ceux qu’il guérissait et à qui il pardonnait de ne plus continuer à pécher.
On ne peut pas dire que, dans ces moments-là, il avait oublié d’être gentil. Au contraire, Jésus se montrait bon tout en disant la vérité que les personnes avaient besoin de connaître pour leur bien, même quand elles ne voulaient pas l’entendre. La bonté n’est pas toujours agréable à se faire dire ni indolore. Pourtant, laisser les gens s’enfoncer dans un cycle de péché qui finira par les détruire n’est en rien un acte de bonté ; c’est plutôt de la cruauté.
Jésus est le médecin de nos âmes. Comme tout bon médecin, il a parfois besoin de gratter une plaie pour la guérir. Ou comme le disait David : « Si le juste me frappe, c’est une faveur ; s’il me corrige, c’est de l’huile sur ma tête : elle ne s’y refusera pas. » (Psaume 141.5)
La bonté ne devrait jamais être séparée de la vérité. Pour paraphraser Tim Keller : « La bonté sans la vérité, c’est de la sentimentalité : elle nous soutient et nous encourage, mais nie nos défauts. La vérité sans la bonté, c’est de la dureté : elle nous donne une information, mais d’une manière difficile à entendre. »
Le pourvoir guérisseur de la bonté humaine
Rosaria Butterfield est une ancienne professeure lesbienne qui est aujourd’hui une grande auteure et oratrice chrétienne. Alors qu’elle n’était pas encore croyante, elle a écrit une critique concernant un groupe évangélique dans un journal local. Elle a alors reçu autant de lettres de fans que de lettres d’insultes. Et puis, elle a reçu une lettre de deux pages, écrite par un pasteur de sa ville sur un ton chaleureux et interrogateur, lui posant des questions honnêtes, sans l’attaquer, même s’il était clairement en désaccord avec ses propos.
« C’était la lettre d’opposition la plus gentille que j’aie jamais reçue », se rappelle Butterfield. Au départ, elle ne savait pas quoi en faire mais elle a fini par contacter ce pasteur et sa femme et ils sont devenus amis. « Ils me parlaient sans que je me sente effacée, niée », remarque-t-elle, notant que son amitié avec le couple a été une étape essentielle dans son chemin vers Christ.
Ces dernières années, les réseaux sociaux ont été envahis de débats toxiques et polarisants concernant la politique, la religion, les sciences, la sexualité, les loisirs et à peu près n’importe quel autre sujet sur lequel on peut se disputer. Ces comportements en ligne reflètent une fragmentation profonde de notre société dans son ensemble. Elle est malheureusement présente aussi bien parmi les chrétiens que les non-chrétiens. L’église quant à elle, a aussi été gangrenée par ses propres histoires d’abus, non seulement physiques et sexuels, mais aussi émotionnels et spirituels.
Il n’est pas étonnant qu’il y ait un profond besoin de bonté à travers tout le spectre social afin de rétablir un peu de décence et de civilité dans un environnement qui s’en est résolument éloigné. Les injonctions du prophète Michée à pratiquer la justice, à aimer la bonté et à marcher humblement avec Dieu sont plus que jamais pertinentes et dignes de publications Instagram.
Pour ceux qui suivent Jésus, la bonté est un fruit du Saint-Esprit, produit dans le cœur par le Seigneur lui-même. Bien plus, Dieu a aussi donné la capacité d’être bon à tous les humains qu’il a créés à son image. Il s’agit d’une bonté qui est le reflet de la sienne. Il en a fait l’une des qualités les plus belles et les plus attirantes. Il a déposé dans notre cœur le désir de la rechercher et d’en faire l’expérience. Il l’a remplie d’un potentiel de guérison pour nos vies, nos relations et même pour la société.
Selon Paul, la bonté de Dieu a pour but de nous conduire à la repentance (Romains 2.4). Elle fait fondre nos cœurs, enchante nos affections et éveille notre désir d’aimer Dieu et de lui faire confiance. Et puisque la repentance est un chemin qui dure toute notre vie, il incombe aux chrétiens de continuellement méditer sur la bonté de Dieu, de la tourner et retourner dans nos esprits et notre imagination pour qu’elle continue à faire son œuvre en nous.
Pour finir, nous souhaitons recevoir la bonté de Dieu et de ceux qui nous entourent et en avons besoin pour inspirer la nôtre. Nous cherchons à être des instruments de guérison à un niveau personnel et sociétal, et à plaire à notre Dieu qui est la source de toute bonté.
Subby Szterszky est le rédacteur en chef de la rubrique Foi et Culture chez Focus on the Family Canada.
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